Cultes des 7-8 octobre 2023 à Môtiers et Noiraigue
Textes bibliques : 1 Corinthiens 15, 54-58
Luc 6, 39-45
Prédication (de Cyprien Mbassi)
Chers frères et sœurs,
L’Evangile que nous venons d’écouter fait désormais partie de la sagesse populaire : « qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? ». On comprend habituellement cette image comme une manière de dénoncer l’hypocrisie et la prétention de celles et ceux qui « remarquent jusqu’aux moindres défauts des autres, et ne voient pas leurs propres défauts ». On retrouve d’ailleurs cette leçon de vie dans un dicton célèbre : « balaie devant ta porte avant d’aller balayer devant celle du voisin ».
Mais pour nous croyants, cette parabole sur la paille et la poutre est plus qu’une sagesse de vie ordinaire. L’intention de Jésus va certainement au-delà d’une simple leçon de morale. Dans le double mouvement de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain, Jésus rappelle la dimension importante de l’amour de soi. Regarder la paille dans l’œil d’autrui exige de remarquer d’abord la poutre qui nous aveugle. Se soucier des autres exige qu’on se soucie d’abord de soi-même. Aimer son prochain exige qu’on s’aime d’abord soi-même : « tu aimeras ton prochain comme toi-même », dit Jésus en citant le plus grand des commandements ; « COMME TOI-MÊME ».
L’amour de soi est au cœur de notre foi, parce qu’aimer son prochain présuppose de s’aimer soi-même. L’amour de soi est la mesure de l’amour du prochain : « ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, dit Jésus, faites-le vous-mêmes pour eux » (Mt 7, 12). Faire aux autres le bien que nous voudrions pour nous-mêmes signifie que L’amour de soi est la mesure de l’amour du prochain.
C’est donc pour mieux aimer les autres que nous sommes appelés d’abord à nous aimer nous-mêmes. C’est pour mieux éclairer les autres que nous sommes appelés d’abord à affronter nos aveuglements. La poutre dans nos yeux, c’est ce qui nous aveugle. C’est ce qui nous empêche de voir la lumière et de vivre dans la lumière : la lumière du bien ; la lumière de la vérité ; et même la lumière de la foi.
Or, Jésus se présente à nous comme « lumière du monde » : « Je suis la lumière du monde, dit-il, celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » (Jn 8,12). La poutre dans nos yeux, c’est ce qui nous empêche de contempler le Christ-Lumière du monde. C’est aussi ce qui nous empêche de voir le chemin sur lequel nous marchons ; ce qui nous empêche de regarder Jésus comme Chemin, Vérité et Vie.
Plus nous contemplons le Christ, plus nous sortons de l’aveuglement au point de devenir à notre tour, comme le Christ, « lumières du monde » : « vous êtes la lumière du monde », dit Jésus dans l’évangile de Matthieu (5, 14). En suivant le Christ-Lumière du monde, nous devenons lumière les uns pour les autres. Nous rayonnons les uns pour les autres de la lumière du Christ. Nous sommes imprégnés du Christ au point que nos paroles, nos actions, notre comportement, nos pensées, et même notre visage ne reflètent que bonté, douceur et vérité.
Un philosophe de l’Antiquité nommé Plotin disait : « chaque âme [est et] devient ce qu’elle contemple »[1]. Une manière de dire que nous devenons imprégnés de ce que nous regardons et admirons. Pensons, par exemple, à l’influence du cinéma et de la télévision sur les comportements. D’après la revue française « Cerveau et Psycho », « les scènes de violence à la télévision seraient responsables de 5 à 10% des violences commises ». « Chaque âme devient ce qu’elle contemple ». Alors, contemplons le Christ-Lumière et devenons lumières.
Il le dit lui-même dans l’Evangile que nous venons d’écouter : « une fois bien formé, chaque disciple sera comme son maître ». Si nous contemplons le Christ en priant régulièrement, en méditant sur la foi, sur la Bible ou sur des lectures spirituelles, alors nous serons imprégnés de lui. Notre vie reflètera le Christ. Nous serons lumière en lui.
D’après Saint Paul dans l’épître aux Ephésiens (5, 9), « la lumière a pour fruit tout ce qui est bonté, justice et vérité ». Nous sommes donc « enfants de lumière » comme dit Saint Jean (12, 36), si nous sommes bons les uns envers les autres. Nous sommes « enfants de lumière » si, en toutes choses, nous recherchons le bien. Parlons donc pour dire du bien. Agissons pour faire le bien. Pensons du bien des autres. Souhaitons aussi du bien aux autres. Et quand nous-nous abstenons de parler ou d’agir, que ce soit encore en vue du bien. C’est cela, être « enfants de lumière ».
Alors, nous n’aurons peut-être pas besoin d’enlever la paille dans l’œil de notre prochain. Elle sautera d’elle-même à la vue de notre bonté : « que votre lumière brille devant les hommes, dit Jésus, alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux » (Mt 5, 16). Nous savons ce que dit l’adage : « un bon exemple vaut mieux que cent discours ». En recherchant toujours le bien, nous devenons des exemples les uns pour les autres. Nous devenons des modèles de bonté. Nous irons même peut-être jusqu’à dire, comme Saint Paul : « imitez-moi, comme moi j’imite le Christ » (I Co 11, 1).
La poutre dans nos yeux et la paille dans l’œil d’autrui, nous les enlevons en vivant comme des « enfants de lumière », des témoins de la lumière, des témoins du Christ-Lumière. Pour le dire à la manière de Saint Augustin, devenons ce que nous sommes : devenons, tous les jours, lumière du monde. Amen.
[1] Enneiades, IV, 3, 8.