Prédication du 7 et 8 décembre 2024
À Môtiers et au Mont-de-Travers
Micha Weiss

Jean-Baptiste dans la série « The Chosen »
Évangile selon Luc 3, 1-8
C’était la quinzième année du règne de l’empereur Tibère ; Ponce-Pilate était gouverneur de Judée, Hérode régnait sur la Galilée et son frère Philippe sur le territoire de l’Iturée et de la Trachonitide, Lysanias régnait sur l’Abilène, Hanne et Caïphe étaient grands-prêtres. La parole de Dieu se fit alors entendre à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. Jean se mit à parcourir toute la région du Jourdain. Il proclamait : « Changez de vie, faites-vous baptiser et Dieu pardonnera vos péchés. »
Comme il est écrit dans le livre des paroles du prophète Ésaïe (40,3-5) :
« C’est la voix d’un homme qui crie dans le désert :
Préparez le chemin du Seigneur,
faites-lui des sentiers bien droits !
Toute vallée sera comblée,
toute montagne et toute colline seront abaissées ;
les courbes de la route seront redressées,
les chemins rocailleux seront aplanis.
Et tout le monde verra le salut accordé par Dieu. »
Une foule de gens venaient à Jean pour qu’il les baptise. Il leur disait : « Espèce de vipères ! Qui vous a appris à échapper à la colère de Dieu, qui vient ? Montrez par des actes que vous avez changé de vie.
Un message pas très doux
Vous êtes probablement venus pour un moment de douceur autour de l’Avent et de Noël. Mais au lieu de contempler l’enfant dans la crèche, nous voilà face à Jean-Baptiste. Et quel accueil ! « Espèce de vipères. Qui vous a appris à échapper à la colère de Dieu, qui vient ? » ! Pas très doux et chaleureux comme message.
On pourrait être tenté de lever les yeux au ciel et de se dire « Oui, oui, cause toujours » ! Parce que, soyons honnêtes, si Jean-Baptiste déambulait dans nos villages aujourd’hui, avec sa tenue en peau de chameau et son régime à base de sauterelles – ou alors une version moderne toute aussi étrange –, pas sûr qu’il serait pris au sérieux. Et pourtant, les Évangiles, et particulièrement celui de Luc, insistent sur son rôle clé. Pourquoi ? Parce qu’il a un message essentiel à nous donner, à l’approche de Noël et surtout pour nos vies, ici et maintenant !
Un enfant de joie, un prophète pour réveiller
Avant de parler de Jean-Baptiste adulte, retournons à ses débuts. Luc commence son Évangile par une annonce de naissance inattendue – pas celle de Jésus, mais celle de Jean-Baptiste.
Évangile selon Luc 1, 5-17
Au temps où Hérode était roi de Judée, il y avait un prêtre nommé Zacharie qui appartenait au groupe de prêtres d’Abia. Sa femme, une descendante d’Aaron le grand-prêtre, s’appelait Élisabeth. Ils étaient tous deux justes aux yeux de Dieu et ils suivaient toutes les lois et les commandements du Seigneur. Mais ils n’avaient pas d’enfant, car Élisabeth ne pouvait pas en avoir et ils étaient déjà âgés tous les deux.
Un jour, Zacharie exerçait ses fonctions de prêtre devant Dieu, car c’était au tour de son groupe de le faire. […] Un ange du Seigneur apparut alors à Zacharie : il se tenait à la droite de l’autel où on brûlait de l’encens. Quand Zacharie le vit, il fut troublé et saisi de crainte. Mais l’ange lui dit : « N’aie pas peur, Zacharie, car Dieu a entendu ta prière : Élisabeth, ta femme, te donnera un fils auquel tu donneras le nom de Jean. Tu en seras profondément heureux et beaucoup de gens se réjouiront au sujet de sa naissance. Car il sera grand aux yeux du Seigneur. Il ne boira ni vin, ni aucune autre boisson alcoolisée. Il sera rempli de l’Esprit saint dès le ventre de sa mère. Il ramènera beaucoup d’Israélites au Seigneur leur Dieu. Il marchera devant, sous le regard du Seigneur, avec l’esprit et la puissance du prophète Élie, pour réconcilier les pères avec leurs enfants. Il ramènera les désobéissants à la sagesse des justes ; il préparera un peuple bien disposé pour le Seigneur. »
Quelle histoire ! Elle rappelle des récits plus anciens – d’Abraham et de Sarah, de Rachel et de Jacob, ou encore de la naissance de Samuel : des promesses improbables qui deviennent réalité. À travers cette histoire, avant même de nous parler de Jésus, Luc nous dit : « Attention, Dieu est en train de bouger ! L’attente est terminée, Dieu est là et Il agit ! »
Il y a trois points qui me marquent dans ce récit :
- Dieu agit dans l’ordinaire
Zacharie et Elisabeth sont des gens ordinaires, avec des vies ordinaires. Ça fait environ 400 ans que rien de remarquable ne s’est produit. Tout semble routinier, presque mécanique.
