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Lecture de la Bible
Prédication
de David Allisson, largement reprise de Marie-Noëlle Thabut.
RETOUR DE MISSION : REPOSEZ-VOUS UN PEU
Jésus a pour la première fois envoyé les disciples en mission (Mc 6,7-13). Les voilà maintenant de retour. Marc décrit rapidement ce qu’ils ont fait : « Les disciples partent et ils demandent aux gens : « Changez votre vie ! » Ils chassent beaucoup d’esprits mauvais, et ils guérissent beaucoup de malades, en versant de l’huile sur eux. » (6,12-13). Ils ont donc fait très exactement ce qu’ils voient Jésus faire depuis le début de leur rencontre : guérir les malades, chasser les démons, enseigner.
Marc veut certainement faire entendre à ses lecteurs que la mission des Douze est dans la parfaite continuité de celle de Jésus.
Il a pris bien soin de les décrire en parallèle ; on peut noter en effet que le début de la mission de Jésus et celui de la mission des Douze se ressemblent : le lieu est le même (la Galilée), et surtout le contexte : Jésus a commencé « après que Jean a été mis en prison » (1,14), les apôtres commencent à leur tour au moment de la mort du même Jean-Baptiste. Marc raconte l’arrestation et l’exécution de Jean-Baptiste dans l’intervalle entre leur envoi en mission par Jésus et leur retour (6,17-29). Quant au contenu de l’enseignement, s’il n’est pas précisé, c’est parce qu’il ressemble certainement à celui du Maître, résumé par Marc au début de son évangile : « Un jour, Jean est mis en prison. Alors Jésus va en Galilée. Il annonce la Bonne Nouvelle de Dieu et il dit : « Le moment décidé par Dieu est arrivé, et le Royaume de Dieu est tout près de vous. Changez votre vie et croyez à la Bonne Nouvelle ! » (Mc 1,14-15).
Voici donc maintenant le retour des Douze : « Après leur première mission, les apôtres se réunissent auprès de Jésus. Ils lui racontent tout ce qu’ils ont fait et ce qu’ils ont enseigné. » C’est la première fois que Marc emploie le mot « apôtres » (qui signifie « envoyés » en mission), jusqu’ici il les appelait les « disciples » (« enseignés ») : désormais, ils partageront la mission de Jésus.
Curieusement, à leur retour, la première chose que leur propose Jésus, c’est de prendre de la distance : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » Si l’on se souvient, après sa première journée à Capharnaüm, où il avait abondamment enseigné, guéri les malades, chassé les démons (1,21-34), Jésus aussi avait pris de la distance. Marc note : « Le matin suivant, pendant qu’il fait encore nuit, Jésus se lève et sort de la maison. Il va dans un endroit désert, et là il se met à prier. » (1,35). Il s’était arraché au succès et était parti se ressourcer dans la prière. Les « envoyés » de tous les temps sont certainement invités ici à en faire autant : Marc répète à deux reprises cette retraite de Jésus et de ses apôtres « à l’écart dans un endroit désert » (v. 31 et 32). Entre deux, Marc note la présence de la foule : manière de nous dire ‘ce n’est pas une fuite-dérobade que Jésus leur propose, c’est un ressourcement pour mieux servir la foule’. A Capharnaüm, c’est dans cette pause que Jésus avait puisé la force de continuer son chemin et son enseignement, au lieu de s’installer (1,38).
AU SERVICE DE LA MULTITUDE
Mais la foule les suit, elle s’impose et avec elle, s’impose l’urgence de la mission. Dans son évangile, Marc insiste souvent sur cette présence de la foule qui poursuit Jésus partout : par exemple dans le récit de l’appel de Matthieu : « Une foule nombreuse vient auprès de lui, et il les enseige. » (Mc 2,13) ; ou pour introduire le discours en paraboles : « Jésus se met à enseigner, au bord du lac. Une foule très nombreuse se rassemble autour de lui. C’est pourquoi il monte dans une barque qui est sur le lac, et il s’assoit. La foule reste à terre, au bord de l’eau. » (Mc 4,1)
Ou encore, à Génésareth : « Partout où Jésus va, dans les villages, les villes, les fermes, les gens viennent mettre les malades sur les places et ils le supplient : « Laisse-les seulement toucher le bord de ton vêtement ! » Et tous ceux qui le touchent sont guéris. » (6,56).
