Culte de samedi 9 novembre 2013 – Môtiers
Lecture de la Bible
Prédication
Tous sont vivants pour Dieu.
J’aimerais recevoir avec joie cette affirmation du texte, mais j’ai un peu du mal à suivre le chemin qui mène à cette proclamation de la vie.
Quand on entend les informations parler de Roger Federer et de Stanislas Wawrinka, on peut se dire que le tennis est une chose importante. Quand je me dis cela et que j’essaie de regarder le compte-rendu d’un match aux informations télévisées, je me sens comme dans le texte d’Evangile d’aujourd’hui. On me dit de faire attention, qu’on me montre la balle de match, le moment crucial de la rencontre. Je vois les joueurs se concentrer. L’un des deux envoie le service. Parfois, ils se renvoient la balle à une vitesse qui ne me permet pas de suivre ce qui se passe. Tout d’un coup, l’un des deux lève les bras et le commentateur s’enflamme pour sa victoire.
Dans ce texte de Luc 20, j’ai un peu l’impression d’un sketche verbal qui reproduit une balle de match de tennis pour un spectateur qui n’y comprend pas grand chose.
Une anecdote rocambolesque avec une femme qui épouse tour à tour 7 frères sans avoir d’enfant avec aucun d’entre eux. La femme meurt à son tour. Alors imaginons comme le disent certains que l’on ressuscite après sa mort : de qui cette femme sera-t-elle l’épouse au jour où les défunts retrouveront la vie ?
C’est une histoire impossible !
Et Jésus leur donne raison : votre vision de la vie et de la mort est impossible. Dans cette vie vous avez des épouses et les épouses ont des maris. Dans la vie des ressuscités cela se passe autrement et n’y réfléchissez pas trop parce que Dieu n’est pas là pour les morts, mais pour les vivants. Pour vous en convaincre, voyez Moïse qui, devant le buisson ardent, appelle le Seigneur « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob ». Dieu n’est pas là pour les morts, mais pour les vivants.
Point, set et match ! Jésus a remporté la joute.
Oui, mais encore ?
« Dieu est le Dieu des vivants et non des morts, car tous sont vivants pour lui. » Lc 20,38
Vous avez certainement entendu cette expression : « quand le sage pointe la lune, l’imbécile regarde le doigt ».
Je vais manquer un peu de respect pour les Sadducéens. Ils ne le méritent pas, mais l’ont un peu cherché quand même, avec leur manière de pousser le raisonnement à l’absurde avec l’anecdote problématique qu’ils exposent à Jésus.
Dans l’histoire rapportée ici par l’évangile de Luc, ils entrent tout à fait dans le rôle de l’imbécile et Jésus dans celui du sage.
Les Sadducéens viennent interroger Jésus sur la résurrection parce qu’ils n’y croient pas. Leurs convictions religieuses et leur compréhension des Ecritures les incitent à dire que tout s’arrête au moment de la mort. Comme leurs adversaires Pharisiens, Jésus affirme au contraire la promesse que les morts se relèveront pour une vie renouvelée dans la présence de Dieu.
Comme les adversaires d’un match, les Sadducéens et Jésus se font face. Au service, les Sadducéens qui démontrent le ridicule de l’idée de la résurrection en demandant qui, dans le monde des ressuscités, donnera une descendance à la femme qui a été sept fois veuve.
Et comme s’ils avaient choisi un terrain trop petit, Jésus répond en faisant éclater le cadre de la réflexion. Pour les Sadducéens, la Bible était l’occasion de faire entrer toute la vie dans un cadre bien défini et qui permettait de comprendre les différentes choses de l’existence.
Jésus développe une vision qui affirme que les femmes et les hommes jugés dignes de se relever d’entre les morts sont pareils aux anges. Ils sont fils de Dieu, car ils sont passés de la mort à la vie. (Lc 20,35-36)
Ce langage visionnaire doit inviter les Sadducéens à voir plus loin.