Et c’est là, dans la vie ordinaire de gens ordinaires que Dieu vient agir. - Dieu agit dans nos souffrances
Jean-Baptiste est un enfant de joie. Il est la réalisation des espoirs les plus profonds de ses parents, après des années de souffrance. À cette époque, être sans enfant, c’est un poids immense, une source de honte et de marginalisation.
Et c’est là, dans les souffrances, les peurs et les peines que Dieu vient agir. - Dieu agit malgré et à travers nos doutes
Quand Gabriel annonce la nouvelle, Zacharie doute. Et qui ne l’aurait pas fait ? Mais malgré sa demi foi et son incompréhension, Dieu réalise ses promesses !
Dieu agit, malgré et souvent aussi à travers nos doutes et nos faiblesses.
Dieu agit dans l’ordinaire, Il agit dans nos souffrances, et Il agit malgré et à travers nos doutes. Si ça, ce n’est pas une bonne nouvelle !
Réveillez-vous !
30 ans plus tard, la situation reste sombre : Rome continue de régner à travers des dirigeants-marionnettes, par la peur et par l’oppression. Et les grands-prêtres sont complices. La vie continue à être dure, injuste, écrasante. Mais Jean-Baptiste, l’enfant de joie devenu prophète, il proclame : « Dieu arrive ! Le temps est venu ! »
Son mode de vie radical – ses vêtements rudimentaire, son régime sauvage et frugale, l’urgence dans ses paroles – reflète bien fort cette conviction. Il n’a qu’une mission, Il est là pour une chose, préparer les cœurs pour l’arrivée du Seigneur ! Après des siècles d’attente, il lance un cri d’alerte qui secoue tout le pays et fait accourir des foules : « Réveillez-vous ! »
J’ai une question pour vous : À qui est-ce que vous vous identifiez le plus, à Zacharie ? Ou à Jean-Baptiste ?
Personnellement, je me reconnais beaucoup plus en Zacharie ! Comme lui, je suis quelqu’un d’ordinaire, avec une vie ordinaire. Avec toute les libertés et les possibilités qu’on a aujourd’hui, j’ai quand même l’impression que les années passent, que les jours se ressemblent et que les routines sont bien installées. Et puis il y a ce doute qui m’effleure parfois : « Est-ce que Dieu agit encore vraiment ? »
Nous aussi, nous vivons dans une attente qui peut sembler interminable. Alors, en tant que Suisses, nous avons la chance de ne pas être sous un régime de peur et d’oppression. Mais nous vivons des défis qui nous sont propres – comme l’isolement, le manque de sens, la dépression, l’indifférence. Et certes, nous avons la chance, en tant qu’Église, de célébrer la première venue de Jésus à Noël. Mais nous attendons aussi son retour, pas depuis 30 ans, 400 ans, mais depuis 2000 ans… Et cette attente peut devenir pesante, routinière. Est-ce que ça vous arrive de vous surprendre à penser : « Encore une année, encore Noël, et après ? »
C’est précisément là que nous avons besoin d’un Jean-Baptiste dans nos vies. Son cri – « Réveillez-vous ! » nous rappelle que l’attente est toute sauf passive. L’attente chrétienne, c’est une attente vivante, engagée et pleine d’espérance !
Voir Dieu, agir avec Lui
Mais à quoi est-ce qu’elle ressemble concrètement, cette attente active ? Je crois que nos trois points évoqués plus tôt y jouent un rôle clé.
