Dimanche 1er décembre 2019, Travers 10h, 1er Avent
Prédication de Patrick Schlüter
Textes bibliques :
Prédication sur « Un regard et un discours qui changent la vie dès maintenant ! »
« C’est celui qui le dit qui l’est »
J’ai pensé à cette expression enfantine en préparant ce message. Cette expression sert à retourner une injure à celui qui l’a dite. Elle me semble aussi exprimer quelque chose que l’on retrouve dans les textes bibliques entendus : l’importance du discours, de ce que l’on dit et entend à l’extérieur, de ce que l’on se dit aussi à l’intérieur de soi-même. Le discours, ce n’est pas seulement des paroles, mais il a un impact, pour ceux qui entendent, mais aussi pour celui qui le dit.
« C’est celui qui le dit qui l’est »
En ce premier dimanche de l’Avent, j’ai envie ce matin de nous interroger sur nos attentes et sur nos discours, ceux que nous entendons et ceux que nous prononçons par notre bouche ou à l’intérieur de nous-mêmes.
Discours et attente : on retrouve ces 2 éléments dans les textes bibliques entendus :
Dans l’oracle d’Esaïe, les nations attendent quelque chose de Dieu : « Venez, montons à la montagne du Seigneur. Qu’il nous enseigne ses chemins et nous irons par ses sentiers. ». Ce discours semble d’ailleurs avoir un impact puisque les armes sont transformées en outils et que l’on cesse d’apprendre la guerre.
Dans le discours de Jésus, l’époque de Noé, celle d’avant le déluge, est évoquée. Les gens ne s’attendaient à rien et ils ont été surpris. Jésus annonce un autre événement qui viendrait soudainement : la venue du Fils de l’homme, son retour. Alors, il interroge ses disciples sur leur vigilance, leur attente et finalement leur discours intérieur. Il s’agit de se tenir prêt, chaque jour, à la venue du Christ.
Attente face à la vie et discours intérieur et extérieur : les 2 sont en lien et se façonnent l’un et l’autre. Qu’est-ce que j’attends de la vie, de l’avenir et qu’est-ce que j’en dis ?
Aujourd’hui, en ce premier dimanche de l’Avent, quelle attente avons-nous de Dieu et quels sont les discours que nous entendons ?
Dans ma boite mail et sur les affiches dans les magasins, le discours que j’ai le plus entendu, c’est celui du black Friday, cette journée d’action qui s’est développée depuis quelques années aussi chez nous. Voici quelques slogans que je suis allé rechercher dans la corbeille de ma boite mail : « des offres incroyables pour le Black Friday », « Ça continue jusqu’à dimanche », « Dépêche-toi, la semaine des bonnes affaires est bientôt terminée ».
Et ce discours a un impact : j’ai entendu les chiffres énormes des affaires faites par les grands magasins !
A l’inverse, à la radio, j’ai aussi entendu aussi les manifestations contre la surconsommation et l’interview d’une jeune militante à qui on demandait d’expliquer son action. Elle disait que, face au défi du climat, elle ne pourrait pas assumer plus tard, quand elle serait vieille de n’avoir rien fait.
Ce qu’elle se dit à l’intérieur d’elle-même a un impact. Son discours génère une action.
D’ailleurs en hébreu, le mot « Dabar » qu’on traduit généralement par « parole » peut aussi signifier la chose. Il a un éventail de significations très large qui montre que, dans la langue de l’ancien Testament, les mots ne sont pas que des mots. La parole est la réalité elle-même qu’elle désigne. Dire, ce n’est pas anodin : cela exprime et crée une réalité.
Alors, quelles sont nos attentes et nos discours sur le monde, la vie, les autres ? Quelle est notre attente du Christ qui vient ?
Il y a de bonnes chances que ce que nous attendons et disons influence nos actions et donc aussi ce que nous allons recevoir dans l’avenir.
Ce que l’on attend et ce que l’on dit a une influence sur le résultat. On parle de prophétie auto-réalisatrice. Cela s’appelle notamment l’effet Pygmalion du nom d’un mythe grec que je renonce à raconter maintenant.[1]
J’aimerais plutôt évoquer une expérience qui a été menée sur des élèves dans les années 60 aux États-Unis. On a expliqué aux professeurs qu’après des tests, on pouvait déterminer quels élèves étaient des élèves démarreurs qui allaient faire des progrès prochainement. On a ensuite séparé les élèves en 2 groupes : les démarreurs et ceux qui ne l’étaient pas. Puis une année après, on a refait les tests qui ont confirmé que les élèves démarreurs avaient fait plus de progrès que les autres. CQFD.
Seulement voilà, les 2 groupes d’élèves étaient identiques au départ ! La seule chose qui différait entre les 2 groupes était l’information donnée aux professeurs et donc le regard qu’ils ont posé sur les élèves.
Il y a bien sûr des questions à adresser à cette expérience et des nuances à apporter, mais cet effet Pygmalion existe bel et bien. Ce que l’on attend de quelqu’un, ce que l’on dit sur lui et comment on le regarde a un effet. On peut même parler de « prophétie auto-réalisatrice ».
Alors soyons bien attentifs à nos attentes, aux discours que nous entendons et à ceux que nous prononçons par notre bouche ou à l’intérieur de nous-mêmes ! Ils ont un impact.
Les textes que nous avons entendus nous invitent à une attente active de Dieu, à nous préparer à accueillir le Messie qui vient dans le monde.
Oui, notre monde change. Oui, il y a de gros défis notamment climatiques et sociaux face à nous. L’immobilisme n’est pas possible. D’ailleurs, la vie est changement. Cela se manifeste aussi quand on apprend à marcher. La marche, c’est une suite de déséquilibres. Pour avancer, il faut accepter le risque de la chute. Et si on a des difficultés, il faut accepter l’aide de l’autre.
Le Christ vient dans le monde. Il nous offre sa présence. Il nous dit le chemin de l’amour, de la rencontre. Il pose sur nous un regard qui peut changer la vie. Il nous invite à aller à sa suite. Qu’en disons-nous ?
Voulons-nous de ce Messie qui vient dans la fragilité d’une crèche et dans le dénuement de la croix pour nous appeler à la vie ?
Est-ce que nous nous attendons à lui ?
Sommes-nous prêts à mettre dans nos discours une attente de vie et de paix comme les nations de l’oracle d’Esaïe ?
C’est aujourd’hui que cela se joue, nous dit Jésus. C’est aujourd’hui qu’il veut nous rencontrer, changer notre regard sur la vie, sur nous-mêmes et sur les autres. Changer notre regard sur Dieu aussi. Le Dieu tout-puissant se met à notre portée. Il nous accueille et nous aime pour qu’à notre tour nous puissions aimer les autres. Quand nous écoutons le discours et les paroles du Christ, cela change le regard que nous posons sur la vie, cela transforme aussi nos actions et peut-être notre monde.
La lumière du Christ est là. Est-ce que nous savons la voir avec les multiples spots et éclairages de notre monde ?
« Venez, maison de Jacob, marchons à la lumière du Seigneur ». C’est aujourd’hui le temps de la rencontre avec Dieu !Amen
[1] Mythe de Pygmalion et Galatée, principalement raconté par Ovide. Voir par exemple : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pygmalion_et_Galatée