Valser le récit de Luc 5,1-11 – prédication du 6 février 2022

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Lecture de la Bible

Esaïe 6,1-3.8
1 Corinthiens 15,3-8.11
Luc 5,1-11

Prédication de David Allisson

Chers ami·e·s,

Quand vous avez entendu une musique qui vous a plu, vous n’êtes capables de la rechanter ou d’en transcrire les notes que si vous êtes une génie musicale.

Mais vous savez que la musique vous a transporté et son énergie vous accompagne dans la suite de vos mouvements et de vos actions.

Peut-il en être de même avec une prédication ? Vous verrez bien.

Voici un message qui me vient comme une valse : 3 temps, 5 mouvements.

J’aimerais relire ce texte de Luc à 5 reprises, de 5 manières différentes, chacune en 3 temps.

Cette valse nous fera traverser toute la salle de bal, depuis l’orchestre jusqu’au vestiaire.

Notre méditation prend sa source dans le texte de Luc et nous emmène à travers tout un espace jusqu’à nos vies et notre mise en route vers la maison ou vers ce que nous avons à entreprendre.

Voyons sur quelle musique nous dansons.

Voici un récit, vite classé comme une histoire de pêche miraculeuse et parfois confondu avec un appel de Jésus à ceux qui vont devenir ses disciples.

* * *

Le texte se déploie en trois scènes :

Premièrement, dans un décor de bord de lac, deux barques de pêcheurs se trouvent sur le rivage. Il y a du monde, en plus des pêcheurs : tout une foule en fait. Jésus qui aimerait parler à cette foule demande à utiliser la barque de Simon, l’un des pêcheurs, pour enseigner. La foule écoute.

Deuxième scène, Jésus ordonne de partir plus au large et de jeter à nouveau les filets. La pêche est exceptionnelle après de longues heures sans prise. Simon appelle les pêcheurs de la seconde barque à la rescousse pour ramener le poisson.

Troisième scène, Simon Pierre prend peur suite à ce qui s’est passé parce qu’il reconnaît la force divine de Jésus. Ses collègues ne sont pas plus vaillants que lui. Jésus calme leur crainte et les embauche pour un autre chantier.

* * *

Dans ces trois scènes trois personnages ou groupes de personnages se présentent. Nous aimerions les observer à distance, les écouter s’exprimer, leur ressembler, ou au contraire éviter d’être ou faire comme eux.

Par ordre d’apparition :

D’abord Jésus, déjà connu dans la région comme enseignant parlant de Dieu et de la vie, et connu aussi comme guérisseur. Ces éléments de sa personnalité attirent et beaucoup veulent entendre ses paroles ou bénéficier de ses gestes de guérison.

Ensuite, la foule, curieuse, attentive, pressante, nombreuse. Elle est un vis-à-vis nécessaire à l’accomplissement de ce que Jésus est venu faire. Elle est en même temps un obstacle pour une relation personnelle et individuelle de chacun avec Jésus.

Troisièmement, les pêcheurs pécheurs. Ils portent des noms qui les distinguent les uns des autres, et de la foule anonyme : Simon Pierre, Jacques et Jean, les associés de Simon. Ce sont des pêcheurs parce que c’est leur travail d’attraper des poissons. Et comme on le voit à la réaction de Simon Pierre, ils se considèrent comme pécheurs parce qu’habités du péché et en danger quand la présence sainte de Dieu s’approche d’eux.

* * *

Le mouvement suivant de la valse de ce récit nous pose face à la question du miracle. On peut se demander où le miracle se situe.

Premièrement, on peut le chercher dans la prise exceptionnelle de la pêche que Jésus avait suggéré de recommencer.

Deuxièmement, le miracle est peut-être que Pierre dans son humanité pécheresse reconnaît tout à coup le Christ comme Seigneur.

Troisièmement, c’est peut-être un miracle que les trois associés quittent tout ce qui fait leur vie actuelle de pêcheurs pour partir vers l’inconnu de la vie de disciples. Simon Pierre, et ses associés avec lui, est envoyé pour attraper des êtres humains. Les traductions que nous retenons par cœur disent « tu seras pêcheur d’hommes ». Le terme utilisé en grec parle de personnes qu’ils s’agira de capturer vivantes.

* * *

Dans chacune des trois scènes du récit, Jésus manifeste sa présence d’une manière différente. Il montre trois traits de sa personnalité et de son action.

Premièrement, il se montre enseignant, captivant la foule par le message qu’il est en train de lui transmettre. Il est celui qui intéresse par son message donné de la part de Dieu. Il a une parole d’autorité pour la foule attentive et aussi pour les pêcheurs qui sont d’accord de l’écouter et de jeter leurs filets une nouvelle fois. Jésus porte une parole.

