Vous avez des oreilles – culte du 12 juillet à Fleurier

Culte du 12 juillet 2020 – temple de Fleurier

Lecture et service : Sœur Odette, Orgue : Fabienne Pantillon, Célébrant : David Allisson
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Invocation

Grâces te soient rendues, Seigneur, pour la Parole de ton Fils, semence de Vie qui fit jaillir le ciel et la terre.

Grâces te soient rendues, Seigneur, pour le souffle de l’Esprit, promesse de Vie qui ensemence en nous l’amour, la foi et l’espérance, secrètes énergies d’un monde en gestation.

Grâces te soient rendues, Seigneur, pour la mort et la résurrection de ton Fils, qui ont ouvert le temps de la moisson.
Par lui, ton Royaume est déjà parmi nous, par lui, ton Jour, le jour du Jugement, le temps du discernement est déjà commencé.

Grâces te soient rendues, Seigneur, car ton Royaume n’est pas pour demain, il est pour aujourd’hui.
En tout acte d’amour, de partage, d’amitié, de solidarité et de pardon, mûrit la moisson où tu jettes déjà la faucille. Amen.

Michel Hubaut, Prier les paraboles. Accueillir le Royaume de Dieu,
Desclée de Brouwer, Paris, 1988, p.36

Annonce du pardon

Jésus dit encore : Il en est du royaume de Dieu comme d’un homme qui jette de la semence en terre.

Qu’il dorme ou qu’il veille, nuit et jour, la semence germe et pousse, sans qu’il sache comment. La terre produit d’elle-même d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin le blé bien formé dans l’épi. Et quand le fruit est mûr, l’homme se met au travail avec sa faucille, car le moment de la moisson est arrivé.[Marc 4,26-29]

Le royaume de Dieu n’est pas une haute montagne qu’il te faut escalader.

Le royaume de Dieu n’est pas une soudaine explosion qui renverse tout.

Le royaume de Dieu n’est pas une révolution qui change le régime politique.

Le royaume de Dieu est une petite graine plantée dans l’humus de notre terre.

La semence est en toi… laisse-la germer, grandir, s’épanouir.

Le royaume est cette grâce inscrite dans les creux de ta vie.

Il est cette parole qui te dit qu’au-delà de tes révoltes, de tes refus, de tes chutes et de tes oublis : TU ES AIME DE DIEU

Que cette parole s’enracine en toi, dans tes jours et dans tes nuits, dans tes veilles et dans ton sommeil, dans tes rêves et dans ta vie : TU ES AIME DE DIEU. Amen.

Antoine Nouis, La Galette et la Cruche – prières et célébrationstome 2 (jaune), p.86

Lecture de la Bible

Esaïe 55,10-11
Matthieu 13,1-9

Prédication 

de David Allisson

La parole du Seigneur est efficace : le prophète Esaïe l’a souligné : comme la pluie ne retourne pas au ciel sans avoir irrigué la terre et l’avoir rendue fertile, la parole du Seigneur ne revient pas à lui sans avoir produit son effet.

La parole du Seigneur est donc bien plus efficace que le semeur de la parabole de Jésus : sur 6 verset, 4 expriment l’échec de la germination. Sur 4 terrains ensemencés, 3 ne produisent pas de récolte !

Voilà le royaume de Dieu : deux tiers à trois quarts d’échec, selon la manière de compter !

Et nous qui voyons surtout la récolte, nous aimerions maximiser les gains et minimiser les pertes. Et nous savons bien que c’est possible, pour autant que nous ouvrions bien nos oreilles, comme le dit la chute de l’histoire :

Des grains tombèrent dans la bonne terre et produisirent des épis : les uns portaient cent grains, d’autres soixante et d’autres trente.

Ecoutez bien, si vous avez des oreilles !

[Mt 13,8-9]

Merci, Seigneur, de nous signaler d’être attentifs à la bonne terre et de faire en sorte que le grain que nous semons se multiplie au maximum.

Mais il y a une série de petits problèmes qui se posent.

Pour commencer, c’est un problème de choisir une parabole célèbre comme texte de base d’une prédication.

Tout d’abord, choisir une parabole, c’est penser qu’on pourra développer une réflexion à partir d’une histoire qui est censée susciter elle-même la réflexion.

En effet, les paraboles sont reconnues depuis longtemps pour leur capacité à toucher la personne et à réorienter sa compréhension de Dieu. Elles sont composées d’images faciles d’accès, souvent tirées de la vie quotidienne. Elles sont des récits courts qui en quelques mots et par des comparaisons bien choisies ont une force de persuasion qui incite à l’action. Ces courts récits sont volontiers utilisés en catéchèse pour l’efficacité de leur communication.

