Un texte d’évangile ou un conte fantastique ?

Culte du dimanche 17 décembre 2023 à Môtiers

Prédication de Cyprien Mbassi

Chers frères et sœurs,

Que venons-nous d’écouter ? Un texte d’évangile ou un conte fantastique ? Ce dialogue entre une jeune fille et un ange paraît complètement éloigné de notre vie ordinaire. Le contenu même du récit défie les lois de la nature. L’ange annonce deux conceptions impossibles :

  • D’une part, Marie qui tombera enceinte sans avoir été approchée par un homme et sans aucune intervention humaine ;
  • D’autre part, Elizabeth sa cousine, qui tombera enceinte « dans sa vieillesse », « et alors qu’on l’appelait la femme stérile ».

Il y a pourtant une phrase dans le texte qui nous sort du conte fantastique pour nous remettre face à notre foi : « Rien n’est impossible à Dieu ». Il n’est pas impossible à Dieu de créer des anges et d’en faire ses messagers. Il n’est pas impossible à Dieu de faire concevoir une jeune fille qui ne connaît pas d’homme, ou une femme stérile et avancée en âge.

Et surtout, il n’est pas impossible à Dieu de se faire homme sans cesser d’être Dieu. « Rien n’est impossible à Dieu » parce qu’il est tout-puissant. Rappelons-nous ce verset de l’Apocalypse que nous reprenons à la fin du Notre Père : « C’est à toi qu’appartiennent l’honneur, la puissance et la gloire » (Ap 7, 12).

Non pas une puissance comme celles de notre monde. Les grandes puissances de la planète cherchent à dominer, à étendre leur zone d’influence par la pression et l’intimidation, parfois aux dépends de la vie elle-même. Si nous suivons l’actualité, nous voyons à quel point les démonstrations de puissance ont des conséquences désastreuses sur la vie.

La puissance de Dieu suit la direction opposée. Les deux conceptions impossibles que l’ange annonce dans ce texte montrent que la puissance de Dieu est au service de la fécondité. Elle est au service de la vie : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie, dit Jésus, la vie en abondance » (Jn 10, 10). 

Et pour coopérer au mieux à cette vie qui lui est annoncée, Marie pose à l’ange une question concrète : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? » Autrement dit, quel type de contribution est attendu d’elle pour que se réalise ce projet de vie ?

« L’Esprit du Seigneur viendra sur toi, lui répond l’ange, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ». C’est Dieu qui est à l’initiative. Il agira par son Esprit. Marie comprend que la seule chose qui lui est demandée est son consentement. Elle comprend que la puissance de Dieu respecte sa liberté. Elle comprend que Dieu n’interviendra pas dans sa vie sans qu’elle ne donne son avis.

C’est pourquoi elle a le dernier mot de ce dialogue. Elle répond à l’ange : « Voici la servante du Seigneur, que tout m’advienne selon ta parole ». Marie se rend totalement disponible au projet de Dieu dans sa vie. Elle s’ouvre à l’Esprit du Seigneur.

Ce texte touche à la base de notre relation avec Dieu. Comme Marie, la question de ce qu’il faut faire nous vient souvent spontanément. Que dois-je faire pour être un bon chrétien, une bonne chrétienne ? Que dois-je faire pour plaire à Dieu ?

La réponse faite à Marie concerne d’abord l’action de l’Esprit. Dans notre relation à Dieu, la première chose à faire est de nous laisser faire. Laissons d’abord l’Esprit du Seigneur étendre son emprise en nous. Comme Marie, rendons-nous disponibles à sa présence et à son action.

Que dit la première lecture que nous avons écoutée ? « N’éteignez pas l’Esprit ». Autrement dit, laissons l’Esprit du Seigneur nous éclairer. Laissons-nous inspirer par lui sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Ayons l’audace d’appeler l’Esprit saint dans toutes les situations de notre vie. Il viendra. Nous y croyons. Dans notre prière, empruntons à Marie ses paroles de disponibilité : Seigneur, que tout m’advienne selon ta volonté.

Dieu passe par Marie pour que Jésus soit donné au monde. Cela signifie que le privilège accordé à Marie est destiné à tous. Le rapport de Dieu à Marie, comme à tous les humains, n’est pas une question de mérite, mais de don gratuit. Ce que Marie reçoit de Dieu n’est pas une récompense, mais une grâce. L’ange la salue en l’appelant « comblée de grâce ». Et il poursuit en disant : « Tu as trouvé grâce auprès de Dieu ». Une grâce est une faveur accordée à une personne. Marie reçoit la grâce de concevoir et d’enfanter Jésus pour le monde. Elle reçoit la grâce de coopérer avec Dieu pour que Jésus puisse être donné à toutes et à tous.

En accueillant le Christ, nous sommes, nous aussi, comblés de grâce. Nous pouvons nous adresser les uns aux autres en disant : « Je te salue, comblé de grâce ». Nous vivons aujourd’hui ce que Marie avait vécu autrefois. Celui qu’elle avait conçu en son sein, nous le concevons dans nos cœurs. Comme le dit l’apôtre Paul : « Le Christ habite en vos cœurs par la foi » (Ep 3, 17).

Et De même que Marie enfante Jésus pour qu’il soit donné au monde, de même, nous offrons Jésus aux autres chaque fois que nous leur ouvrons notre cœur, nos bras, notre porte. Chaque fois que notre présence est bienveillance, nous sommes le visage du Christ auprès des autres. Nous pouvons alors reprendre à notre compte les paroles de l’apôtre Paul : « Je vis, mais ce n’est plus moi. C’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20).

Dans sa sagesse, Dieu a voulu passer par Marie pour que Jésus apporte la vie au monde. Aujourd’hui, Dieu veut passer par nous pour communiquer la vie à nos proches. Et inversement, Dieu passe par nos proches pour nous communiquer sa vie. Quand nous offrons un sourire, quand nous prenons le temps de la rencontre, quand nous rendons service, nous donnons aux autres des raisons d’espérer, des raisons de croire en la vie, des raisons de croire que Dieu est vie.