Dite au temple de Couvet par :
David Allisson, pasteur et Eric Bianchi, diacre stagiaire
Chercher l’avènement de la justice et de l’équilibre dans la paix, le partage et l’enracinement dans la vie que vient offrir Jésus.
Prédication en dialogue
Disciple d’Esaïe :
Nous voilà devant vous : deux disciples et descendants de prophètes bibliques importants. Je lis, relis et je m’inspire des traces du grand prophète Esaïe. Et voici un adepte de Jean-Baptiste.
Disciple de Jean-Baptiste :
C’est un drôle de personnage ce Jean-Baptiste, dont je suis le disciple. Il vivait dans le désert, il était vêtu avec des habits en poils de chameau et il mangeait des sauterelles et du miel sauvage…
Il me fait un peu penser au grand prophète Elie ; lui aussi il était habillé de la même manière. Elie d’ailleurs, ce n’est pas celui qui devait revenir sur terre juste avant la venue du Messie ?
Enfin bref, moi je ne pourrais pas vivre dans le désert comme lui.
Il fait chaud et puis il n’y a rien, si ce n’est la solitude. Je suis mieux dans notre Val-de-Travers…
Disciple d’Esaïe :
Esaïe aurait pu connaître des jours assez confortables. On dit qu’il était le neveu du roi judéen Amasias. C’est peut-être une manière de mémoire que l’histoire a construite, mais il reste que mon maître avait une place reconnue auprès du roi et c’était normal de demander à Esaïe son avis sur ce que Dieu voulait de son peuple et de ses dirigeants.
Disciple de Jean-Baptiste :
Moi, ce que j’aime chez Jean-Baptiste c’est son tempérament un peu emporté. Au moins avec lui, on sait à quoi s’en tenir…
Il n’y va pas par quatre chemin pour dire ce qu’il pense. Regarde avec les Saducéens et les Pharisiens qui étaient deux mouvements religieux du judaïsme.
Jean-Baptiste, il leur a dit : « Engeance de vipères », c’est sans ambiguïté. Il faut quand même dire que c’est une façon de parler. Il voulait dire par là que leur comportement menait à la division, comme le serpent du jardin d’Eden. Ce que Jean-Baptiste leur reproche surtout, c’est leur dédain quand ils disent :
« Nous allons aller nous faire baptiser par principe, mais nous nous sommes des descendants d’Abraham et on n’a pas grand-chose à craindre ».
Jean-Baptiste lui, il aimerait bien leur faire comprendre que se convertir, ça veut dire tout autre chose ! Ça signifie orienter son cœur et son esprit bien au-delà de ce que prescrit la religion. C’est commencer à marcher sur le chemin du changement de soi. Mais bon, ils étaient assez bornés. Enfin… je parle, je parle et j’aimerais bien t’entendre parler toi aussi de ton maître Esaïe. Qu’est-ce que tu peux me dire sur lui ?
Disciple d’Esaïe :
Esaïe avait un lien reconnu avec les autorités. Pourtant, il ne prophétisait pas directement depuis le trône, il avait son franc parler. Israël, du moins le Royaume de Juda et sa capitale Jérusalem ont reçu bien des critiques de la part d’Esaïe : le royaume ne respectait pas ses engagements de peuple de Dieu, selon lui. Il se laissait beaucoup trop influencer par les puissances politiques et religieuses alentours : une fois l’empire d’Assyrie, une fois l’Egypte et même Babylone, ce qui allait se retourner bien des fois contre le royaume. Comme les prophètes aujourd’hui qui demande un changement radical de comportement pour davantage de justice, d’équité et finalement de stabilité de vie commune, le discours prophétique d’Esaïe était à la fois respecté parce qu’il était vu comme une sorte de sagesse et en même temps dénigré et ignoré parce qu’il allait contre la tendance du moment de chercher la protection des grandes puissances des environs. Les oracles d’Esaïe demandaient l’indépendance politique et religieuse. Et devant la menace de l’Égypte d’un côté, le royaume a plutôt cherché protection vers les Assyriens de l’autre côté, en ignorant la parole d’Esaïe. Esaïe annonçait donc le malheur comme conséquence des choix du moment, mais aussi une restauration à venir en retrouvant les racines de la première royauté d’Israël avec un descendant de David, fils de Jessé, qui allait pousser comme un frais rameau sur la souche pourrie des rois récents.
Disciple de Jean-Baptiste :
Ce frais rameau qui fait reverdir la vie, c’est un peu comme Jean-Baptiste qui annonçait la fin de l’esclavage avec la venue de Jésus. Il faut dire que ce n’était pas une époque très joyeuse celle de mon maître. Les Romains occupaient la région depuis 90 ans. Hérode, le roi des Juifs était détesté par tous et les partis religieux étaient divisés. Non, ce n’était pas très gai. C’était comment pour Esaïe ?
