Vendredi-passion

Culte du Vendredi saint, 2 avril 2021 aux Verrières

Officiante : Séverine Schlüter / Lectures : Rosemarie Fragnière

Organiste : Jean-Samuel Bucher / Chantre : Ginette Chédel

Bienvenue en ce Vendredi saint, jour où nous faisons mémoire de la Passion du Christ.

La Passion (ou Passiflore), c’est aussi le nom donné à une fleur par les missionnaires jésuites d’Amérique du Sud, qui s’en servaient pour expliquer les événements liés à la mort de Jésus auprès des indigènes.

L’histoire de cette fleur va nous accompagner dans nos méditations de ce jour… (les textes inspirés librement

du site https://www.curioctopus.fr/read/18117/passiflora-:-voici-la-curieuse-symbolique-qui-lie-cette-fleur-a-la-passion-du-christ.)

On dit qu’à l’aube de la Création, toutes les plantes avaient fleuri à l’aube de la première source chaude du monde, toutes sauf une, appelée Passiflore, qui affligée par son destin solitaire, priait Dieu: “Seigneur, laissez-moi aussi m’épanouir.”

Et il répondit: “tu fleuriras aussi”

Et elle demanda alors: “Quand?”

Et un voile de tristesse frappa les yeux du Seigneur lorsqu’il dit: “Un jour…”

Au moment du récit de la Passion que nous relirons ce matin, ce jour est bientôt arrivé.

En ce temps-là, Jésus se rendit dans un jardin à l’extérieur de la ville avec ses disciples. Judas, qui avait décidé de le livrer, arriva avec une troupe armée. Pierre, voulant défendre son maître, tira son épée – mais Jésus lui ordonna de la remettre dans son fourreau, et se laissa ligoter et emmener pour être interrogé par le grand-prêtre. Pierre le suivit. Cependant, par 3 fois, aux personnes qui lui demandaient s’il n’était pas le disciple de cet homme, il répondit ne pas en être… avant que le coq chante et ne le révèle à ses faiblesses humaines.

Dieu notre Père, toi qui par ton Fils est venu nous rejoindre au plus profond de notre humanité, vient réveiller nos consciences à ta présence, même là, dans les lieux les plus sombres de notre vie.

Nous nous recueillons tout d’abord en musique :

Orgue

Chant : «Roi couvert de blessures» (Psaumes et Cantiques n° 287/Alléluia 33-13bis)

Le bouton de Passiflore attendait toujours le jour de son éclosion. Et voilà qu’elle commença à sentir que quelque chose se passait en elle. 10 embryons de pétales et de sépales se mirent à pousser. Ses feuilles se mirent à se teinter par endroits, et des vrilles commencèrent à orner ses tiges… mais quelque chose n’allait pas: toutes ces transformations lui étaient source de désagrément, la picotaient et lui laissaient un goût amer…

Les 5 pétales et 5 sépales de la Passiflore, pour les missionnaires jésuites de l’époque, évoquaient les apôtres. Pourtant, on n’en compte que 10, et non 12 !

Il m’est assez facile d’imaginer pourquoi ces mêmes missionnaires ont choisi d’écarter Judas, suite à sa trahison. La trentaine de taches rondes ornant l’intérieur de la fleur est par ailleurs associée aux 30 pièces d’argent que Judas reçut pour prix de cette trahison… alors que les vrilles représentaient les coups de fouets subits par Jésus.

Il m’est plus malaisé d’admettre que Pierre ait lui aussi été mis de côté… certes, par 3 fois il a renié Jésus. Mais pourtant, dans la plupart des évangiles, il est le seul qui ait osé accompagner Jésus sur le lieu de son interrogatoire (seul l’évangile de Jean mentionne “l’autre disciples” qui le suivait aussi) – alors que les autres semblent s’être évanouis dans la nature… il sera aussi l’un des premiers, après les femmes, à se rendre au tombeau 3 jours plus tard.

Il s’est d’ailleurs amèrement reproché sa faiblesse. Et Jésus a continué malgré tout de lui accorder sa confiance…

Il n’a  même pas écarté Judas de la table du repas, alors qu’il connaissait ses intentions. Est-ce dès lors notre rôle de juger l’attitude des uns et des autres ?

