Voir et agir

Dimanche 4 mars 2018 à Couvet – culte présidé par Séverine Schlüter à l’occasion de la journée des malades.
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Tenture de Carême 2017-2018Lien pour consulter l’image de la tenture de Carême et le carnet de méditation

Lectures bibliques :

Prédication

“Voir et agir”. C’est la formule sous laquelle se sont rassemblées les œuvres d’entraide de nos différentes Eglises.

La Campagne de Carême de cette année met le doigt sur des situations qui doivent nous interpeler dans notre monde : épuisement des ressources, exploitation des populations, déséquilibres sociaux… il s’agit d’en prendre conscience et de prendre les mesures nécessaires.

  • La tenture de Carême, découverte déjà l’année dernière et que nous voyons ici, nous invite à ce jeu du regard.

Elle nous renvoie à notre lien à la nature, à notre prochain et à Dieu. Ce lien nous exhorte à ne pas détourner le regard lorsque la nature est malmenée ou que les droits humains sont foulés au pied.

Oui notre terre souffre… mais nous voulons nous arrêter aujourd’hui à la souffrance que vivent parfois les habitants qui foulent cette terre.

“Voir et agir”. C’est aussi le mode de vie par lequel Jésus a choisi de rencontrer ses contemporains.

Sur les routes, il est souvent interpelé par des passants, qui lui demandent ses avis, sa bénédiction, la prière ou la guérison, pour eux ou un de leur proche. Très sollicité, son entourage essaie de le protéger ; on les voit parfois repousser les importuns et ceux qui le pressent de toutes parts. Mais lui ne se dérobe pas.

  • sur la tenture de Carême, les personnages, bien qu’issu de réalités différentes illustrées par les deux couleurs en contraste, acceptent eux aussi la rencontre : c’est un échange, un face à face, on regarde droit dans les yeux, on accepte de voir l’autre tel qu’il est, sans se détourner.

Et on peut observer aussi qu’il n’y a pas qu’un échange du regard : les personnages, au-delà de la frontière qui les séparent, se touchent et se rejoignent.

De même, pour Jésus, après l’accueil du handicap de celui qui est en face de lui, vient les actes concrets.

  • il prend l’aveugle par la main et le mène à l’écart
  • il met – par deux fois – de la salive sur ses yeux (on accordait à l’époque des vertus thérapeutiques à la salive)
  • il pose les mains sur lui
  • il entre en dialogue

Il ne s’agit pas ici de formule magique, ou d’une recette toute faite à appliquer. D’ailleurs dans le récit cela ne marche pas tout de suite. Pour Jésus, dans ses guérisons, il s’agit avant d’entrer en relation, et de trouver ce qui va débloquer la situation.

A la fin, il recommande à la personne guérie de ne pas entrer dans le village – probablement, comme dans d’autres récits, pour que l’homme n’aille par crier sur les toits ce qui c’est passé.

Ce n’est jamais sur lui que Jésus veut attirer l’attention– la guérison, c’est de son Père qui est au ciel qu’elle vient, et non de lui-même.

Comme pur montrer aussi que – au delà de la guérison corporelle, c’est la portée symbolique de l’expérience qui est essentielle.

“Voir et agir”. Voir est un acte physique, quelque chose qu’on opère avec ses yeux… mais cela peut être aussi une action intérieure.

Dans l’Evangile de Marc, ce récit se situe juste après un passage qui souligne l’incompréhension des disciples. Jésus leur dit alors : “vous avez des yeux, mais vous ne voyez pas”. Et juste après l’épisode de la guérison, vient la confession de foi de Pierre : “Tu es le Christ”. Le passage de la guérison de l’aveugle souligne ainsi, en même temps, que les disciples ont besoin aussi d’être guéris de leur aveuglement intérieur.

Ainsi, voir c’est aussi opérer le discernement nécessaire pour comprendre ce qui est en jeu.

Dans les récits de guérison, l’accent est souvent mis moins sur l’aspect physique, que sur la guérison intérieure de la personne, sur le changement de vie que cela va impliquer pour elle. La guérison extérieure, visible, n’est que le signe de ce qui se passe dedans. Parfois, il faut du temps, à l’image de la guérison opérée en deux temps, cette fois-là…

Toute la personne se trouve engagée dans un processus de guérison.
C’est ce en quoi cette histoire peut nous rejoindre.
Car tous, à un niveau ou l’autre de notre personne, nous avons besoin d’être libérés de quelque chose.

“Voir et agir”.
Vous connaissez cette phrase de Saint-Exupéry : «l’essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien qu’avec le cœur…»
La Campagne œcuménique cette année invite à un changement en profondeur de nos valeurs et de notre manière de vivre, un changement de regard sur notre monde… cela vaut aussi pour nos relations avec les autres, avec les fragilités qui sont les leurs.

