Prédication du 6 octobre 2019 : « La foi : un acte de confiance au service de Dieu »

Par Eric Bianchi, diacre stagiaire

Culte dominical du temps ordinaire – Temple de Travers – Fête des récoltes

Textes bibliques :

  • Ha 1, 2-3 ; 2, 2-4 
  • Lc 17, 5-10 

La foi : un acte de confiance au service de Dieu

« Jusqu’à quand, Seigneur, vais-je t’appeler au secours sans que tu m’écoutes, et vais-je crier à la violence sans que tu nous en délivres ? Pourquoi me fais-tu voir tant d’injustice ? Comment peux-tu accepter d’être spectateur du malheur ? Autour de moi je ne vois qu’oppression et violence, partout éclatent des procès et des querelles. 

Jusqu’à quand, Seigneur, vais-je t’appeler au secours sans que tu m’écoutes, et vais-je crier à la violence sans que tu nous en délivres ?»

Ces paroles ont été écrites il y a environ 2600 ans et pourtant… Pourtant, je suis persuadé qu’elles résonnent dans chacune et chacun de nous avec l’étrange possibilité qu’elles auraient pu être écrites aujourd’hui…

Ce que nous entendons, c’est le cri d’un homme, la plainte d’un peuple oppressé en son temps par l’ennemi qui était Babylone. Mais c’est avant tout un cri d’incompréhension, un cri qui réclame une réponse.

Les prophètes comme Habacuc étaient avant tout des médiateurs. S’ils transmettaient la Parole de Dieu aux hommes, ils transmettaient aussi celle des hommes à l’attention de Dieu. Et que dit-il Dieu ? Que répond-il à cet homme qui l’interpelle avec tant d’ardeur ? Va-t-il le rabrouer, le remettre sèchement en place, lui qui l’accuse de ne pas l’écouter, qui l’accuse de rester spectateur de la souffrance de Son peuple ? Il aurait pu le faire… Il est le Dieu après tout…

Mais sa réaction a été toute autre. Il n’a pas été insensible à l’interpellation du prophète, mais nous y reviendrons dans un court instant.

Tout d’abord, j’aimeras vous partager ce que j’ai ressenti à la lecture de ce texte ; je me suis dit : voilà, ça y est ! Je vais enfin savoir pourquoi certains de mes cris semblent rester sans réponse, comme perdus dans le vent. Je vais savoir pourquoi Dieu n’intervient pas pour mettre un terme final aux souffrances, à la violence qui gangrène notre monde, à l’absurde qui touche nos familles, nos amis…

Mais en réalité, Dieu ne donne pas de réponse à ces questions qui sont pleinement humaines. Il en donne une toute autre, inattendue et pleine d’espoir : Il dit, presque comme s’Il murmurait à l’oreille d’Habacuc : « Attends avec confiance, même si cela paraît long » ; « Attends avec confiance, même si cela paraît long »…

Vous savez, lorsque chacun de mes deux enfants cherchent auprès de moi, leur père, une réponse à certaines de leurs angoisses, je vais les conseiller, puis, comme je sais en tant qu’adulte que certaines choses requièrent de la patience, je leur dis : Sois patient et aie confiance en moi ! Aie confiance en ce que je te dis. Parce ce que je suis ton père et que je t’aime. Je te demande juste de me faire confiance… Dieu dit aussi : « l’homme aux intentions mauvaises dépérit, mais le juste vit par sa fidélité. ». Oui, celui qui met sa confiance absolue et la garde en Dieu vit et vivra.

Cette confiance dans le texte de Luc, elle porte un nom : « la foi ». Lorsque les apôtres demandent à Jésus : « augmente notre foi », ils ne comprennent alors pas que ce n’est pas la quantité de la foi qui importe, mais c’est simplement le fait d’en avoir, ne serait-ce qu’un tout petit peu.

