Servir et libérer une multitude – prédication du 16 octobre 2021

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Lecture de la Bible

Esaïe 53,10-11
Marc 10,35-45

Prédication de David Allisson, largement inspirée du commentaire de Marie-Noëlle Thabut

Servir et libérer une multitude

POUR LIBERER LA MULTITUDE

Commençons par les derniers mots de l’extrait de Marc qui parlent de « rançon pour libérer une multitude de gens » : ces mots ont malheureusement complètement changé de sens depuis le temps du Christ, et nous risquons donc de les entendre de travers. Aujourd’hui, quand nous entendons le mot rançon, c’est dans le contexte d’une prise d’otage, il s’agit de payer la somme exigée par les ravisseurs, seul moyen d’obtenir la libération du prisonnier. Le mot « rançon » désigne le montant de la somme à verser. On dira, par exemple, que les preneurs d’otage exigent une « forte rançon ». Tandis qu’à l’époque du Christ, au contraire, le mot traduit ici par « rançon » signifiait la libération, c’est-à-dire la seule chose importante en définitive. Le mot grec qui a été traduit par rançon est dérivé d’un verbe qui signifie « délier, détacher, délivrer ».

C’est donc un contresens, par rapport au texte grec de l’évangile de Marc, d’imaginer que Jésus doive payer quelque chose pour nous. Ce contresens défigure complètement l’image de Dieu et risque de faire croire qu’il nous faut apaiser le courroux de Dieu, mais ce n’est certainement pas l’idée biblique !

Toute la Bible raconte la longue entreprise de Dieu pour libérer son peuple, d’abord, et toute l’humanité ensuite, de tous ses esclavages de toute sorte. Dieu est le Dieu libérateur, c’est le premier article du Credo d’Israël. Dieu est d’abord celui qui guide Moïse pour libérer le peuple de l’esclavage concret d’Égypte. Il est ensuite celui qui libère les personnes de leurs servitudes.

D’autre part, les prophètes ont lutté de toutes leurs forces contre l’horrible pratique des sacrifices humains, dont ils disaient que c’est une abomination. Donc, quand les disciples ont entendu Jésus leur dire « je dois donner ma vie en rançon pour la multitude », il ne leur est pas venu à l’idée une minute que Dieu pouvait exiger l’exécution de son Fils pour apaiser une quelconque colère : ils savaient depuis longtemps que Dieu n’a pas de colère contre l’humanité et qu’il ne veut pas de sacrifice humain.

En revanche, ils attendaient une libération : de l’occupant romain d’abord, c’est certain ; et le malentendu a duré longtemps pour quelques-uns d’entre eux, y compris Judas, probablement.

Plus profondément, ils étaient des croyants et donc, ils attendaient aussi la libération définitive de l’humanité de tout le mal qui la ronge : le mal d’ordre physique, moral, spirituel. Et ils entendaient Jésus leur dire « je dois consacrer ma vie à cette œuvre divine de libération de l’humanité ». Mais Jésus leur dit aussi que cette œuvre de libération de l’humanité passe par la conversion du cœur de la personne ; et cela va lui coûter la vie, il le sait. Il vient, pour la troisième fois de leur annoncer sa passion, sa mort et sa résurrection ; annonce qui ne fait que confirmer leurs craintes.

Marc note un peu plus haut qu’ils sont sur la route qui monte à Jérusalem et que Jésus marche en avant du groupe ; eux suivent sans empressement, parce qu’ils ont peur, et à juste titre, de ce qui les attend à Jérusalem.

SERVIR QUOI QU’IL EN COUTE

Du groupe, deux hommes se détachent, peut-être les plus courageux, ou les plus clairvoyants ? Jacques et Jean, les fils de Zébédée, ceux que Jésus a surnommés « les fils du tonnerre ».

Alors, de cette troisième annonce qui confirme leurs pires craintes, ils préfèrent ne retenir que la fin et ils demandent à Jésus de les rassurer : nous qui allons affronter Jérusalem avec toi, dis-nous qu’ensuite, nous aurons part à ta gloire. Jésus répond : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Êtes vous capables de boire la coupe de douleur que je vais boire, ou de recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ? » Manière de dire, je ne peux pas éviter le chemin de souffrance et de mort sur lequel les hommes m’entraînent ; et vous, êtes-vous prêts à vous engager sur ce même chemin ?

La dernière phrase de Jésus est très curieuse, si on y réfléchit : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi » : mais, justement, le Fils de l’homme, d’après le prophète Daniel (Dn 7), était celui qui devait être sacré roi de toute l’humanité. Curieux portrait de roi qu’un roi à genoux devant l’humanité au lieu d’être assis sur son trône au-dessus des autres.

Clairement, ici, Jésus se présente non comme un roi triomphant mais comme le serviteur d’Esaïe dont nous lisions le portrait en première lecture : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie » ; Esaïe disait « C’est lui qui fera aboutir le projet du SEIGNEUR », c’est-à-dire le salut de l’humanité. Parce que la non-violence, le pardon, le service, l’humilité sont le seul moyen de changer le cœur de l’être humain.

Alors on comprend la phrase de Jésus : « Ceux que l’on regarde comme les chefs des peuples les commandent en maîtres… Cela ne doit pas se passer ainsi parmi vous ».

Vous, mes disciples, qui êtes le noyau et le ferment de l’humanité nouvelle, soyez à l’image du Fils de l’homme, faites-vous serviteurs.

C’est cela qui ouvre la libération pour une multitude de personnes : le service en humanité. Ce n’est pas le prix du sang ou de la souffrance.

C’est un service pour libérer une multitude de gens.

Amen