Lectures bibliques : 1 Rois 19, 16b 19-21 \/ Luc 9, 57-62<\/p>\n\n\n\n
Chers fr\u00e8res et s\u0153urs,<\/p>\n\n\n\n
Dans l\u2019esp\u00e9rance et la pri\u00e8re, nous nous souvenons aujourd\u2019hui de nos proches qui nous ont quitt\u00e9s r\u00e9cemment. Pourtant, l\u2019Evangile que nous venons d\u2019\u00e9couter semble en d\u00e9calage avec la raison de notre pr\u00e9sence ici.<\/p>\n\n\n\n
Un homme est en deuil. Il vient de perdre son papa. A ce moment-l\u00e0, J\u00e9sus l\u2019appelle \u00e0 le suivre : \u00ab suis-moi \u00bb, lui dit-il. L\u2019homme r\u00e9pond \u00e0 J\u00e9sus : \u00ab Seigneur, permets-moi d\u2019aller d\u2019abord enterrer mon p\u00e8re \u00bb. Il n\u2019a pas dit non \u00e0 J\u00e9sus. Il demande simplement de participer d\u2019abord aux fun\u00e9railles de son papa. Et que lui r\u00e9pond J\u00e9sus ? \u00ab Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, va et annonce le r\u00e8gne de Dieu \u00bb.<\/p>\n\n\n\n
On peut \u00eatre choqu\u00e9 par la r\u00e9ponse de J\u00e9sus. Elle para\u00eet totalement ind\u00e9licate. J\u00e9sus n\u2019a-t-il donc aucun respect pour les personnes endeuill\u00e9es ? Comment peut-il traiter de \u00ab morts \u00bb ceux qui enterrent leurs morts ? Et puis, avons-nous \u00e0 choisir entre Dieu et nos proches ? Est-ce que suivre le Christ signifie renoncer \u00e0 des besoins et \u00e0 des activit\u00e9s l\u00e9gitimes dans notre vie ?<\/p>\n\n\n\n
D\u2019un autre c\u00f4t\u00e9, dans un autre passage de l\u2019Evangile, on voit J\u00e9sus pleurer \u00e0 la mort de son ami Lazare (Jn 11). Le texte pr\u00e9cise que J\u00e9sus est \u00ab saisi d\u2019\u00e9motion \u00bb et \u00ab boulevers\u00e9 \u00bb quand il voit la tristesse et les pleurs des proches de Lazare. Puis, \u00e0 son tour, il se met \u00e0 pleurer.<\/p>\n\n\n\n
J\u00e9sus a donc conscience de la r\u00e9alit\u00e9 de la mort. Il est sensible \u00e0 la souffrance que provoque le d\u00e9part d\u2019un proche. Quand il r\u00e9pond \u00e0 l\u2019homme de l\u2019Evangile : \u00ab laisse les morts enterrer leurs morts \u00bb, ce n\u2019est s\u00fbrement pas sur un ton de reproche, mais de conseil. J\u00e9sus ne s\u2019oppose pas \u00e0 sa demande, mais il la corrige et lui fait une recommandation. <\/p>\n\n\n\n
L\u2019homme endeuill\u00e9 demande d\u2019aller d\u2019abord enterrer son p\u00e8re avant de suivre J\u00e9sus. \u00ab D\u2019abord \u00bb signifie que suivre J\u00e9sus et enterrer son p\u00e8re sont deux choses qui se succ\u00e8dent, et donc qui ne peuvent pas avoir lieu en m\u00eame temps. J\u00e9sus le corrige en montrant que c\u2019est tout le contraire. Le suivre n\u2019est pas une activit\u00e9 qu\u2019on planifie dans son agenda. Suivre J\u00e9sus, c\u2019est avant tout une attitude que l\u2019on garde dans les situations de la vie. J\u00e9sus sugg\u00e8re \u00e0 l\u2019homme endeuill\u00e9 qu\u2019il peut d\u00e9j\u00e0 le suivre en allant enterrer son papa. Il lui sugg\u00e8re une mani\u00e8re de vivre son deuil \u00e0 sa suite.<\/p>\n\n\n\n
\u00ab Je suis la vie \u00bb, dit J\u00e9sus dans l\u2019\u00e9vangile de Jean (Jn 11, 25 ; 14, 6). Marcher \u00e0 la suite du Christ, c\u2019est garder une attitude favorable \u00e0 la vie. \u00ab Laisse les morts enterrer leurs morts \u00bb, autrement dit : vis ton deuil en moi qui suis la vie. Et J\u00e9sus continue en disant \u00e0 cet homme : \u00ab Va, et annonce le r\u00e8gne de Dieu \u00bb. Or, \u00ab Dieu est amour \u00bb, nous dit l\u2019ap\u00f4tre Jean (I Jn 3, 6). \u00ab Dieu est amour \u00bb ; \u00ab Dieu est vie \u00bb. : \u00ab Va et annonce le r\u00e8gne de Dieu \u00bb, autrement dit : va et garde l\u2019attitude de quelqu\u2019un qui est sous le r\u00e8gne de l\u2019amour, le r\u00e8gne de la vie.<\/p>\n\n\n\n
