Texte : Psaume 96 (95)[1], 1-13
Prédication « Un Dieu roi qui nous ouvre aux autres »
de Patrick Schlüter
Aujourd’hui, nous célébrons les 100 ans de l’orgue de Noiraigue. Pour cette occasion, j’ai choisi un psaume de louange. Dans ce que nous vivons actuellement, il m’a semblé important de prendre le temps de méditer sur la louange pour élargir notre regard.
Les psaumes constituent un livre riche, rempli de toutes les expériences humaines heureuses et malheureuses, personnelles et collectives. Dans l’histoire de l’Église, les psaumes ont été modèle de la prière, personnelle, mais aussi communautaire. Ils ont enrichi nos liturgies, ils sont devenus des cantiques.
Ce livre des Psaumes est plein de découvertes à faire, de mystères à percer. Très souvent, on ne sait pas quand les psaumes ont été écrits, ni pour quelle occasion.
Il y a de nombreuses années, j’avais eu l’occasion de travailler le psaume 96 quand je faisais partie de l’équipe de rédaction du cours biblique par correspondance.
Dans ce psaume, un chant nouveau est à chanter au Seigneur par toute la terre. Ce psaume est tout entier un mouvement de louange qui semble partir du peuple d’Israël pour aller tout de suite vers les nations, vers tous les peuples. C’est le Seigneur qui est Dieu et qui assure la stabilité du monde. De nombreux qualificatifs parlent de Dieu : gloire, force, splendeur, puissance, honneur. Chacun est invité à le reconnaître et à entrer dans son sanctuaire.
Après une nouvelle invitation à la louange, vient la proclamation centrale du psaume : le Seigneur règne, le Seigneur est roi, un roi qui juge avec justice.
La louange s’élargit alors une nouvelle fois à la création : le ciel, la terre et la mer et tout ce qu’ils contiennent. Même les arbres des forêts crient de joie, car le Seigneur est venu. Il est le juge de la terre.
Je disais tout à l’heure que les psaumes reflètent beaucoup de genre de prières. Quand nous les lisons, certains nous semblent proches de nous, alors que d’autres nous semblent incompréhensibles et ne nous disent rien. Notre lecture peut évoluer au fil de notre vie et de nos expériences.
Quel effet le psaume 96 a-t-il eu sur vous quand vous l’avez entendu ?
Dans ma lecture du Psaume 96, je ressens deux choses en moi. Tout d’abord, je suis impressionné par cette louange qui se déploie à travers tout le psaume. Je ressens de l’admiration et comme une invitation à participer à ce concert de louange de la création. En même temps, un deuxième sentiment m’habite : tout ce concert, cette affirmation du règne de Dieu manifesté dans toute la création me semble bien loin de mon expérience quotidienne.
Pour prendre une image, je ressens ce psaume comme une belle œuvre d’art que j’aime regarder, mais une fois sorti du musée, je n’y pense plus beaucoup, car elle est trop loin de ma vie quotidienne.
En essayant d’aller plus loin dans la lecture, je découvre d’autres choses. Je vous disais que souvent, on ne sait pas quand les psaumes ont été écrits. C’est aussi le cas pour celui-ci. Une hypothèse intéressante est que ce psaume a été écrit après la prise de Jérusalem et la destruction du Temple en 587 avant Jésus-Christ. Le peuple a été exilé et c’est une catastrophe nationale. Plus tard, il y aura le retour et la reconstruction du Temple, mais les choses ne sont plus comme avant. Il n’y aura plus vraiment de dynastie royale en Israël et le nouveau Temple n’égale pas l’ancien. Israël sera souvent sous la domination d’autres peuples.
Si cette hypothèse est la bonne, il y a alors derrière cette louange du psaume une expérience douloureuse et des affirmations fortes et nouvelles.
Le Psaume 96 affirme le règne de Dieu présent aujourd’hui dans toute la création, alors que le peuple n’aura plus jamais un roi comme avant. On se détache de l’attente d’un nouveau roi pour se concentrer sur Dieu en qui l’on met son espoir, car la royauté a échoué et a déçu. Ce n’est plus une vision guerrière d’Israël envers les autres peuples, mais un universalisme qui affirme que tous les peuples sont sous le règne de Dieu.
Le psaume 96 affirme la stabilité du monde, car Dieu règne. Si ce psaume a bien été écrit après l’exil, le peuple d’Israël vient justement de faire l’expérience que le monde n’est pas stable du tout, que les envahisseurs peuvent ravager et déporter comme bon leur semble. Cette affirmation de la stabilité du monde qui semble sereine dans le psaume serait alors une confession de foi. On met toute son espérance en Dieu qui devient la référence dans un monde où tout bouge.
Et pour nous aujourd’hui ?
Si cette hypothèse sur la période du psaume est juste, la situation du peuple d’Israël n’est pas si différente de la nôtre. Notre monde aussi bouge et les choses qui nous semblaient stables il y a peu deviennent tout à coup mouvantes. Il y a largement de quoi être désécurisé aujourd’hui !
Pour moi, l’invitation du psaume est double. D’abord, nous sommes invités à prendre appui sur la fidélité de Dieu, sur sa solidité comme dit le psaume. Le Seigneur est la référence dans la tempête. La lecture des psaumes, le culte, la prière personnelle et communautaire sont là pour nous le rappeler et nous aider à nous appuyer sur Le Seigneur qui est venu et qui vient dans nos vies et dans notre monde. Le psaume ne doute absolument pas de cela et il utilise un temps particulier dans les verbes qui disent que Dieu vient. C’est le temps de l’accompli, quelque chose d’absolument certain qui est déjà présent !
Prendre appui sur la solidité de Dieu, c’est la première invitation du psaume. Il y en a une deuxième qui va avec. C’est l’ouverture. Si le psaume s’appuie sur la solidité de Dieu, ce n’est pas pour se replier sur lui-même, sur le peuple d’Israël, mais pour s’ouvrir à toutes les nations, à tous les peuples, à toute la création qui sont dans la même dépendance envers Dieu. En prenant appui sur Dieu, nous sommes invités à l’ouverture au monde. Le psaume parle de tout cela de manière assez générale, avec des mots larges pour nous puissions y entrer à notre manière, chacun et chacune.
L’ouverture aux autres, à la nature, la capacité de croire qu’un avenir est possible au-delà de la guerre et des changements climatiques : tout cela est fondamental aujourd’hui. Le psaume 96 nous invite à une espérance qui va plus loin que les espoirs à vues humaines.
Il nous invite à une ouverture qui va au-delà des logiques guerrières dont nous sommes prisonniers aujourd’hui.
C’est le Seigneur qui est roi nous rappelle le psaume 96. Jésus a aussi parlé du Royaume de Dieu qui est tout proche. Il nous promet sa présence au cœur de toutes les tempêtes du monde. Il nous offre sa main pour avancer malgré toutes les instabilités d’aujourd’hui.
Alors chantons au Seigneur un chant nouveau et laissons le Royaume de Dieu grandir dans nos vies.
Amen.
[1] Il existe 2 numérotations des Psaumes : celle qui suit le texte hébraïque et celle qui suit la traduction grecque. Les bibles protestantes suivent en général la numérotation hébraïque et les bibles catholiques la numérotation grecque. Ce psaume porte le numéro 95 dans les bibles catholiques.