Pour bien comprendre ce qui motive la demande des apôtres, il est important de vous dire que dans les versets qui précèdent, le Christ leur expliquait qu’il valait mieux ne pas entraîner les hommes à pécher, sinon leur a-t-il dit, à propos de celui qui le fait : « il vaudrait mieux pour lui qu’on lui attache au cou une grosse pierre et qu’on le jette dans la mer. ». C’est une perspective qui me donne, je vous l’avoue, quelques frissons…

Juste après, Jésus leur parle de l’importance du pardon à donner à leur frère qui se rend coupable envers eux. Il leur dit : « S’il se rend coupable à ton égard sept fois en un jour et que chaque fois il revienne te dire : « Je le regrette », tu lui pardonneras. »

Je ne sais pas pour vous, mais si une même personne me fait du mal 7 fois en un jour, il va m’en falloir de la force pour pardonner à chaque fois. La journée risque d’être bien longue…

Alors, entre la personne que l’on jette dans la mer avec une pierre au cou et les multiples pardons à accorder en un jour, on comprend mieux pourquoi les apôtres, c’est-à-dire : « les envoyés », demandaient qu’on l’augmente leur foi…

C’est normal… c’est tellement humain…

Mais Jésus fait alors la comparaison de la foi et de la graine de moutarde, et ce n’est pas anodin. Je ne sais pas si vous avez déjà vu une graine de moutarde ?

Il vaut mieux avoir de bons yeux ou même une loupe, car elle fait environ 1 mm de diamètre. En réalité, c’était la plus petite semence que l’on pouvait trouver à l’époque.

Jésus dit : « Si vous aviez de la foi gros comme une graine de moutarde, vous pourriez dire à cet arbre, ce mûrier : « Déracine-toi et va te planter dans la mer », et il vous obéirait. ».

Cela suppose en tout cas une chose : c’est qu’une foi grande comme un grain de moutarde pourrait commander quelque chose qui paraît impossible à faire. En effet, le mûrier est un arbre pouvant atteindre 30 mètres de hauteur et avait pour réputation d’être indéracinable…

Mais qu’est-ce que cette comparaison veut dire ? Elle dit qu’à l’homme certaines choses sont impossibles, mais pas à Dieu. Elle dit que ce qui est important, ce n’est pas la taille de la foi, mais c’est de l’avoir. Elle dit que cette confiance absolue qu’est la foi devient agissante par la puissance de Dieu et qu’alors, plus rien n’est impossible. Et surtout elle dit : ne vous découragez pas devant ce qui paraît impossible ! Tout ne dépend pas que de vous ! Certaines choses en effet nous dépassent… et pas qu’un peu, vous en conviendrez…

Maintenant, en rejoignant le prophète Habacuc et en fondant les deux textes du jour on entend ce murmure : « aie confiance », « aie confiance ». C’est un appel à la foi, un appel qui encourage, un appel qui nous pousse en avant.

Comme je le dis à chacun de mes enfants : aie confiance en moi. Je suis ton père et ce que tu ne peux pas faire parce que tu n’es qu’un enfant, moi ton père je le peux. À la différence notable que bien heureusement je ne suis pas Dieu et que Lui, ne connaît aucune limite à ce qui est possible de faire…

Tout de suite après dans le texte de Luc, Jésus fait le lien entre la foi et le service, en utilisant l’image dérangeante du serviteur. Dérangeante parce que, pour ma part, je suis choqué lorsque j’imagine la condition de cette pauvre personne… Et pourtant… Pourtant, c’était une réalité dans la société dans laquelle vivait Jésus.

Le texte serait peut-être différent dans sa forme aujourd’hui, mais pas pour ce qui est du fond. Car ce qu’indique le Christ, c’est que notre foi est au service de l’œuvre de Dieu. Nous ne portons pas sur nous le fardeau de sa tâche, mais nous y contribuons.

Le mot « simple » dans la phrase : « nous sommes de simples serviteurs ; nous n’avons fait que notre devoir. », signifie littéralement « inutile », « sans valeur », voire « quelconque ». Mais nous le savons, nous sommes associés au plan de Dieu et nous sommes bien loin d’être « inutiles » ou « sans valeur » à ses yeux. Nous sommes uniques et aimés de Lui.

Non, ce qu’il faut entendre ici c’est que notre rôle et notre condition diffèrent de celle de Dieu et que nous devons garder une saine humilité dans le service de la foi.