Mais peut-être que ces deux “places vides” sont une occasion de nous rappeler que nos choix de vie ne sont pas indifférents. Que notre présence ou non à la souffrance des autres n’est pas anodine, mais qu’elle compte, et qu’elle peut faire la différence – à l’image de ce Jésus qui, par son accueil de l’autre, a su donner une nouvelle direction de vie à nombre de personnes ayant croisé son chemin…

Orgue

Chant : «Ô Jésus par tes blessures » (Psaumes et Cantiques n° 284/Alléluia 33-22)

A sa question de savoir quand elle fleurirait, le Seigneur lui avait dit: “Un jour…”. Les années passèrent et finalement ce jour-là arriva, accompagné d’un écho de cris, de pleurs et de gémissements.

Et la plante le vit: entouré et humilié par une foule bruyante, un homme avançait, courbé en deux par la douleur, couvert de plaies et dégoulinant de sang.

Comme les épines tressées autour de la tête de l’homme de Nazareth, les 72 filaments de couleur qui ornent la partie centrale de la plante forment une couronne…

La couronne d’épine et le manteau de pourpre dont Jésus est affublé étaient une manière de l’humilier, de se moquer de sa prétention – ou de la prétention de ceux et celles qui le suivaient – à une quelconque souveraineté.

Ils n’avaient pas saisi le sens des paroles de Jésus à Pilate : « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. (…) Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. »

Son royaume ne repose pas sur la recherche absolue du pouvoir et sur la violence, comme plusieurs « royaumes » du monde. Son royaume s’appuie sur d’autres valeurs universelles, principalement l’amour, la miséricorde et la solidarité.

Un Royaume où une petite graine de foi peut faire pousser un arbre, où un Père accueille son fils aux mœurs dissolues es bras ouverts, où le semeur jette ses promesses de vie à tout va, un Royaume qui invite à bâtir sa vie sur des valeurs solides, où ce qui paraissait impossible trouve un chemin, qui fait lever en nous qqch d’insoupçonné dans notre pâte humaine, où l’on quitte tout pour aller chercher celui qui est perdu, où personne n’est exclu qui rassemble tous ceux qui reconnaissent sa voix…

Voudrons-nous reconnaître cette voix, qui nous invite à entrer dans ce Royaume-là, à vivre de ce pouvoir-là ?

Orgue

Chant : «Torrent d’amour » (Alléluia 43-09)

L’image de l’homme attendrit grandement la petite Passiflore, qui souhaitait pouvoir pleurer afin de partager sa souffrance, et l’aider à la porter. Quand l’homme passa à côté, une larme violette tomba de son visage sur la plante: soudain, elle fleurit, s’épanouissant avec des formes et des couleurs éclatantes qui porterait jusqu’à la mémoire éternelle, la Passion dont la plante avait été un témoin.

Au centre de la fleur, on peut apercevoir son pistil et ses 3 brins ressemblant à s’y méprendre aux clous de la croix, ainsi que cinq étamines teintées de rouge, faisant échos aux plaies reçues par le Christ.

Le centre : c’est là que tout se passe… c’était là le cœur de la mission de Jésus : témoigner jusqu’au bout de l’amour de Dieu pour tous les humains…

Jésus a accepté de se laisser déposséder de tout : de l’admiration que lui avait témoigné la foule jusqu’ici, de ses proches qui l’avaient abandonné en route, de sa dignité d’être humain, de ses vêtements, des pouvoirs qu’on lui conférait, de son statut de rabbi, de sa vie même…

De tout… sauf de cet Amour, puisé en Dieu, qui, plus fort que tout, se tourne vers sa mère et lui offre un fils d’adoption.

Un amour comme un torrent, dit la chanson…

Face à ce flot, on peut choisir de lutter, de se demander pourquoi en passer par là ; pourquoi ce Dieu qui d’abord montre sa puissance en guérissant les malades, qui redonne espoir aux opprimés, qui remet en route  les découragés, si c’est pour être ainsi cloué à une croix ?

On peut aussi choisir de se laisser porter par cette force d’amour à contre-courant, et voir où il nous mènera…

Orgue

Chant : «grain de blé» – 2x, Alléluia 55-07 p. 899

La Passiflore avait fleuri. Elle avait vécu…

sur le visage de cet homme, elle avait vu la plua grande des souffrances – mais elle y avait lu aussi l’amour le plus profond qu puisse habiter le coeur de quelqu’un. Les deux sens du mot “passion”.

et alors même qu’elle commençait à faner et à perdre ses pétales, elle sentit, au plus secret d’elle-même, qu’elle allait peut-être disparaître, mais pour laisser place à autre chose: un fruit en gestation, qu préparait demain…

La croix est maintenant vide, Jésus repose dans son tombeau. Mais quelques-uns peut-être se sont attardés et la contemplent…

A cette croix nous sommes mis en face de nos propres limites, de notre mortalité, de nos défauts, de nos incapacités, de nos doutes, de notre impuissance, de notre faiblesse.

