
Dimanche de la Réformation
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Lecture de la Bible
Prédication de David Allisson
Le jeune homme à robe blanche qui se trouvait là dit aux deux femmes : « Ne soyez pas effrayées ; vous cherchez Jésus de Nazareth, celui qu’on a cloué sur la croix ; il est revenu de la mort à la vie, il n’est pas ici. Regardez, voici l’endroit où on l’avait déposé. Allez maintenant dire à ses disciples, y compris à Pierre : « Il va vous attendre en Galilée ; c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit. » »
L’Église est dans la même situation que les disciples.
Après des temps forts avec Jésus qui ont fait sentir très intensément la proximité de Dieu, voilà que Jésus a été crucifié. Il est mort lamentablement et voilà les disciples en deuil.
Cherchant le mort, les femmes ne trouvent qu’un tombeau vide et un messager qui leur affirme que Jésus est vivant et qu’elles vont le retrouver sur leur chemin. Elles doivent passer le mot aux autres disciples.
Les disciples reçoivent un rendez-vous. Nous recevons un rendez-vous. Jésus est vivant. Il est ressuscité. Il va nous attendre en Galilée.
La Galilée, c’est notre lieu d’origine et le lieu où nous avons déjà vécu des choses très fortes avec Jésus. Ce n’est pas un lieu totalement inconnu. Ce qui s’est déjà passé a de la valeur. Par contre, la vie de Dieu, la vie du Christ ressuscité, c’est quelque chose de totalement nouveau, à redécouvrir. Nous ne reconnaîtrons pas complétement la Galilée que nous avons déjà parcourue avec Jésus.
Il est possible de vivre d’autres choses. Il est possible d’exprimer sa foi autrement.
Dans l’Épître aux Romains, Paul fait appel à une attitude ouverte. « Accueillez le prochain qui croit autrement que vous et ne le critiquez pas. » De ce premier enseignement dépend le reste.
Il s’agit ici de respect et de tolérance même si Paul n’utilise pas explicitement ces deux expressions : respecter l’autre dans sa manière de pratiquer la foi, tolérer celles et ceux qui vivent leur foi autrement. Respecter et tolérer l’autre, c’est facile à dire, mais si difficile à pratiquer. Bien qu’on puisse penser que la foi devrait engendrer le respect et la tolérance, c’est souvent le contraire qui se produit chez les croyants : ce qui est bon pour moi sera aussi bon pour les autres et c’est ce que je vais chercher à imposer.
Le respect et la tolérance font fréquemment défaut et ceci déjà à l’époque des premières communautés que Paul interpelle.
Pourquoi ? Pourquoi ce besoin de certains croyants de déclarer leur manière de croire comme étant la seule référence ? Est-ce seulement une question de pouvoir ? Il y a de cela ; celui qui décide de la bonne façon de croire se retrouve en une position de pouvoir. Je pense pourtant que ce n’est pas la seule et unique raison pour laquelle des croyants ont du mal à respecter et à tolérer celles et ceux qui croient autrement. A mon avis, un élément important se trouve dans le fait que la foi, la confiance en Dieu se localisent en premier en nous, dans notre cœur, dans notre pensée. La foi étant avant tout quelque chose d’invisible, chaque croyant a le besoin de se chercher des formes visibles pour montrer, affirmer, extérioriser sa foi.
Les pratiques religieuses, le culte commun, la vie de paroisse, la lecture commune de la Bible – ce sont des formes extérieures et visibles de la foi, des formes qui permettent à notre foi intérieure de s’affirmer, de devenir visible, compréhensible, saisissable. Le problème que posent ces différentes formes visibles de la foi apparaît quand la diversité des formes n’est pas vécue comme un enrichissement, mais plutôt comme une menace, une remise en question radicale. C’est comme si lorsque quelqu’un affirme sa foi autrement que moi, alors ce n’est pas seulement la forme, l’affirmation qui diffère mais certainement aussi la foi elle-même. On déduit que s’il y a différence extérieure, il doit aussi y avoir différence intérieure. Paul cherche un autre chemin. Selon lui, les différentes formes extérieures sous lesquelles la foi s’affirme ne nous donnent pas le droit de juger de la qualité ou de la quantité intérieure de la foi de l’autre.
Regardons donc le texte de plus près. Paul fait allusion à un conflit qui a dû se produire dans la communauté de Rome. Il s’agissait de savoir si une vie plus ou moins ascétique était indiquée pour les croyants. Cette ascèse se montrait spécialement en deux points : dans des règles alimentaires et dans le respect de certains jours de jeûne durant lesquels ces règles alimentaires devaient être appliquées encore plus strictement. Le conflit s’est produit parce que certains croyants prétendaient qu’il n’était pas indiqué pour un chrétien de manger de la viande. Il aurait dû vivre une ascèse totale ou au moins respecter des jours d’abstention de viande. D’autres prétendaient au contraire qu’un chrétien était totalement libre de manger ce qu’il voulait et de le manger quand il le voulait.