Disciple d’Esaïe :
A son époque, les alliances étaient toujours celles d’un faible avec un fort. Le peuple devait reconnaître sa soumission à Dieu pour entrer en alliance avec lui. Le royaume devait se soumettre à son puissant voisin d’Assyrie pour compter sur sa protection face à la puissance égyptienne. Il était donc de tous les côtés dans une situation de se soumettre d’une manière ou d’une autre et parfois cette soumission, c’était un peu comme si le pays entrait en esclavage au service d’un empire voisin. Mais pour Esaïe, la soumission à Dieu allait mener le pays vers une situation de paix et de prospérité malgré les périls politiques apparents.
Disciple de Jean-Baptiste :
Au début, quand j’écoutais mon maître parler, on peut dire que ça m’angoissait pas mal. Voici ce qu’il disait :
« La hache est déjà prête à couper les arbres à la racine : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu »
ou encore :
« il tient en sa main une pelle à vanner et séparera le grain de la paille. Il amassera son grain dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint jamais ».
Tu sais, moi je ne suis pas parfait ! Je fais plein d’erreurs et pire parfois, je les répète… Je ne voulais pas finir dans un feu éternel.
Mais on m’a expliqué – et ça m’a soulagé – que ça ne voulait pas dire que je serais puni. On m’a dit que ça voulait dire qu’il avait en nous du bon et du mauvais et que ce qui était bon en moi serait sauvé et pas ce qui était mauvais. On enlève le mauvais pour garder le bon. C’est plutôt rassurant… Et toi ton maître, comment il voyait les choses ?
Disciple d’Esaïe :
Esaïe ne s’occupait pas tant que cela de trier entre le bon et le mauvais. Il était pour se concentrer sur le bon : le roi qui honore le Seigneur ne jugera pas d’après les apparences du moment, mais selon la justice et la sagesse que l’esprit du Seigneur aura mis en lui. Esaïe demande une attitude de pur idéaliste au fond. Le lien au Seigneur ouvrira la justice sociale, la paix entre les personnes et avec l’environnement et la prospérité pour tout le monde.
Disciple de Jean-Baptiste :
Tu dis que ton maître il parle de Justice ? Eh bien, le mien aussi. Jean-Baptiste dit sans le dire que si Jésus vient se faire baptiser par lui, c’est notamment parce qu’il veut vivre la même chose que les pécheurs, qu’il veut se solidariser avec eux. C’est sa manière d’accomplir la Justice.
Disciple d’Esaïe :
Esaïe cherche en Dieu son engagement vrai et généreux. C’est à cela qu’ouvre l’enracinement dans l’esprit de vie, de sagesse et de justice. Aujourd’hui, 2e dimanche de l’Avent, nous sommes invités à chercher l’avènement de la justice et de l’équilibre dans la paix, le partage et l’enracinement dans la vie que vient offrir Jésus. Il est lui-même ce rameau fragile sur une vieille souche pourrie. Il ouvre l’attention à l’autre, au monde et à la justice sociale, climatique et économique. Quand je me prévaux de lui et que je sépare, que je coupe, que je maltraite et que je condamne injustement, je reste du côté du tronc pourri. Jésus, c’est la vie à recevoir, à partager et à aimer. Cette vie grandira comme le frais rameau.
Disciple de Jean-Baptiste :
Tu sais, en approchant de Noël, j’aime bien lire et relire ce passage… Pour moi, ça veut dire plein de choses : d’abord, ça veut dire que pour changer mon cœur et plus l’orienter vers Dieu, c’est comme un chemin à faire. Ça ne peut pas se faire du jour au lendemain. Ensuite, ça veut dire que pour faire ce chemin, il faut que je fasse la paix à l’intérieur de moi-même, qu’il faut faire taire les divisions qui sont dans mon cœur. Mais ça me pose aussi des questions : on l’a vu, le contexte dans lequel vivaient Jean-Baptiste et Esaïe était troublé, avec beaucoup de divisions. Mais aujourd’hui aussi. On divise tout et on regarde d’abord les différences plutôt que les choses qui nous unissent.
Tiens ! Il y a les hommes ou les femmes, les riches ou les pauvres, les spécistes ou les antispécistes, les patrons ou les ouvriers, les hétérosexuels ou les homosexuels, les Suisses ou les étrangers, les catholiques ou les protestants…. Pfff… Et au milieu de ça on oublie que l’on est tous des humains, que l’on est tous des enfants d’un même père…
Disciple d’Esaïe :
Accueillir Jésus aujourd’hui, c’est rester ouvert à l’esprit du Seigneur. Comme Esaïe le soulignait, c’est un Esprit de vie, de fraîcheur et d’ouverture. Il apporte sagesse et discernement, esprit d’initiative et courage, il ouvre à la justice et au soin des pauvres. Fini l’Église sclérosée et jugeante, qui demande que l’on s’adapte ou qu’on quitte. Si les chrétiens constituent le corps du Christ, ils seront un rassemblement qui pourra être un signal dressé pour les peuples du monde à la manière dont parlait Esaïe. Ce sera un signal de franc parler et d’actions de justice. Un lieu où la vie se trouve aimée, intégrée et accueillie et non pas jugée, maltraitée ou menacée.
Disciple de Jean-Baptiste :
Ouvrons nos sens au Royaume de Dieu qui s’est approché. C’est la vie de Dieu qui vient à notre rencontre. Cheminons vers cette présence.