Marc insiste, cette foule ne vient pas seulement de Galilée, elle vient de partout : « Jésus part avec ses disciples vers le lac de Galilée. Une foule nombreuse le suit. Les gens viennent de Galilée, de Judée, de Jérusalem, de l’Idumée, de la région qui est de l’autre côté du Jourdain et des environs de Tyr et de Sidon. Cette grande foule vient voir Jésus, parce qu’elle a appris tout ce qu’il fait. Alors Jésus dit à ses disciples : « Préparez-moi une barque, pour que la foule ne m’écrase pas ! » En effet, Jésus a guéri beaucoup de gens, et tous ceux qui souffrent de maladies se précipitent sur lui pour le toucher. » (3,7-10). Et cette foule reste parfois des jours à l’écouter.
C’est ce qui décidera Jésus à accomplir la deuxième multiplication des pains : « Un autre jour, une grande foule se rassemble de nouveau. Les gens n’ont rien à manger. Alors Jésus appelle ses disciples et il leur dit : « J’ai pitié de cette foule. Depuis trois jours déjà, ils sont avec moi et ils n’ont rien à manger. Si je leur dis de rentrer chez eux, sans manger, ils n’auront pas la force de continuer leur chemin. En effet, quelques-uns sont venus de loin. » (Mc 8,1-3).
Tout ceci fait donc penser que Jésus a reçu un très bon accueil de beaucoup ; mais ce succès même a déclenché l’inquiétude des autorités religieuses : dès le chapitre 3, on apprend que des scribes sont « descendus de Jérusalem » (3,22).
Revenons à notre texte : en débarquant, Jésus voit donc cette grande foule (cinq mille hommes), « Son cœur est plein de pitié. En effet, les gens sont comme des moutons sans berger, et il se met à leur enseigner beaucoup de choses. »
Il les instruit d’abord, il accomplira une première multiplication des pains, ensuite (6,35-44). Deux manières de les nourrir. Quand Marc dit la pitié de Jésus, il utilise le mot grec (« splangna ») qui désigne les entrailles, la profondeur de l’être ; c’est un équivalent du mot hébreu (« rahamim ») que l’on traduit souvent par miséricorde.
Rien d’étonnant à ce que Jésus éprouve pour les hommes la pitié même de Dieu, une pitié telle qu’il a envoyé son Fils.
Marc, à la différence de Jean (Jn 10), ne développe pas le thème du bon berger, mais il est présent ici en filigrane : « Son cœur est plein de pitié. En effet, les gens sont comme des moutons sans berger. » On entend résonner ici les plaintes de Jérémie sur les mauvais bergers qui ont mal dirigé le peuple d’Israël. Et, depuis des siècles, on attendait le Messie qui serait un vrai bon berger. Cette fois, nous dit Marc, le Bon Berger, le Messie est parmi nous.
Ce Messie propose le repos aux fatigué·e·s et la légèreté à celles·ceux qui portent lourds :
« Venez avec moi dans un endroit isolé, loin de tout le monde, pour vous reposer un peu. Ils partent dans une barque, seuls, pour aller dans un endroit isolé » (Marc 6,31-32)
On a donc le droit de se reposer ! Est-ce que le repos serait tout simplement de l’humilité et de la confiance ?
Cela me rappelle le psaume 127,2 : « Le Seigneur en donne autant à son bien-aimé pendant qu’il dort.
Pour rien, vous vous levez très tôt,
pour rien, vous vous couchez très tard.
Le Seigneur en donne autant à son bien-aimé pendant qu’il dort. » Amen