A cette croix nous sommes mis face à face avec tous les êtres qui souffrent et qui meurent injustement autour de nous : les victimes de la maladie, de la guerre, d’accidents, de la pauvreté…

Avec les disciples, avec Marie et les autres femmes qui accompagnaient Jésus, nous sommes là avec notre impuissance et nos questions.

Pourtant, une chose déjà nous est donnée.

Sur cette croix se dessine aussi le visage de Dieu.

Ce Dieu qui a choisi de nous rejoindre là, dans nos souffrances, dans nos limites, dans nos désillusions, dans nos deuils.

Un Dieu qui, plutôt que de nous laisser seul dans nos épreuves, a choisi au contraire de les vivre avec nous, de nous accompagner  jusqu’au bout, quel qu’en soit le prix…

En contemplant cette croix, c’est Dieu que nous voyons, un Dieu incompréhensible pour notre sensibilité d’hommes et de femmes, mais un Dieu aussi qui est présent, partout, dans les moindres recoins de notre existence, là où, peut-être, nous n’attendions pas de le rencontrer…

Et si nous laissions cette espérance faire son chemin et germer en nous ?

Orgue

Prière d’intercession : texte antiphoné(adapté d’une méditation de l’ACAT, sur : https://www.acat.ch/fr/agir/relayer_les_campagnes/vendredi_saint/meditation/)

O :  Dieu notre Père, par le don de ton Fils tu fais de nous tes enfants. Nous te remercions pour chacun des visages présents ici ce matin.

Nous confions à ton amour les joies et les peines de chacun, les épreuves traversées, les réussites, et le chemin qui reste à accomplir.

H :  Nous confions à ton amour les personnes qui habitent nos pensées, au près et au loin.

Et plus particulièrement en ce Vendredi Saint, nous te confions les souffrances des Ouïghour.e.s.

F :   Avec eux nous contemplons ton visage couronné d’épines, dans l’espoir et la conviction que ni la mort ni la violence n’auront le dernier mot.

Tu as toujours fait de chacun et chacun.e ton prochain, sans distinction de religion, de sexe, d’ethnie ou de position sociale.

O :  Derrière le visage de l’homme de douleur, nous voyons les visages des hommes, femmes et enfants de la minorité́ musulmane des Ouïghours, aux frontières de la Chine.

Ils n’ont pas le droit de pratiquer leur langue, ni leur culture, ni leur religion. Ils vivent sous la surveillance et le contrôle permanents de l’État chinois.

H :  Innombrables sont ceux et celles qui, dans des camps d’internement de masse, subissent les mauvais traitements et la torture et font face au génocide culturel, détenus derrière des fils de fer barbelés épineux et tranchants.

F :   Nous te les confions, mais te demandons aussi de nous donner l’élan et les moyens d’être solidaires à leur détresse.

Au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, et dans la confiance en la force de ta paix et de ton amour.

O :  Et nous unissons nos voix pour te dire la prière qui rassemble tous tes enfants :

Notre Père qui es aux cieux

Que ton nom soit sanctifié

Que ton Règne vienne

Que ta volonté soit faite,

Sur la terre comme au ciel.

Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.

Pardonne-nous nos offenses,

Comme nous pardonnons aussi

A ceux qui nous ont offensés.

Et ne nous laisses pas entrer en tentation,

Mais délivre-nous du mal,

Car c’est à toi qu’appartiennent

Le Règne, la puissance et la gloire,

Aux siècles des siècles.

Amen.

Orgue

Bénédiction

Voici que nous allons poursuivre notre chemin.

Sur notre route où se croisent mort et vie, deuil et naissance, pleurs et rires

Que Dieu nous bénisse et nous garde.

Que la paix de Dieu,

qui dépasse tout ce qu’on peut comprendre,

plus grande que l’obscurité de Vendredi Saint,

plus forte que les mystères du tombeau,

garde nos cœurs et nos pensées,

nos chemins et nos gestes

dans la lumière de son amour.

Amen.

Orgue