Deuxièmement, Jésus fait peur. Pierre constate le miracle et sent Dieu si près de lui que cela l’effraie. C’est une réaction habituelle dans la Bible au contact de Dieu. Au lieu de la plénitude attendue ou annoncée dans certaines formes de méditation ou de spiritualité du bien-être, quand Dieu est tout proche, cela fait peur. Et Jésus ne pourra reprendre la relation avec ces hommes effrayés qu’en commençant par chercher à calmer leur frayeur : N’ayez pas peur. Soit dit en passant, c’est lui qui leur fait peur et lui aussi qui cherche à les rassurer : sa tâche pourrait être difficile. Jésus fait peur.

Troisièmement, Jésus offre une présence qui ouvre à une transformation. Cela paraissait difficile ou contradictoire, mais il le fait : Jésus parvient à calmer la peur des disciples. Il avait d’ailleurs contribué à les remettre à l’ouvrage dans la scène précédente quand il a invité les pêcheurs à relancer leurs filets. Par sa présence, ses paroles et sa manière d’être, Jésus ouvre au changement : changer la résignation en reprise du travail pour lancer à nouveau les filets. Changer de métier pour être embauchés dans une nouvelle mission pour capturer des humains vivants et non plus des poissons à manger. Jésus transforme.

* * *

Voilà, nous avons virevoltés dans presque toute la salle de bal dessinée par l’évangile aujourd’hui.

Il reste les trois temps de nos vies. Il y en a peut-être plus, mais la valse d’aujourd’hui est à trois temps.

Premièrement, il y a le temps de nos habitudes, de notre travail. Comme Simon Pierre, Jacques et Jean, nous avons notre ancrage, les outils de notre vie, nos activités. C’est là que nous sommes rencontrés. Jésus vient à nous là où nous avons nos repères, nos habitudes et notre savoir-faire. Dans ce sens, il est une présence de vie, qui participe à ce qui nous rend humains dans nos beaux côtés et dans les difficultés que nous rencontrons et que nous provoquons.

Deuxièmement, Dieu nous offre le temps d’une rencontre. La rencontre a lieu pour la foule dans un temps particulier d’attention et d’écoute. Ces personnes sont réunies dans un moment qu’elles ont mis à part pour découvrir les paroles et les gestes de guérisons qui font la réputation de Jésus. Cela se passe au bord du lac et la situation aussi bien que le moment de l’action suscitent la rencontre avec les hommes du lac : Simon Pierre, Jacques et Jean de retour de la pêche sans avoir rien pris. Pour eux, c’est dans leur quotidien, dans un jour difficile que se présente la rencontre. Ce moment devient pour eux un lieu de frayeur, puis d’apaisement, de transformation et d’embauche dans une nouvelle activité.

Troisièmement, transformés nous aussi, nous sommes envoyés. Nous aussi, nous sommes embauchés. Nous avons été capturés vivants et nous avons à vivre et partager cette vie qui nous anime. Une particularité de cette capture d’êtres vivants, c’est que c’est une capture qui ouvre, qui invite, qui propose. C’est une capture qui scie les barreaux et qui défait les entraves.

Nous sommes entrés dans la danse de cette méditation de Luc 5. Entraînons aussi dans les trois temps de nos pas celles et ceux qui nous sont donnés à rencontrer et à côtoyer. Ils parcourront à leur tour les différents temps et mouvements de la vie et de l’espérance que nous respirons à l’écoute et à la rencontre du Christ.

Amen.

Prière d’intercession

Seigneur, tu nous appelles à te rencontrer en toute personne.

Accorde-nous le courage de nous ouvrir aux autres, et d’aimer celles et ceux que tu nous confies comme toi tu nous aimes, Seigneur, nous te prions.

Pour que nous reconnaissions ta présence en chacun·e et soyons attentifs aux plus faibles parmi nous, Seigneur nous te prions.

Pour que nous trouvions le courage de revenir sur nos pas lorsque nous avons manqué l’occasion d’une rencontre, Seigneur nous te prions.

Pour que dans le quotidien de notre monde, nous soyons signe de l’amour que tu nous offres en ton Fils, Seigneur nous te prions.

Pour celles et ceux qui souffrent : que ton amour les porte et les accompagne, Seigneur nous te prions.

Dans le silence, confions à Dieu ce qui nous tient particulièrement à cœur. silence

Seigneur Dieu, nous te rendons grâce pour ton Fils qui a tracé dans ce monde déchiré un chemin de confiance et d’amour. Béni sois-tu pour les siècles des siècles. Amen

D’après La liturgie du culte dominical et des fêtes, Communion protestante luthéro-réformée, Eglise protestante de la confession d’Augsburg d’Alsace et de Lorraine, p. 245