Nous avons parfois des réticences à voir et d’accueillir pleinement la souffrance de l’autre parce que nous nous sentons démunis, nous nous limitons parfois dans nos prière pour elles, car nous avons peur que “cela ne marche pas”.

Mais pourtant, personne ne nous demande d’être maître du résultat. Cela, c’est l’affaire de Dieu. Ce qui nous est demandé, c’est de l’écoute, c’est de l’attention, c’est se mettre soi-même et mettre l’autre sous le regard de Dieu, dans la confiance qu’il est là ; demander la paix dans sa situation, avec l’espérance que le chemin s’ouvrira, même si on ne sait pas de quelle manière cela se fera.

Cela, c’est en notre pouvoir. Cela, c’est regarder l’autre, se laisser toucher par lui, tendre la main vers lui… le reste appartient à Dieu.

Nous avons parfois aussi des réticences à demander autour de nous de l’aide, de l’attention face à ce que l’on traverse, par peur de déranger. Peut-être. Et pourtant… j’aime croire que si Dieu nous a donné des compagnons de route, c’est aussi pour cela.

Je suis de celles qui n’aime pas déranger… j’ai aussi un mari qui me dit régulièrement, quand je suis peu bien ou préoccupée par un problème et que j’ai des scrupules à le solliciter : “tu sais, si je t’ai épousé, c’est aussi pour que tu me dérange…”

Je vous invite en conclusion à entendre ou à réentendre ces textes tirés de la brochure de méditation du Carême :

Regards :
Nous sommes si étrangers l’un à l’autre
si différents, si lointains.
D’abord tu ne m’as pas regardé
je n’existais pas pour toi.
Puis une parole t’a rejoint(e)
Surpris(e), tu as levé les yeux sur moi.
Quand tu as croisé mon regard
attentif, bienveillant, aimant
tes yeux s’y sont perdus.
Et nous nous sommes découverts
l’un à l’autre, en vérité.

Instant :
Tu as posé tes mains sur mes épaules
et je me suis laissé toucher.
J’ai posé ma main sur ton épaule
et tu t’es laissé toucher.
Tu as effleuré de tes doigts mes yeux éteints.
Quelque chose en moi a changé :
un peu de ta vie en moi ? *

Rencontre :
Tu as posé tes yeux dans mes yeux
tes mains sur mes épaules
et je me suis senti exister
jusqu’aux extrémités de mon être.
J’ai posé mes yeux dans tes yeux
mes mains sur tes épaules
une nuée de paix est descendue sur nous
et nous garde hors du temps.
J’existe – tu existes

*Je suis si bien… près de toi…
Cadeau de Dieu – instant de grâce.

Amen.

Prière d’intercession (d’après un texte liturgique de l’EERV)

« Voici que moi je vais faire du neuf qui déjà bourgeonne; ne le reconnaîtrez-vous pas ? Ainsi nous interpelles-tu, Dieu notre Père. C’est pourquoi nous te demandons:
Donne-nous des yeux pour reconnaître ce qui est neuf et qui est en train de pousser çà et là. En ce sens nous te prions:

– Pour ceux et celles qui souffrent dans leur corps
parce que la maladie les ronge:
donne-leur ton Esprit de force.

– Pour ceux et celles qui souffrent dans leur coeur
parce que la solitude est trop lourde:
donne-leur ton Esprit d’amitié.

– Pour ceux et celles qui souffrent dans leur intimité parce que quelqu’un a abusé de leur personne:
donne-leur ton Esprit de réparation.

– Pour ceux et celles qui souffrent dans leur âme
parce qu’ils ne trouvent pas de réponse:
donne-leur ton Esprit de sagesse.

– Pour ceux et celles qui souffrent dans leur esprit
parce qu’ils n’arrivent pas à être comme les autres:
donne-leur ton Esprit de courage.

– Pour ceux et celles qui souffrent dans leur présent
parce qu’ils perdent l’espoir du lendemain:
donne-leur ton Esprit d’humilité.

– Pour ceux et celles qui souffrent dans leur sommeil
parce qu’ils n’arrivent pas à trouver la paix:
donne-leur ton Esprit de réconfort.

– Pour ceux et celles qui souffrent dans leur amour
parce qu’il a perdu sa saveur:
donne-leur ton Esprit d’émerveillement.

– Pour ceux et celles qui souffrent de l’indifférence
parce qu’ils ont perdu leur dignité:
donne-leur ton Esprit de solidarité.

– Pour ceux et celles qui souffrent d’aujourd’hui
parce que demain n’est plus promesse:
donne-leur ton Esprit de vie.

A nous tous, Dieu notre Père, donne ton Souffle recréateur.
Amen.