Prédication des cultes du 8 novembre à Môtiers et du 9 novembre à Fleurier: quel temple pour quel Dieu?

Textes : – Ezéchiel 47, 1-2 + 8-9 + 12 – Jean 2, 13-22 – 1 Corinthiens 3, 9b-11 + 16-17

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« Bonjour, où est-ce que vous habitez ? » Cette question, nous l’entendons régulièrement dans la vie de tous les jours. Parmi notre assemblée, nous connaissons probablement le lieu d’habitation de plusieurs personnes autour de nous. Nous ne savons pas par contre qui sont les auditeurs qui nous écoutent ce matin, ni où il se trouve, mais cette question toute simple nous rassemble : « Où est-ce que vous habitez ? » Nous habitons tous quelque part, dans un lieu qui nous convient ou qui peut-être nous déplait, un lieu que nous avons choisi ou non, dans un endroit de stabilité ou peut-être de transition. Habiter quelque part, c’est une dimension de la vie humaine qui nous rassemble tous et toutes. Aménager le lieu où l’on est pour s’y sentir bien ou le mieux possible fait partie de notre vie. D’ailleurs, déménager fait partie des événements qui sont considérés comme stressants dans une vie. Derrière la question du lieu où l’on habite, se trouve une question encore plus personnelle : « comment est-ce que j’habite ma vie ? Qu’est-ce qui me fait vivre, me permet d’exister quel que soit l’endroit où je me trouve ? » Ces questions sont au cœur des 3 textes que nous avons entendus, à travers la question du Temple de Dieu qui est dans l’Ancien Testament le lieu privilégié où Dieu manifeste sa présence. Le prophète Ezéchiel a une vision du Temple nouveau. C’est pour lui l’endroit où « le Seigneur habitera éternellement au milieu des Israélites » . Dans sa vision, une petite source s’écoule de dessous la porte du Temple. Ce ruisseau deviendra un torrent où fur et à mesure que le prophète s’en éloigne accompagné de l’envoyé de Dieu qui le guide. Ce torrent se déverse dans la mer morte qui s’en trouve assainie. Pour Ezéchiel, le Temple reste la source de cette vie, mais il faut s’en éloigner pour voir la rivière grandir. Le prophète doit s’immerger dans le torrent pour en prendre la mesure. C’est en s’éloignant du Temple qu’il découvre la vie qui est née de la source. Dans nos vies aussi, nous avons besoin de repères, de lieu où nous sentons bien, mais il nous faut parfois aussi nous en éloigner pour aller vers plus de vie. Ce même mouvement se retrouve dans le récit que l’évangile de Jean nous fait de la venue de Jésus dans le Temple à Jérusalem. Le Temple agrandi sous le roi Hérode est un lieu d’attachement pour les Juifs de l’époque de Jésus. C’est là où l’on rend les sacrifices demandés par la Loi et les marchands présents sont bien utiles pour pouvoir se procurer les animaux nécessaires. Et voilà que Jésus, dans la lignée des prophètes de l’Ancien Testament se met à les chasser et appelle à retrouver la vraie signification du Temple : une « maison de prière » comme il le dit dans les autres évangiles, et pas « une maison de commerce ». Mais Jésus, dans l’évangile de Jean, va même plus loin : il parle de détruire le Temple et de le rebâtir. Ces paroles énigmatiques sont source de malentendu et ses disciples mettront du temps à les comprendre. Jésus laisse entendre qu’il est maintenant lui-même le Temple, l’endroit où se manifeste la présence de Dieu. C’est en Jésus que l’on peut contempler la gloire de Dieu et plus particulièrement dans sa mort et sa résurrection. Les auditeurs sont décontenancés et choqués : « on a mis 46 ans pour construire ce temple, et toi, tu vas le relever en 3 jours ? » Jésus les invite à se déplacer, à adopter un autre point de vue sur la vie, sur le rapport à Dieu. Ce qu’il demande n’est pas facile. A travers la parole des chefs, j’entends toutes les résistances que nous pouvons avoir à envisager le changement dans nos vies : « Mais enfin, ça fait des années que je fais ainsi et toi qui vient d’arriver, tu dis qu’il faudrait faire autrement ! » Dans nos vies, il y a de bonnes habitudes à conserver, mais il y a aussi des éléments à changer dans la manière d’habiter nos vies pour aller vers plus de vie. Cela concerne nos relations, aux autres, à nous-mêmes et à Dieu, notre manière d’envisager le monde et l’avenir, la façon d’habiter les lieux où nous vivons. Dieu vient à notre rencontre en Jésus-Christ. En me plaçant sous son regard, qu’est-ce que je suis appelé à changer pour mieux habiter ma vie ? C’est un chemin qui est à la foi personnel et communautaire que Jésus propose. Ce chemin ne se fait pas sans crise. Il y a des choses à déconstruire et à reconstruire comme Jésus meurt et ressuscite. C’est un chemin conversion intérieure pour découvrir une nouvelle forme de présence de Dieu à travers le Christ, pour me détacher de mes attachements et habitudes et comprendre que Dieu peut être présent dans la surprise, la nouveauté et même dans les crises et les déconstructions. Ainsi, le Dieu que Jésus annonce ne se limite pas à des lieux : il est présent en Jésus comme le compagnon invisible de nos existences, où que nous soyons, quels que soient les événements que nous traversons. Ainsi, Dieu veut habiter nos vies par son Esprit pour leur donner souffle, élan, sens. Paul demande aux Corinthiens : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous? » A travers cette question, il les invite à prendre au sérieux l’Evangile et à construire leurs vies en cohérence avec le don qu’ils ont reçu de Dieu. Il s’agit de se rappeler qui ils sont : le Temple de Dieu. C’est à la fois un avertissement et un encouragement : « reprenez-vous ! Devenez ce que vous êtes ! » A travers l’Eglise de Corinthe, ce message nous est adressé à nous aussi aujourd’hui : « Le Temple de Dieu est saint et ce temple, c’est vous ! » Où que nous habitions, quelles que soient nos vies, Dieu nous offre d’y habiter par sa présence. Il nous invite à l’accueillir comme un hôte de choix. Comme un invité parfois dérangeant, il nous appelle aussi à revoir la décoration, et peut-être même à abattre certains murs qui nous séparent de lui, des autres et de nous-mêmes. Laisser Dieu habiter son existence, cela nous appelle aussi à habiter différemment nos vies, à revoir certaines priorités. Cela ouvre à la liberté pour les vraies rencontres, au-delà des peurs que nous pouvons avoir des autres et de l’avenir. Dieu veut habiter ma vie et moi, comment est-ce que j’habite ma vie ? Amen.