Suivre le Christ n\u2019est donc pas une question de mouvement physique, mais de mouvement du c\u0153ur. J\u00e9sus invite cet homme \u00e0 aimer pleinement, et par cons\u00e9quent \u00e0 vivre pleinement, malgr\u00e9 le deuil. Il l\u2019invite \u00e0 t\u00e9moigner du r\u00e8gne de la vie qui est r\u00e8gne de Dieu. Il l\u2019invite \u00e0 t\u00e9moigner du r\u00e8gne de l\u2019amour qui est r\u00e8gne de Dieu.<\/p>\n\n\n\n
Et nos proches qui nous ont quitt\u00e9s, parce qu\u2019ils nous ont aim\u00e9s, voudraient certainement que nous continuons de vivre pleinement et d\u2019aimer vraiment. Les souvenirs que nous avons d\u2019eux sont des souvenirs de leur pr\u00e9sence parmi nous. Ce sont des souvenirs de paroles et de gestes, de temps de partages. Ce sont des souvenirs de vie ensemble qui nous inspirent pour poursuivre le vivre ensemble, poursuivre nos efforts de bienveillance, d\u2019amour, de r\u00e9conciliation.<\/p>\n\n\n\n
Oui, c\u2019est bien d\u2019amour qu\u2019il s\u2019agit quand on parle de vivre pleinement. Aristote disait : \u00ab Sans amis, personne ne choisirait de vivre \u00bb (Ethique \u00e0 Nic.). C\u2019est parce que le Dieu en qui nous croyons est un Dieu de vie, qu\u2019il met l\u2019amour au c\u0153ur de notre existence. Vivre pleinement, c\u2019est donc vivre pour aimer. Et vivre pour aimer, c\u2019est vivre en Dieu parce que \u00ab Dieu est amour \u00bb. L\u2019ap\u00f4tre Jean nous dit : \u00ab Celui qui aime est n\u00e9 de Dieu et [il] conna\u00eet Dieu \u00bb (I Jn 4, 7).<\/p>\n\n\n\n
Nous sommes croyants pratiquants, pas parce que nous allons r\u00e9guli\u00e8rement \u00e0 l\u2019\u00e9glise ou au temple, mais parce que nous avons le souci de garder l\u2019amour au c\u0153ur de notre vie. Le temple est un lieu de ressourcement. Il est comme une borne de recharge pour que la batterie de l\u2019amour alimente le r\u00e9seau de notre quotidien.<\/p>\n\n\n\n
Et si nous avons du mal \u00e0 aimer, si nous avons du mal \u00e0 surmonter nos diff\u00e9rences, nos tensions, nos disputes, rappelons-nous que \u00ab Dieu est amour \u00bb, et que rien de contraire \u00e0 l\u2019amour n\u2019est plus fort que lui. Invitons Dieu dans notre c\u0153ur et dans le c\u0153ur de l\u2019autre afin qu\u2019il \u00e9tablisse son r\u00e8gne en ouvrant les vannes de l\u2019amour.<\/p>\n\n\n\n
Si nous avons du mal \u00e0 aimer, faisons n\u00f4tre la pri\u00e8re de Saint Augustin : Tu me demandes d\u2019aimer, Seigneur, donne-moi ce que tu demandes et demande ce que tu veux (Les Confessions \u2013 citation paraphras\u00e9e). Dieu nous appelle \u00e0 faire face aux d\u00e9fis de l\u2019amour parce qu\u2019il est pr\u00eat \u00e0 soutenir nos efforts d\u2019aimer. Il stimule nos c\u0153urs et nos pens\u00e9es en faveur de l\u2019amour. Il nous inspire des paroles de bienveillance. Il soutient notre d\u00e9vouement au service des autres, au travail, dans la vie sociale, \u00e0 la maison. Dieu s\u2019invite \u00e0 nos multiples t\u00e2ches du m\u00e9nage parce que nous y mettons du c\u0153ur pour la vie et le confort de nos proches.<\/p>\n\n\n\n
Nos engagements et nos activit\u00e9s ne sont donc pas en concurrence avec la relation \u00e0 Dieu. Nos liens avec les vivants comme avec nos proches d\u00e9c\u00e9d\u00e9s, ne sont pas en concurrence avec la relation \u00e0 Dieu. Si nous suivons le Christ, il nous invite simplement \u00e0 faire r\u00e9gner l\u2019amour dans notre vie et dans nos liens aux autres. Car, l\u00e0 o\u00f9 est l\u2019amour, Dieu est pr\u00e9sent. <\/p>\n\n\n\n
Cyprien Mbassi<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"