En ce jour de fête des récoltes, il me semble utile de faire un parallèle : l’agriculteur et le jardinier, retournent le sol ; ils s’assurent au mieux de sa fertilité, débarrassent la terre de ce qui nuirait à la pousse, puis sèment. Ils font tout ce qu’ils peuvent humainement pour que la récolte puisse se faire. Et puis, vient le moment de la confiance dans le temps qu’il fera, et c’est dire s’il en faut avec les conséquences du réchauffement climatique. Pas trop sec, ni trop pluvieux. On se méfie de la grêle qui hache et détruit. On guette et on prend soin, mais tout n’est plus dans leurs mains. La compétence humaine se heurte à ses limites. Le temps passe et enfin vient le temps des récoltes. Le résultat du travail de l’homme qui a placé sa confiance auprès d’un élément qu’il ne peut maîtriser.

Alors, je regarde cette image en la renversant. Voyez-vous, le jardinier, l’agriculteur, c’est Dieu ; Dieu qui nous donne tout ce qu’il y a de mieux : une création aux mille merveilles. Il l’a ainsi préparée pour que nous y soyons bien.

Il a voulu que l’on puisse y grandir, s’épanouir pour qu’au temps des récoltes, il y cueille le fruit de son travail d’amour. Mais Il a décidé que tout ne devait pas être dans ses mains : le Tout-puissant nous a donné la liberté de nos actes, la liberté de choisir, la liberté de croire ou pas en lui. Il nous a donné son seul et unique fils… C’est l’amour et la confiance sous leur forme la plus belle. Oui, on peut vraiment dire que Dieu a donné sa confiance à l’humain, qu’il a eu et qu’il a une certaine foi en lui.

Aujourd’hui, ces textes nous invitent toujours à garder une confiance absolue en Dieu, même si nous ne comprenons pas tout, face à ce qui se passe dans nos vies et autour de nous.

Les cris d’Habacuc eux, résonnent dans notre temps. Nous avons toutes et tous des exemples de ce que représentent dans notre société, la violence physique, mais aussi psychique comme le harcèlement de rue, les reproches, les injures, le mobing. Nous savons ce qu’est l’oppression d’une société élitiste dans laquelle la performance gagne au détriment des sentiments et de l’humain. Nous connaissons l’injustice entre les classes, les inégalités intolérables entre les hommes et les femmes. L’inégalité de chance en Europe, en Suisse, selon que vous soyez étranger ou pas. Nous connaissons aussi la souffrance de la solitude, de l’abandon, du désintérêt de son prochain…

Et au milieu de tout ça, nous entendons ce même cri : pourquoi Seigneur ?! Pourquoi ?! Pourquoi ?!

Au risque bien mince de vous décevoir, je ne pourrai pas vous dire pourquoi votre proche souffre d’une maladie grave, pourquoi certaines personnes traversent plus de souffrances que d’autres au cours de leur vie, pourquoi parfois, certaines prières trouvent leurs réponses rapidement, d’autres plus tard ou ne semblent pas en trouver ; soyez certains aussi, cette réponse, nous l’avons toutes et tous attendue, au moins une fois, moi compris.

Après ce culte, vous rentrerez dans vos foyers, vous reprendrez votre vie quotidienne, cette vie entraînée dans les eaux rapides et parfois tumultueuses de notre société.

Vous entendrez ou lirez toujours des informations pesantes à la télévision et dans les journaux. Vous vous sentirez impuissants face à des situations qui vous dépassent. Vous vous sentirez faibles face à certaines épreuves de la vie.

Et dans ces moments-là, je veux que vous vous rappeliez, je veux que vous entendiez dans vos oreilles, dans votre cœur, dans toutes les parcelles de votre être : « attends avec confiance, attends avec confiance, attends avec confiance, même si cela paraît long ».

Car nous ne sommes jamais seuls face aux difficultés qui nous touchent. Oui, Dieu peut être silencieux, mais il n’est jamais sourd et les mots d’Habacuc et du Christ sont des paroles d’espérance, en une promesse qui agit.

Et alors vous sourirez dans votre cœur. Vous vous rappellerez que rien, je dis bien : rien, n’est impossible à Dieu, dans lequel nous plaçons notre foi. Et ne cherchez pas l’augmenter cette foi, mais cherchez à la rendre toujours plus solide, toujours plus présente en vous et auprès de celles et de ceux vers qui vous la mettez au service.

Rappelez-vous que vous êtes précieux aux yeux de Dieu. Rappelez-vous que vous êtes précieux aux yeux du Christ.

Rappelez-vous enfin que le monde ne repose pas sur vos épaules seules, mais qu’il a été et qu’il sera porté jusqu’à la fin des temps, dans le cœur de Dieu.

Amen.