Dieu n’est pas pris dans un cadre temporel. La succession des maris et des veuvages prend un caractère ridicule quand cette situation est mise dans le contexte du lien entre Dieu et les vivants. Si Moïse rencontre le Dieu d’Abraham, qui est aussi le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ; si Moïse parle à ce Dieu là et que Dieu intervient en faveur de son peuple empêtré dans l’esclavage égyptien, alors cela démontre que Dieu est impliqué dans la vie et que pour lui, tous les humains pour qui il est Dieu sont vivants pour lui.
Comment est-ce possible ?
De la même manière que les anges ne peuvent pas mourir, comme tout le monde le sait.
En fait, on ne peut pas savoir comment cela est possible exactement. Jésus exprime pourtant par sa présence la disponibilité de Dieu pour la rencontre avec les humains.
Dieu est le Dieu des vivants. Il l’a montré en étant le Dieu d’Abraham le vivant. Il l’a montré en étant le Dieu d’Isaac le vivant. Il l’a montré en étant le Dieu de Jacob le vivant. Il l’a montré en étant le Dieu de la veuve aux sept maris, la vivante. Il le montre aujourd’hui en étant le Dieu de Francine la vivante, de David le vivant, de vous autres, chacune et chacun avec son prénom et sa personnalité, chacune et chacun en vie aujourd’hui.
Le fait que Dieu soit Dieu pour ces vivants, mêmes si certains sont morts aujourd’hui est pour Jésus une promesse de résurrection. C’est la promesse que Dieu reste pour les uns et les autres le Dieu de vie, même si cela reste aussi impossible à démontrer que le fait que les anges ne meurent pas.
Parce que Dieu a agi au cours de l’histoire pour tous ces croyants, j’ai l’espérance de l’éternité de la présence de Dieu.
Le lien à Dieu que me donne cette espérance me fait goûter à la vie éternelle. Dans la vie éternelle, la mort est absente par définition. La question posée en problème à Jésus perd tout son sens à ce moment-là. Si la mort est absente, aucun des sept frères n’a besoin d’assurer sa survie par la descendance que pourrait lui donner son épouse.
Tous sont vivants pour Dieu.
Jésus l’affirme et le reconnaît dans la rencontre de Moïse avec Dieu dans les flammes du buisson qui brûle sans se consumer. Ce passage est pour les lecteurs de la Bible bien plus qu’une anecdote de la vie d’un croyant : c’est un fondement de la foi biblique. C’est un moment où le Seigneur se présente et donne son nom à Moïse qu’il rejoint et envoie dans cette rencontre extraordinaire.
D’abord, Dieu affirme sa présence en signalant que la preuve que c’est bien lui est donnée par le signe que le peuple libéré lui rendra ensemble un culte sur la montagne même où Moïse est en train de le rencontrer.
Dieu dit simplement que l’acte de confiance que Moïse doit poser en obéissant à cet envoi sera honoré et confirmé par ce qui va lui arriver dans le courant de sa vie.
Cela ne suffit pas à Moïse. En plus de cette promesse, il veut savoir le nom de Dieu. Et il lui est donné dans cette phrase magnifique et mystérieuse : JE SUIS QUI JE SUIS. Tu diras aux Israélites : « JE SUIS m’a envoyé vers vous. »
Dieu se montre et se donne à découvrir dans la vie et dans la relation. Pour que « je » existe, il faut un « tu », un vis-à-vis qui offre une relation vivante.
Cette présentation de Dieu à Moïse ouvre pour les croyants et les vis-à-vis de Jésus cette formidable espérance de la résurrection. Celle-ci ne se limite pas à imaginer comment nous pouvons continuer à vivre au-delà de notre mort. L’espérance de la résurrection affirme une promesse que la relation à Dieu ne reçoit aucune limite, pas même celle de la mort.
Cette promesse sonne certain jour comme le commentaire d’un match de tennis pour quelqu’un qui ne comprend rien à ce sport.
Mais je nous souhaite que bien plus souvent, cette promesse nous donne le souffle et le courage de vivre notre vie comme Moïse devant le buisson ardent : dans la présence à la fois simple, motivante et dérangeante de Dieu qui renouvelle son souffle en nous jour après jour.
Amen.
Prédication de David Allisson – 9 novembre 2013