Culte de Pentecôte
19 mai 2024 – 10h Couvet
Lectures bibliques :
Actes 2, 1-11
Galates 5, 16-25
Jean 15, 26-27 ; 16, 12-15
Prédication de Cyprien Mbassi
Chers frères et sœurs,
La Pentecôte est une fête d’émerveillement. On s’émerveille, non pas de la grandeur de Dieu, mais de l’incroyable estime que Dieu a pour nous. Dieu se donne à nous par son Esprit. Il n’y a pas de don plus grand qu’il puisse nous faire. Il s’est donné par son Fils et il se donne par son Esprit Saint. Le don qu’il fait de lui-même est total.
Dans le récit des Actes des apôtres que nous venons d’écouter, remarquons que la première manifestation de l’Esprit consiste à parler d’autres langues. Ceux qui écoutent les disciples sont « dans la stupéfaction et l’émerveillement » parce qu’ils les entendent parler leurs langues. Ils se sentent rejoints par des personnes qui ne sont pas de leur culture.
L’écrivain afghan Khaled Hosseini disait : « Si la culture était une maison, la langue serait la clé de la porte principale et de toutes les pièces à l’intérieur ». La langue est une clé d’entrée dans la culture de l’autre. Elle permet de rejoindre l’autre dans son univers. Le texte que nous avons écouté le redit plus loin avec insistance : « Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans son propre dialecte, sa langue maternelle ? »
Le passage de la langue au dialecte n’est pas une fantaisie des traducteurs. Il existe dans le texte d’origine. Le dialecte est encore plus subtil que la langue. C’est le domaine de l’entre-soi. Il introduit dans un espace beaucoup plus local de la culture. C’est là que l’’Esprit Saint nous conduit. Il nous incite à adopter une manière de communiquer avec les autres qui ne leur soit pas seulement courante, mais aussi intimement familière.
On pourrait se demander comment ce texte s’applique à notre vie ordinaire. La langue dont parle le texte, au sens large, c’est la manière de rejoindre les autres. Et la culture, au sens large, ce sont nos différences. L’expérience nous montre qu’on peut vivre sous le même toit que quelqu’un sans parler le même langage que lui. Autrement dit, en restant à la frontière de son univers, de sa vision du monde, de ses hobbies, de ses passions.
Cela est très frappant quand on prépare un service funèbre. Il y a des familles qui ont beaucoup à dire sur leur proche défunt. Et il y a des familles qui connaissent peu ou mal l’histoire du défunt. Que pouvons-nous dire sur nos parents ? Que pouvons-nous dire sur nos enfants ? Que pouvons-nous dire sur notre conjoint, notre conjointe, nos frères et sœurs ? Que savons-nous du passé et du présent de nos proches ? Que savons-nous des étapes les plus marquantes de leur vie ? Que savons-nous des personnes qui ont joué un rôle décisif dans leur vie ?
Que savons-nous de leurs succès, de leurs échecs, de leurs espoirs, de leurs craintes ? En quoi est-ce que l’univers de nos proches nous inspire et nous aide à façonner notre propre univers ? Sommes-nous capables de souvent sortir de notre point de vue, de notre manière de voir les choses, pour entrer dans le langage de l’autre, pour adopter son dialecte, pour le rejoindre dans son univers le plus personnel ?
Le monde individualiste dans lequel nous naissons et grandissons ne nous aide pas beaucoup. Nous baignons dans la culture qui fait de nous des individus auto-entrés, une culture du « Moi, je… ». Dans notre prochaine conversation, soyons attentifs au nombre de fois où nous dirons : « Moi, je… ». Le nombre de fois où nous mettons en avant notre façon de penser, notre manière de faire, notre monde à nous. D’après les textes que nous venons d’écouter, l’Esprit Saint nous propose une manière décentrée d’entrer en communication avec les autres. Il nous propose d’entrer dans l’univers des autres pour nous enrichir de leur différence.
Le texte dit que « chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit ». Autrement dit, l’Esprit est donné à tous, mais il se manifeste différemment chez chacun. L’apôtre Paul le confirme : « Les dons de la grâce sont variés, dit-il, mais c’est le même Esprit » (1 Co 12, 4). Si les dons de l’Esprit sont différents, il est dans notre avantage d’entrer dans l’univers des autres pour découvrir les trésors cachés que l’Esprit y a déposés. Et si nous partageons tous la même humanité avec des différences individuelles et communautaires, il nous est profitable de nous laisser enrichir par la différence des autres.
Bien sûr, il n’est pas facile de quitter sa zone de confort pour découvrir et rejoindre l’autre dans sa différence.
Il n’est pas facile de se libérer d’une culture de la peur qui nous encombre de préjugés et qui nous fait voir la différence comme une menace.
Il n’est pas facile d’aller à contre-courant de notre culture individualiste pour vivre les échanges de manière décentrée.
Il n’est pas facile, enfin, d’être dans la posture de celui qui reçoit. Nous préférons si souvent la posture de celui qui donne.
Mais Dieu ne nous demande rien qu’il ne nous aide à accomplir. C’est pourquoi l’Esprit Saint nous est donné. Rappelons-nous la lettre aux Galates que nous venons d’écouter. L’apôtre Paul parle d’un affrontement qui nous empêche de faire ce que nous voudrions : « Marchez sous la conduite de l’Esprit Saint », nous recommande-t-il, pour sortir victorieux de cet affrontement.
C’est par l’Esprit Saint que Dieu nous aide à faire ce qu’il nous demande. Invoquons-le ! remercions-le ! Il intervient dans notre volonté d’agir et d’aller vers les autres. Il intervient dans nos idées, dans nos intuitions pour que nous sachions accueillir les différences que nous côtoyons. Comme un feu, il embrase nos cœurs et inscrit chacun de nos efforts d’ouverture dans l’infini de l’amour de Dieu. Alors gardons confiance et marchons sous la conduite de l’Esprit Saint. Amen.