- Voir Dieu dans l’ordinaire
Jean-Baptiste nous appelle à ouvrir les yeux sur la présence de Dieu dans l’ordinaire.
Cette attention, je peux l’exercer, je peux la cultiver. Par exemple en prenant chaque jour un moment pour me demander : Où est-ce que j’ai vu la main de Dieu aujourd’hui – dans une rencontre, une parole, un geste ? Et si je ne l’ai pas vue, où est-ce que je pourrais être plus attentif-ve demain, et agir avec Lui ? - Se laisser toucher par la souffrance
Jean-Baptiste nous invite à laisser nos cœurs être touchés par les injustices et les souffrances autour de nous.
Dieu n’est pas indifférent. Et Jean-Baptiste nous invite à ne pas l’être non plus. Au contraire, il nous appelle à sortir de nos zones de confort, pas par peur de la colère de Dieu, mais parce que nous partageons son cœur. Le jugement de Dieu, ce n’est pas une menace, mais une bonne nouvelle : « Toute vallée sera comblée, toute montagne abaissée ; les courbes de la route seront redressées, les chemins rocailleux aplanis. Et tout le monde verra le salut de Dieu ». Dieu travaille à un avenir de justice et de paix. Mais en attendant, Il nous appelle à être ses mains et ses pieds pour relever, restaurer et réconcilier dès maintenant. - Accueillir le doute pour grandir
Même Jean-Baptiste a douté. Depuis sa prison, il envoie ses disciples demander à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous attendre quelqu’un d’autre ? » (Lc 7,19) Lui qui a préparé le chemin du Seigneur a du mal à reconnaître Dieu en Jésus. Son image de Dieu et ses attentes ne correspondent pas à cet homme qui fait la fête et qui incarne la joie, l’amour et l’accueil.
Et nous ? Quand les choses ne se passent pas comme prévu ou qu’une situation secoue mon image de Dieu, je suis déstabilisé. Je vacille, je trébuche, je doute. Mais ce doute, ce n’est pas une faiblesse, c’est un espace où Dieu peut agir. C’est dans ces moments que notre foi peut grandir, que notre imagination peut être élargie.
Voir Dieu dans l’ordinaire, se laisser toucher par la souffrance et l’injustice et accueillir le doute pour grandir : voilà la transformation à laquelle Jean-Baptiste nous appelle quand il nous dit « Changez de vie ». Elle éveille en nous cette attente active, qui nous fait agir avec Dieu.
L’appel de Jean-Baptiste
Alors, cette année, laissons-nous réveiller par le cri de Jean-Baptiste. Dieu agit – dans nos vies ordinaires, dans nos souffrances et à travers nos doutes. Chaque Noël est une nouvelle invitation pour entendre son cri : « Réveillez-vous, préparez vos cœurs, changez de vie, car le Seigneur arrive encore aujourd’hui ! »
Amen.
Minute de silence
Je vous invite à une minute de silence.
Quel point vous touche particulièrement, dans la situation dans laquelle vous êtes ? Où est-ce que vous vous sentez rejoint·e, ou bien bousculé·e ?
Je vous invite à remettre ce qui remonte en vous et ce que vous ressentez dans les mains de Dieu.
Prions
Seigneur, nos vies ressemblent parfois à un désert. Comme Jean-Baptiste, donne-nous soif d’une espérance et d’une joie qui réveille ce qui dort en nous. Nous venons à Toi, avec les soucis, les besoins et les espoirs de ce monde et des nôtres.
Pour celles et ceux qui marchent sans savoir où ils vont,
migrant·e·s, réfugié·e·s, et celles et ceux qui, tout près de nous, cherchent un sens, une maison, une paix intérieure : aide-nous à leur faire une place, dans nos villages et dans nos vies. Seigneur, viens dans nos déserts.
Pour celles et ceux qui portent des fardeaux, apprends-nous à alléger leurs charges. Que nous partagions ce que nous avons avec générosité, que ce soit notre pain, notre écoute ou notre amitié. Seigneur, viens dans nos gestes simples.
Pour nous, qui attendons Noël, prépare nos cœurs. Dans nos distractions, nos doutes et nos hésitations, continue d’agir. Ouvre nos yeux à la joie discrète de ton Royaume qui grandit, au cœur de nos vies ordinaires. Seigneur, viens dans notre attente.
Amen.