Dans les deux cas, la pratique était une affirmation de la foi personnelle : pour l’un, s’abstenir de viande signifiait respecter Dieu et marquait le changement total que la conversion à la foi chrétienne avait provoqué par rapport à sa vie antérieure. Pour les autres, cette conversion avait un effet tout à fait différent, car grâce à elle, ils découvraient la liberté par la foi. Cette liberté leur permettait de ne pas respecter les règles alimentaires et les journées de jeûne. Il est intéressant que Paul ne prenne pas position dans ce conflit, ce qu’il fait facilement à d’autres occasions, mais qu’il exhorte les deux partis au respect et à la tolérance. Pour l’Apôtre, ce respect et cette tolérance ne se vivent pas dans l’idée d’un laisser faire quelconque. Paul suit un autre but qui invite à l’accueil mutuel : dans notre passage, il rappelle aux deux partis de ne pas se perdre dans des détails, mais de revenir à l’essentiel.
Quel est l’élément essentiel que les croyants devraient retrouver selon Paul ? Tout simplement la foi ! La foi en Christ est essentielle car elle subsiste au-delà de tout conflit, au-delà de toute pratique extérieure qui pourrait séparer les croyants.
Paul dit ainsi aux chrétiens de Rome : « Il n’est pas important de savoir quelle pratique religieuse vous suivez. Ce qui importe, c’est que vous vous attachiez corps et âme au Seigneur ; autrement dit : que votre foi personnelle en Christ soit sincère et profonde. Si vous croyez en la profondeur et en la sincérité de votre foi et si vous croyez qu’il en va de même pour vos frères et sœurs, vous surmonterez les tensions extérieures car votre dialogue sera porté par le respect, par la tolérance et par la confiance. »
Pour souligner cette idée, Paul mentionne en particulier deux éléments qui peuvent conduire les croyants à cette attitude de respect et de tolérance :
Premier élément : tout croyant est d’abord le serviteur de Dieu.
Nous ne sommes pas les maîtres de nos frères ou de nos sœurs – nous sommes toutes et tous égaux vis-à-vis de Dieu car nous sommes ses serviteurs et lui, il est le maître. Paul dit par conséquent qu’un serviteur n’a jamais le droit de se prendre pour le maître.
Ainsi, ce n’est pas à nous de décider sur le sens d’une pratique religieuse ; ce n’est pas à nous de savoir si cette pratique est importante ou pas. Chaque pratique qui est soumise à la volonté de Dieu, qui est comprise comme étant au service de Dieu exige respect et tolérance.
Deuxième élément : c’est la pratique de la prière qui nous unit.
Ceci est très important : Paul dit que peu importe la pratique du croyant si elle est soumise à Dieu dans la prière. C’est par la prière que nous nous soumettons à la volonté de Dieu, que nous cherchons à trouver la bonne direction de nos actes. Nous essayons ainsi de donner une valeur spirituelle à notre travail quotidien et à notre engagement. L’essentiel est de relier nos actes à Dieu dans la prière. C’est dans ce sens que Paul constate simplement : « Celui qui mange de tout le fait pour le Seigneur, en effet, il rend grâce à Dieu. Et celui qui ne mange pas de tout le fait pour le Seigneur, et il rend grâce à Dieu. » Rm 14,6
Cet enseignement sur l’importance de la prière peut aussi nous aider dans notre vie d’église, car grâce à la prière, nous sommes prêts à donner une valeur spirituelle à notre pratique et nous pourrons accepter celles et ceux qui font de même. L’essentiel est de mettre nos actions en relation avec Dieu. La prière ne fait rien d’autre que de chercher cette relation.
Ce dernier point nous conduit à la conclusion de notre passage : si la prière nous met en relation avec Dieu, c’est la recherche de relation personnelle avec lui qui est vraiment l’essentiel dans la vie d’un croyant et non pas une pratique extérieure.
Car ce qui importe pour Dieu n’est pas la réussite d’une belle pratique religieuse ou notre manière de nous conduire correctement dans la communauté ; selon Paul, l’essentiel de la foi c’est que dans la vie comme dans la mort, donc dans notre existence entière, nous soyons à Dieu, c’est-à-dire que nous soyons liés à lui en Christ, en relation avec lui du plus profond de nous-mêmes.
C’est finalement ce qui nous relie les uns aux autres au-delà de nos pratiques religieuses, au-delà des affirmations de notre foi. Nous sommes toutes et tous en relation avec Dieu, nous sommes toutes et tous entièrement à lui, dans la vie comme dans la mort. Cette unité est plus forte que nos différences ; elle nous incite à nous rencontrer dans le respect et dans la tolérance mutuelle.
Ne nous laissons pas séparer par ce que nous faisons différemment les uns ou les autres. Apprenons à reconnaître et apprécier le fait que nous sommes les uns et les autres animés par la foi en Christ ressuscité et que nous essayons, chacun à notre manière de vivre concrètement cette foi dans notre vie.
Ce qui importe, c’est que nous n’oubliions jamais l’essentiel : la foi qui relie fondamentalement chacun et chacun d’entre nous à Dieu. Cette foi commune fait qu’au-delà de toute différence, nous sommes et resterons l’Église, le corps vivant du Christ.
Amen.