Texte biblique :
Prédication « Une invitation à la danse »
de Patrick Schlüter
« Ah non ! Moi, j’aime pas danser ! Hors de question qu’il y ait de la danse à notre mariage ! »
C’est ce que j’avais dit à mon épouse il y a 25 ans quand nous préparions notre mariage. La fête a été belle, joyeuse et effectivement, nous n’avons pas mis de danse au programme ! Je n’ai pas de regret à ce sujet.
Pourtant, depuis plusieurs années, la mémoire d’une parole de Jésus me poursuit et habite ma mémoire dans plusieurs circonstances : « nous avons joué de la flûte et vous n’avez pas dansé ! ». Pour moi, je l’ai toujours comprise comme une invitation à jouer le jeu, à dépasser mes résistances et mes appréhensions pour donner une chance à ce qui peut être vécu. Cette parole m’a habité à plusieurs reprises dans des sessions de formation. Même si la consigne me bousculait, je me suis poussé à participer en pensant à cette parole. Je me souviens aussi d’une fois, où dans une formation de moniteur, j’ai fait de la peinture à doigts alors que je déteste me salir les mains !
Au moment où nous relançons des activités d’Église et où nous préparons la rentrée prochaine, nous nous interrogeons sur la participation à ce que nous allons proposer, en particulier pour les jeunes, mais aussi pour toutes les tranches d’âges. Les activités proposées vont-elles trouver leur public ? Combien de catéchumènes aurons-nous ? Finalement, pour paraphraser Jésus, la musique que nous allons jouer va-t-elle inspirer la danse ou susciter de l’indifférence ?
Et est-ce que la joie de l’Évangile habite nos vies comme une mélodie qui donne envie de danser ? Faut-il se forcer à danser ou simplement se donner la liberté de danser ou de ne pas danser ? Faut-il continuer d’inviter les autres à notre danse ou prendre du plaisir à danser entre nous en Église ?
Avec toutes ces questions qui m’habitent, j’ai eu envie pour ce week-end de réfléchir autour de cette parole de Jésus « nous avons joué de la flûte et vous n’avez pas dansé ! ». J’ai donc choisi comme lecture du jour le début du chapitre 11 de l’évangile de Matthieu. J’espérais trouver quelques réponses à mes questions… Si j’ai découvert quelques pistes, je dois reconnaitre, après l’étude du texte, avoir encore plus de questions car ce chapitre 11 comporte de nombreuses énigmes ! J’aimerais partager quelques réflexions sans épuiser ce texte très riche :
Tout d’abord, le constat que nous pouvons faire, c’est que du temps de Jésus déjà, l’annonce de l’Évangile ne va pas de soi. Même Jean-Baptiste, celui qui précède et annonce Jésus, se pose des questions. Ses envoyés demandent de sa part à Jésus : « es-tu le Messie qui dois venir ou devons-nous attendre quelqu’un d’autre ? ». D’ailleurs, pour beaucoup de commentateurs de l’évangile de Matthieu, le chapitre 11 est une transition entre le début où nous découvrons Jésus comme Messie de la parole et de l’action et la suite où l’opposition avec son peuple grandit. Petit à petit, Jésus se retire d’Israël, jusqu’à être rejeté par son peuple et crucifié.
Non, l’annonce de l’Évangile ne va pas de soi et elle suscite des réactions de toutes sortes. La foi en Jésus n’est pas un long chemin rectiligne et il y a un combat à mener pour la garder.
Cette parole que j’avais en tête est d’ailleurs bien plus large que l’invitation à la danse :
« A qui puis-je comparer les gens d’aujourd’hui ? Ils ressemblent à des enfants assis sur les places publiques, dont les uns crient aux autres : “ Nous vous avons joué un air de danse sur la flûte et vous n’avez pas dansé ! Nous avons chanté des chants de deuil et vous ne vous êtes pas lamentés ! ”
Les paroles qui suivent semblent donner une explication. C’est un jugement qui est posé sur les foules qui l’écoutent.
Dans cette logique, Jean-Baptiste correspond à celui qui a chanté un chant de deuil en appelant à la repentance et à la conversion. Il n’a pas écouté.
Jésus correspond à celui qui a joué de la flûte pour annoncer la joie du Royaume des cieux et on lui a reproché d’être proche des gens de mauvaise réputation. On ne l’écoute pas non plus.
Pourtant la puissance de la parole de Jésus ne s’arrête pas là. Dans l’évangile, quand il y a jugement, c’est toujours pour appeler à la vie, à commencer par le lecteur de la Bible. Il ne s’agit pas d’abord de constater un échec, mais avant tout d’inviter à la vie.
Et plus je lis cette parole sur la danse et les chants de deuil, plus je réalise que c’est une parabole plutôt qu’une comparaison où l’on peut associer un élément avec un autre. Une parabole est là pour nous déplacer, nous interroger, nous faire voir le monde autrement. Elle met en route au-delà de l’explication qui est donnée.
Que dirait Jésus sur notre génération à nous ? Qu’est-ce que nous nous disons les uns aux autres ?
« J’ai posté une vidéo de danse et vous n’avez pas liké sur YouTube ou TikTok » ?
« Chacun vit et danse de son côté tant les offres sont nombreuses » ?
Ce que j’aime dans cette parole, c’est qu’elle met en route et invite à aller plus loin. Il ne s’agit pas seulement de danser, mais aussi de pleurer. En somme, c’est l’essentiel de notre vie qui est évoqué ici. C’est la question du lien à l’autre, de la solidarité et du partage qui est en jeu.
Il s’agit de vivre pleinement sa vie avec Dieu et avec les autres. L’Évangile, la bonne nouvelle, c’est qu’en Jésus-Christ, Dieu vient nous rejoindre. Il nous rejoint quand nous nous sentons petits et faibles. Il nous rejoint dans nos joies et nos peines. Il soutient nos élans et croit en nous. Vivre l’Évangile, c’est vivre de l’accueil de Dieu en Jésus-Christ. C’est pleurer ses peines en se sachant accueilli. C’est sourire et même peut-être danser car l’amour et l’accueil donnent de la joie. Vivre l’Évangile, c’est s’engager sur le chemin à la fois dur et beau tracé par Jésus. C’est chercher une cohérence de vie. C’est faire confiance. C’est partager avec d’autres ce qui nous fait vivre. C’est offrir l’accueil de Dieu comme nous avons été accueillis. C’est pleurer, chanter et danser pour rejoindre les autres comme nous sommes rejoints par Jésus.
Il faut de la passion pour vivre l’Évangile, car la vraie vie est passionnée !
Pour conclure, j’aimerais nous poser une question. Elle vient d’une formation qui a été proposée il y a bientôt 3 ans aux Conseils paroissiaux. Plusieurs personnes du Val-de-Travers l’ont suivie. Elle s’intitulait « Une Église pour le XXIe siècle ». Nous avons exploré plusieurs modèles d’Églises émergentes pour trouver des pistes sur notre Église, notre paroisse de demain.
Plusieurs éléments me restent de cette formation, mais en particulier cette question qui nous a été posée au début. Elle rassemble pour moi 2 aspects fondamentaux : vivre l’Évangile et le partager.
Je nous laisse cette question très simple en conclusion :
« Dans quelle activité de ma paroisse ai-je envie d’inviter un proche, un parent, un ami, un voisin ? »Amen.