Présent, par l’amour

Cultes du 28 mai à Couvet et du 29 mai 2022 à Buttes
(Week-end suivant l’Ascension)
Prédication par Séverine Schlüter

Jésus n’est plus là ! Même s’il est ressuscité, même si ses disciples savent maintenant
que sa mort n’était pas la fin, il est reparti, il est retourné vers son Père.
Il faut attendre, attendre qu’il revienne, selon sa promesse, pour que tous soient
également réunis avec le Père, pour toujours.
Or, l’attente, c’est difficile !
Je ne sais pas comment chacun, chacune, vous vivez ou vous avez vécu ces temps où
vous étiez dans l’expectative : perspective des vacances, d’examens, naissance d’un
enfant, attente d’un résultat médical, de quelqu’un qui est en retard, qu’un problème
trouve sa solution…
Mes temps d’attente à moi, ont souvent été des mélanges de doutes, d’impatience, de
découragement ainsi que d’espoir, d’espérance, de réjouissance.
Eh bien, c’est un peu comme cela que les disciples devaient vivre les choses : portés par
l’espérance et la promesse, mais aussi impatients dans l’expectative, parfois peut-être
découragés.
Jean est très sensible à cet aspect de l’attente, aux sentiments qui bouleversent sa
communauté. Il sent que les événements de Pâques, même si cela s’est terminé avec
une victoire, ont été vécus d’abord par les disciples comme un départ, une séparation,
une absence.
Ils sont tous tournés vers cette promesse du retour, de ce jour où eux aussi seront à
nouveau en sa présence, et en présence du Père. Mais voilà que ce jour tarde à venir.
Comment bien vivre cette attente ?
Jean, dans son évangile, va inviter les chrétiens à ne pas avoir la nostalgie du passé, ni
rester fixés uniquement sur l’avenir, mais à habiter aussi le présent : ce n’est pas
seulement à la fin que tout va se jouer, c’est déjà maintenant que cela se passe !
Mais c’est quoi, au juste, qui se joue ?
Comment habiter ce temps qui nous prépare à la fin ?
Dans notre texte, ça se joue au niveau des relations. Des liens qui existent entre Dieu-le
Père et son Fils, entre Jésus et ses disciples, entre Dieu et nous.
Dieu est souvent décrit avec le mot “gloire”. La gloire, en hébreu, ça ne désigne pas
quelque chose de céleste, de lointain, d’inaccessible.
La gloire, c’est ce qui a du poids, qui est consistant, solide. La gloire de Dieu, c’est sa
présence parmi les hommes, c’est ce qui le rend consistant pour nous.
Au départ, il y a donc cette volonté de Dieu d’être en relation avec les humains.
Et puis, il y a Jésus. C’est celui qui révèle cette gloire, cette présence. C’est le visage de
Dieu parmi nous.
Parce qu’il a dit des paroles et fait des œuvres qui révèlent Dieu, il est un avec lui.
Maintenant, il faut que son œuvre continue. C’est en racontant cette histoire que l’on
rend à notre tour Dieu présent.
En fait, Jésus n’est pas absent, il est présent autrement. La véritable relation au Christ
commence : être ses témoins, partager à notre tour ses paroles et se gestes.
“ Je ne te prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui
accueilleront leur parole et croiront en moi ” (v. 20)
Ce qui était une perte, une absence, devient un avantage : car tous peuvent bénéficier de
sa présence.
Par cette communion, Jésus nous a fait fils et filles de Dieu avec lui; il nous permet
d’appeler Dieu notre Père; il a fait de nous des frères et des sœurs.
Il demande que tous soient un, unis.
Cela nous renvoie à nos relations humaines, mains tout particulièrement à nos relations
en Église, en communauté.
On peut se réjouir de ce qui s’y vit, de ce que l’on y partage, de ce que l’on construit.
Mais il y a toujours un moment où, même entre frères et sœurs dans la foi, ça coince ; ça
dérape… et où le conflit arrive. Parce qu’on est différent : on a d’autres idées, d’autres
habitudes, d’autres valeurs, d’autres attentes, d’autres manières de vivre sa foi… et il
n’est pas toujours facile de se mettre d’accord !
Jean connaissait les différends qui se vivaient dans sa communauté. Nous en
connaissons aussi.
Et on est souvent gênés de penser à nos divisions, aux querelles qu’on a eu dans le
passé ou qui existent encore aujourd’hui.
Est-ce que cela ne devrait pas être autrement entre nous ?
On en vient parfois à regretter nos différences, à vouloir les gommer. Pour être unis, ne
devons-nous pas vivre notre foi de la même manière ?
Eh bien moi, je trouve dommage de vouloir les gommer. Nos différences, quand on
arrive à dépasser le conflit, sont une source de richesse. Nous sommes
complémentaires, nous avons tous quelque chose à apporter. Nous sommes là aussi
pour nous interpeller.
Il ne s’agit pas de nous rendre semblables aux autres, ou de les rendre semblables à
nous. Avec le risque d’y perdre sa spécificité, ou d’avoir la mainmise sur l’autre…
L’uniformité, ce n’est pas ce qui est au programme.
Notre identité de chrétien, en effet, elle ne vient pas de notre manière de faire, des
paroles qui sont prononcée ou des gestes que nous faisons, mais du but que nous
visons.
Pour Jésus, le Fils, c’est l’amour qui fait notre identité face au monde.
Puisque Dieu, par Jésus et sa mort en croix, a choisi de se révéler par l’amour, c’est
également par l’amour que nous rendrons Jésus présent parmi nous, parmi les femmes
et les hommes de ce monde.
Aimer, dans le contexte biblique, ce n’est pas d’abord un sentiment, mais c’est une
attitude de vie, un engagement envers l’autre, c’est aller vers l’autre, le prendre en
compte. Comme Dieu s’est engagé pour nous, nous avons à nous engager pour les
autres.
Et cela, nous sommes appelés à le faire ensemble, mais en mettant chacun nos
charismes et nos particularités au service de ce but.
Pour bien vivre ce temps de l’attente, ne cherchons donc pas d’abord à être pareils, mais
à être ensemble des témoins du Christ, à être partenaires dans notre mission de
partager son amour à ceux qui nous entourent.
Amen.