Tous au travail

Prédication de David Allisson – 25 septembre 2011, Noiraigue

relue à l’occasion de la préparation du culte des jeunes du 24 novembre 2013 où la parabole des deux fils sera mentionnée

Lectures bibliques

Ezéchiel 18,25-28

Matthieu 21,28-32

Jacques 1,22-25

Prédication

Il y a aujourd’hui dans cette assemblée les deux fils. Il y a ceux qui veulent et il y a ceux qui ne veulent pas. Il y a ceux qui ne font pas et il y a ceux qui font.

La parabole des deux fils de l’évangile de Matthieu évoque bien les deux éléments qui composent le peuple de l’époque : ceux qui respectent manifestement la Loi et ceux qui la transgressent.

A cet égard, la situation était plus facile à envisager au moment du récit de la parabole qu’aujourd’hui.

Le contexte était juif et la loi en vigueur était la Loi juive.

On pouvait contrôler qui vivait en accord avec la Loi : les plus éminents de ceux-ci étaient les grands prêtres et les anciens du peuple avec qui Jésus était en discussion au moment où il raconte la parabole.

De la même manière, on pouvait voir qui transgressait la Loi : à l’époque, c’était tout spécialement les collecteurs d’impôts et les prostituées, aussi mentionnés dans le texte de Matthieu.

De nos jours, où l’on dit que l’important est de vivre en accord avec ses convictions propres et de rester soi-même, il faudrait probablement faire plus que deux groupes pour raconter cette histoire.

Mais même pour nous, Jésus se fait bien comprendre : il y a ceux qui disent et qui ne font pas ; et il y a ceux qui disent qu’ils ne veulent pas mais qui font quand même.

Ce qu’on fait en réalité est plus important que ce qu’on a dit auparavant. Les auditeurs de la parabole ne s’y trompent pas. Le père, propriétaire de la vigne, a une volonté, un objectif : il aimerait que le travail de la vigne soit fait. C’est celui qui aura fait le travail qui recevra ses faveurs, son approbation. C’est celui qui aura fait le travail qui suscitera la satisfaction du père. Ici pas besoin des beaux discours, il s’agit de prendre part au travail qui doit être fait.

Et je dis que dans notre assemblée aujourd’hui, il y a les deux fils.

Il y a celles et ceux qui pensent ne pas vraiment s’intéresser à Dieu et qui, sans trop savoir pourquoi ni comment, ont été conduits ici et saisissent une occasion de penser leur vie devant Dieu.

Il y a celles et ceux qui mènent leur vie comme si Dieu ne pouvait jamais surgir dans leur vie et qui veulent dans un temps à part se donner à penser que cette dimension divine est importante pour eux.

Pour ceux qui restent chez eux ou vont se promener à l’heure du culte, c’est la même chose. Parmi eux il y a les bien pensants qui disent ne pas venir à l’église parce que ceux qui y viennent le font pour se montrer et que, dans leur vie, ils n’agissent pas comme Dieu le demande. Mais ces bien pensants là, ne font pas forcément grand chose de mieux que ceux qu’ils critiquent.

Et nous trouvons parfois dommage de ne jamais voir au culte un tel ou une telle et nous oublions de voir comment il ou elle agit dans sa vie en reflet de l’Evangile. Oui, c’est possible d’agir en reflet de l’Evangile sans jamais participer aux activités de l’Eglise.

Mais si ce que je commence ici est un catalogue des jugements ou des critiques réciproques que peuvent s’adresser les justes et les transgresseurs, je ne serai pas près de le finir.

Jésus nous emmène ailleurs, plus près de nous-mêmes. Il parle de Jean, le précurseur. Jean, le Baptiste, disait de lui-même qu’il préparait le chemin pour un plus grand que lui-même. Il incitait ses auditeurs à se repentir.

Jean disait : « convertissez-vous, changez la direction de votre vie, car le règne de Dieu s’est approché ». Mt 3,2

Se repentir ouvre à la liberté et à l’action que demande le père de la parabole.

Se repentir, c’est autre chose que s’accuser soi-même et se recroqueviller sur soi-même et son sentiment de culpabilité.

Nous avons entendu tout à l’heure un extrait de l’Ancien Testament. Le peuple supportait des difficultés importantes et des malheurs. Il était opprimé par des voisins puissants et hostiles.