Le fait que la parabole soit célèbre est aussi un problème pour le prédicateur. Vous la connaissez depuis longtemps et vous vous êtes fait votre idée au sujet de ce qu’elle pourrait vous dire. J’aurai du mal à vous inciter à renouveler votre compréhension de cette histoire de semeur.

Autre problème : Jésus explique lui-même le sens de la parabole, quelques lignes plus bas.

On sait donc par Jésus lui-même que les graines qui tombent le long du chemin mangées par les oiseaux représentent ceux qui entendent parler du Royaume et ne comprennent pas : le Mauvais arrive et arrache ce qui a été semé dans leur cœur.

Les graines qui tombent sur sol pierreux représentent ceux qui entendent et reçoivent la parole avec joie, mais en qui elle ne s’enracine pas. La détresse, le malheur ou la persécution sont pour eux comme le soleil qui brûle les jeunes pousses.

Des graines tombent dans les épines : elles germent puis sont étouffées par les ronces. Elles représentent ceux qui ont entendu la parole, mais chez qui les préoccupations de ce monde et l’attrait trompeur de la richesse vient étouffer cette parole.

Et finalement, les grains tombés dans la bonne terre germent, poussent et donnent des épis de 100, 60 et 30 grains, ce sont ceux qui entendent la parole, la comprennent et portent des fruits.

Que dire de plus ?

Pour commencer, je crois qu’il faut faire un pas en arrière par rapport au côté simple d’accès de la parabole. Là aussi, Jésus lui-même s’explique directement dans le texte.

Ses disciples s’étonnent de le voir enseigner en racontant des paraboles, ces petites histoires imagées. Et Jésus répond que c’est pour cacher le message.

Il dit à ses disciples : « Vous avez reçu, vous, la connaissance des secrets du Royaume des cieux, mais eux ne l’ont pas reçue. Car celui qui a quelque chose recevra davantage et il sera dans l’abondance ; mais à celui qui n’a rien on enlèvera même le peu qui pourrait lui rester. C’est pourquoi j’utilise des paraboles pour leur parler : parce qu’ils regardent sans voir et qu’ils écoutent sans entendre et sans comprendre. Ainsi s’accomplit pour eux la prophétie exprimée par Esaïe en ces termes : « vous entendrez bien, mais vous ne comprendrez pas ; vous regarderez bien, mais vous ne verrez pas. Car ce peuple est devenu insensible ; ils se sont bouché les oreilles, ils ont fermé les yeux, afin d’empêcher leurs yeux de voir, leurs oreilles d’entendre, leur intelligence de comprendre, et ainsi, ils ne reviendront pas à moi pour que je les guérisse, dit Dieu. » » Mt 13,13-15

Ce développement donne l’impression que Dieu ressemble à un semeur qui fait exprès de lancer son grain sur des terrains menacés par les oiseaux, la chaleur du soleil ou les ronces qui vont l’empêcher germer, de pousser ou de grandir.

Et si ces terrains des échecs du semeur étaient les terrains de l’Église ?

Et si au lieu d’être le terrain privilégié de la présence de Dieu, l’Église collectionnait les échecs de la germination et de la croissance du Royaume de Dieu ?

Comme si nous étions une Église au bord du chemin et que nos bonnes paroles de la foi venaient à la manière des oiseaux enlever à la parole de Dieu sa saveur et sa possibilité de grandir dans le monde.

Comme si les pierres de l’institution Église, chauffées par le soleil des événements du monde, ne pouvaient que dessécher et faire crever les pousses de la parole de Dieu.

Comme si les ronces de nos habitudes étouffaient dès la germination les plantes à peine nées de la graine. […]

La bonne terre, elle est peut-être dehors. […]

La bonne terre est peut-être dans l’amour et la fidélité des couples de même sexe que nous hésitons à accueillir comme les enfants de Dieu qu’ils sont.

La bonne terre est peut-être dans la justice sociale et climatique que nous pouvons exiger des entreprises, y compris des multinationales qui font notre fierté suisse et qui pourraient assumer encore davantage les responsabilités qui leur incombent de par leur puissance économique.

La bonne terre est peut-être dans la disponibilité des buveurs ou des toxicomanes qui ont fait l’expérience de leur vulnérabilité et qui ont connus de nombreux échecs. Ils savent qu’ils ont besoin d’être ensemencés de forces de vie nouvelles.

