Culte du jeudi saint, le 28 mars 2024 à Fleurier
Prédication de Cyprien Mbassi
Lectures bibliques : Jean (1, 5-8) et Luc (4, 16-21)
Chers frères et sœurs,
A deux jours de la fête de pâques, nous pouvons nous demander comment les lectures que nous venons d’écouter nous préparent à célébrer cette fête qui se situe au cœur de la foi. Nous venons d’écouter un extrait du chapitre 4 de l’évangile de Luc. Jésus vient de quitter le désert où il a séjourné durant quarante jours après son baptême. C’est donc un extrait qui se situe au tout début du ministère public de Jésus.
Le récit est celui d’une visite de Jésus à Nazareth, sa ville natale. Il a grandi dans cette petite ville, entouré de sa famille. Il y est connu comme le fils de Joseph, le charpentier. Mais d’après l’Evangile, il retourne à Nazareth sous un autre visage. Pour marquer cette nouveauté, le récit ne le représente pas chez lui, en famille, mais à la synagogue, le jour du sabbat. Nous le savons, la synagogue est un lieu de culte juif. Et le sabbat est le jour de la semaine consacré à Dieu. Au tout début de sa mission publique, Jésus se tourne d’abord vers ses proches, vers les gens de sa région. A ceux qui le connaissent comme fils de Joseph le charpentier, Il choisit de se dévoiler comme Fils de Dieu.
Il veut leur manifester combien c’est une chance pour eux de l’avoir vu naître et grandir parmi eux. Il veut leur manifester combien c’est une grâce pour eux de le côtoyer, de l’avoir comme parent ou ami. Il veut dire aux croyants de Nazareth qu’ils sont bénis parce que le Messie est l’un d’entre eux. Pour se dévoiler, Jésus ne se sert pas d’un miracle, mais de l’Ecriture. Il lit un extrait du livre d’Isaïe. Isaïe est l’un des plus grands prophètes de la traditions juive. Il est aussi et surtout celui qui annonce le plus la venue du Messie. Jésus s’appuie donc sur une référence qui fait autorité dans la foi juive :
L’Esprit du Seigneur est sur moi, lit-il, parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur.
L’« année favorable accordée par le Seigneur », c’est le temps messianique. C’est le temps durant lequel une faveur exceptionnelle est accordée par Dieu aux humains, grâce à l’action du Christ. C’est le temps durant lequel les humains bénéficient des bienfaits de la mort et de la résurrection du Christ. L’ « année favorable accordée par le Seigneur », c’est le temps de Pâques : le temps où la vie l’emporte sur les processus de mort. Comme le dit la première lecture, « ils le verront, ceux qui l’ont transpercé ». Autrement dit, ils verront que la vie a triomphé de la mort. Ils verront que le bien a triomphé du mal.
Le signe que Jésus est le Messie est que les logiques de mort n’ont plus le dernier mot. C’est cela, la bonne nouvelle annoncée aux pauvres. C’est cela, la libération annoncée aux captifs et aux opprimés. C’est cela, la vue promise aux aveugles. La pauvreté est un processus de mort parce que le pauvre est diminué dans sa dignité. La captivité est un processus de mort parce que la liberté est nécessaire à l’épanouissement de la vie. L’oppression est un processus de mort parce que celui qui est maltraité est privé de son épanouissement. Quelque chose de sa vie lui est retiré. La cécité elle-même est une marque de mort. Être privé de la vue, c’est perdre quelque chose de la vie.
Les textes que nous venons d’écouter nous préparent à célébrer Pâques parce qu’ils nous rappellent que nous vivons déjà le temps messianique. Un temps durant lequel, avec le soutien de Dieu, nous prenons parti pour la vie : « Je suis venu pour que [le monde] ait la vie en abondance », dit Jésus (Jean 10, 10).
Nous sommes chrétiens si nous défendons la vie quand elle est menacée.
Nous sommes chrétiens si nous accueillons la vie quand elle vient à nous.
Nous sommes chrétiens si nous soutenons la vie quand elle est fragilisée ; si nous acceptons la vie telle qu’elle se donne à vivre ; si nous ravivons la vie quand elle est diminuée.
Nous n’avons pas besoin d’aller à l’autre bout du monde pour agir en faveur de la vie. Commençons dans notre entourage comme Jésus chez lui, à Nazareth. Commençons en famille, entre amis, entre collègues. Manifestons à nos proches qu’à la suite du Christ, l’Esprit du Seigneur est sur nous. Il nous a consacrés par l’onction. Soyons des témoins de la foi auprès de nos proches, et rendons nos proches témoins de notre foi. Dans la routine du quotidien, dans les petites choses comme dans les grandes, montrons à notre entourage que l’Esprit du Seigneur qui nous habite est vie en abondance.
Amen.