Dans la compréhension de l’époque, de tels malheurs ne pouvaient arriver que par la faute de quelqu’un. Et comme toute une génération était touchée, c’était forcément, dans l’esprit des gens, la ou les générations précédentes qui avaient commis la faute.

Le poids de l’histoire était tel au temps d’Ezéchiel que les gens ne voulaient plus entendre qu’ils devaient supporter les fautes de leurs ancêtres. Il leur a fallu une parole libératrice de ce sentiment de culpabilité. Et cela est une forme de repentance.

Se repentir, ce n’est pas non plus se décharger à bon compte de sa responsabilité.

Voici comment cela pourrait fonctionner. Ce que j’ai dit, je vais l’assumer. Quand je me mettrai à faire, j’assumerai ma parole : soit que je change de direction, c’est-à-dire que je me convertisse parce que je me mets au travail alors que j’avais dit que je ne voulais pas ; soit que j’assume ma parole en accordant ce que je fais à ce que j’avais dit que je voulais faire.

Se repentir, c’est entreprendre une démarche active et responsable. Me repentir, c’est entendre la parole de Dieu qui m’invite à refuser de céder au fatalisme et au désespoir.

Me repentir, c’est me tourner tout entier vers Celui qui m’appelle à la vie pour marcher, lucidement, sur une nouvelle voie.

Et si je pouvais affirmer qu’il y a ici ce matin les deux fils de la parabole, c’est parce que je les reconnais en moi, ces deux fils. Tour à tour, je suis l’un et l’autre.

Je ne vous connais pas assez un par un pour savoir où vous en êtes à cet instant précis et si vous êtes plutôt l’un ou l’autre des fils.

Je sais par contre très bien comment ma bonne volonté est mise à défaut au moment de la traduire en action.

Je sais aussi que certaines réalisations qui me rapprochent du Royaume de Dieu, je les entreprends alors que je ne le voulais pas. Plus précisément, je suis surpris de voir toutes les bonnes retombées d’actions que je pensais ratées ou anodines.

Regardons encore un peu ce fils qui fait la volonté de son père.

Je cite le texte : « Non, je ne veux pas », répondit-il ; mais, plus tard, il changea d’idée et se rendit à la vigne. » Mt 21,29.

Le texte est court et direct. Il n’explique pas du tout le processus qui entraîne le changement de décision. Tout se passe en deux temps : il y a le moment de l’appel : « j’ai besoin de toi, va travailler », et de la réponse immédiate : « non, je ne veux pas ». Ici, il y aurait déjà de quoi analyser la situation des conférences durant, mais le texte va directement plus loin. Le moment décisif a lieu plus tard : « il changea d’idée et se rendit à la vigne. ». C’est cela, le moment décisif, c’est le moment où il est temps d’agir.

La parole perd ou prend sa valeur au moment de la mise en œuvre. Ici, on rejoint la lettre de Jacques. Ce qui donne de la valeur à la parole qui procure la liberté, c’est la mise en pratique. La méditation qui s’occupe de grandes constructions intérieures n’est rien de plus qu’une illusion quand elle ne passe jamais à l’action.

Le bien-être intérieur et la paix avec soi-même deviennent autre chose que le but d’un développement personnel prisé de nos jours. Le bien-être, la paix intérieurs prennent leur sens quand ils peuvent devenir des diffuseurs de l’Esprit de la vie de Dieu dans nos actions dans le monde. Et le monde commence dès notre entourage le plus proche : famille, voisins, travail, inconnus sur le chemin.

Pleinement accueillis par Dieu, nous devenons les bras de Dieu ouverts aux autres dans ce chemin nouveau, ouvert à la vie de Dieu. Nous laissons derrière nous fatalisme et désespoir pour vivre lucidement de la vie renouvelée que Dieu met en nous jour après jour.

C’est là qu’est notre travail. Dans notre quotidien et dans les moments extraordinaires. C’est un service rendu, une présence attentive, un encouragement, une remise à l’ordre, un geste d’affection, un témoignage et tout ce qui partage la vie que nous recevons de Dieu.

C’est un travail à la mesure de nos forces. C’est là que s’ouvrira la rencontre avec Dieu lui-même.

Et finalement, peu importe que nous ayons eu en première approche la réponse de l’un ou de l’autre fils. Allons tous à la vigne, il y a assez de travail pour tous.

Amen.