La bonne terre est peut-être dans la recherche de sens et de vie de celles et ceux qui explorent l’Évangile, mais aussi d’autres religions ou traditions spirituelles.

Je crois que nous sommes de la bonne graine et que nous pouvons germer dans ces bonnes terres qui nous intimident ou qui nous rebutent.

Je crois aussi qu’il y a bien d’autres bonnes terres à reconnaître et que le royaume de Dieu ensemence. Ayons des oreilles et des yeux, écoutons et voyons où Dieu parle et agit dans le monde. Et joignons-nous à ces graines qui germent, poussent, grandissent et portent du fruit.

Amen.

Prière « Va et sème à tous vents »

Jésus, tu es le Semeur, hier sur les routes de Galilée, aujourd’hui sur les routes de nos vies.

Tu sèmes toujours à profusion, à la volée, sans jamais te lasser. Car tu sais qu’il faut compter avec les oiseaux, les buissons et les pierres disséminées.

Toi, qui en dépit de vaines semailles et d’échecs apparents, as poursuivi ta mission inlassablement ; toi le Grain de blé qui meurt, enfoui dans la mort, tu redis à chacun·e de nous que tu envoies pour ta moisson :

Va vers tous les hommes et vers toutes les femmes, ce sont mes frères et mes sœurs.

Risque ma Parole le matin, le soir et à midi, à tous les âges de leur vie.

Dans les promesses de leur naissance, dans les interrogations de leur adolescence, dans les engagements, les choix, les échecs et les doutes de leur maturité, dans l’ultime passage, au bout de leur route, où s’ouvre l’éternité.

Sème ma Parole à tous les vents, inlassablement.

Sème dans les fêtes, les deuils et les révolutions, sème dans les mouvements sociaux et les contestations, sème sur les places publiques et aux coins des rues.

Sème dans les terres dévastées, calcinées par la guerre, la haine ou la misère ; sème dans les terres labourées par l’épreuve, la souffrance et la prière ; sème dans la terre disponible des enfants et des cœurs purs.

Sème dans la terre de chaque génération et de chaque culture, sème dans les terres piétinées des peuples asservis, sème dans les terres retournées au soir de la vie.

Et souviens-toi, que tout ce que tu auras patiemment semé, souvent dans la peine et les larmes, d’autres le moissonneront ; la fécondité de ton labeur échappera à tes propres yeux, car elle ne sera jamais totalement la tienne, mais celle de mon Père qui est dans les cieux.

D’après Michel Hubaut, Prier les paraboles. Accueillir le Royaume de Dieu,
Desclée de Brouwer, Paris, 1988, p.37

Intercession

Seigneur,
notre Église, notre monde ou nous-mêmes ressemblons à la terre d’un bord de chemin où les oiseaux viennent manger les graines que tu sèmes.
Laboure-nous, remets-nous au centre de ta culture pour que ton amour germe, pousse et se développe.

Nous te prions pour notre monde en pleine crise sanitaire et particulièrement pour les pays les plus touchés comme le Brésil, les États-Unis, l’Inde.

Seigneur, ôte les pierres du terrain que nous sommes, pour que nous devenions souples et fertiles. Que le soleil et la chaleur des événements et des moments que nous traversons ne dessèchent pas ce qui devrait pousser en nous d’amour, d’accueil et de disponibilité pour ce qui est autour de nous.

Nous prions pour les personnes touchées par le deuil, une perte ou une séparation.

Notre Église, notre monde ou nous-mêmes semblons faire pousser tellement de ronces et de plantes à épines que les graines de ton amour peinent à germer et ne peuvent pas se développer. Soutiens-nous dans notre information et nos choix pour que nous puissions participer à la Vie que tu offres.

Nous te prions pour les habitants et les jeunes de Hong Kong.

Seigneur, rends-nous disponible à être la bonne terre que tu attends que nous soyons. Donne-nous aussi la simplicité et les yeux de ton amour pour voir que la bonne terre où pousse ce que tu sèmes est aussi à côté de nous, à côté de l’Église. Donne-nous faim et soif de voir grandir ton amour et pas forcément de solidifier nos murs.
Seigneur, accueille notre prière.
Donne-nous d’accueillir la présence, les paroles, les joies et les douleurs de celles et ceux que nous rencontrons.

Souviens-toi de nous dans ton règne, apprends-nous toi-même à prier.

Notre Père…