Texte biblique : Matthieu 22, 15-22
« Il faut rendre à César ce qui est à César. »
Cette expression aurait pu figurer dans l’exposition « Qui cherche trouve » que nous accueillie ici au Temple de Môtiers en septembre.
Elle signifie « Il faut rendre à chacun le mérite qui lui est dû » ou « rendre le mérite d’une chose à son véritable auteur ». Comme ici, je peux dire que je me suis inspiré pour ce message de réflexions trouvées sur internet, en particulier un message du frère Antoine-Marie Leduc. Voilà, j’ai donc « rendu à César ce qui est à César ». Comme chrétiens probablement, nous connaissons l’entier de la parole de Jésus : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».
Cette parole célèbre a connu toutes sortes d’interprétations, comme par exemple, certains l’ont lue dans le sens d’une séparation entre le temporel et le spirituel. Ainsi, le religieux concernerait uniquement la sphère privée. Si Jésus fait effectivement une distinction, ces considérations sont anachroniques et pour certaines même assez loin de ce que l’on peut comprendre de l’intention de Jésus.
Une chose m’a frappé dans ce texte, c’est qu’il est très clair de savoir ce qui appartient à César, mais il est moins facile de saisir immédiatement ce qui est à Dieu. Qu’est-ce qui appartient à Dieu et qu’est-ce que nous sommes donc appelés à lui rendre ?
Prenons le temps de comprendre ce qui se passe :
Notons tout d’abord les intentions malhonnêtes des interlocuteurs de Jésus. Ils ne cherchent pas une réponse à une question qui les préoccupe, et encore moins la vérité. Ce qui leur importe, c’est de prendre en faute Jésus, comme nous le rapporte l’évangéliste. Dans leur esprit, en posant cette question, ils tendent un piège à celui qui les gêne, piège duquel il ne peut sortir sans dommage. Car payer l’impôt romain, c’est reconnaître la légitimité de l’autorité d’occupation, alors que, selon la foi juive, la seule loi applicable en Israël est la loi de Dieu. D’ailleurs, une partie de la population résistait passivement en ne payant pas les redevances romaines. “Est-il permis“, signifie donc « permis par la loi de Dieu ». Donc, si Jésus leur répond qu’il faut payer l’impôt à César, il se fait le collaborateur de l’occupant romain, et il est infidèle à la loi juive. S’il répond qu’il ne faut pas payer l’impôt, les pharisiens pourront le dénoncer aux autorités romaines pour rébellion.
Dans la logique des pharisiens, Jésus est pris au piège et quoiqu’il dise, ils pourront lui nuire. Il se mettra de toute manière une partie de la population à dos et selon sa réponse, il risque même sa vie.
Jésus a alors un coup de génie comme en trouve régulièrement dans les évangiles : il demande d’apporter une pièce de denier romain. Car la monnaie est le signe par excellence de l’autorité, battre monnaie est un droit du pouvoir politique légitime. La monnaie est l’instrument quotidien de la vie pratique fourni par l’État qui lui imprime sa marque pour que personne n’ignore l’origine de l’autorité. Les pharisiens acceptaient la monnaie romaine puisqu’ils en ont sur eux pour la montrer à Jésus. Ils entrent dans le jeu économique dirigé par l’occupant, ils en acceptent donc la souveraineté. Il est donc logique qu’ils acceptent toutes les règles du jeu économique, notamment l’impôt. Une fois de plus, Jésus a renvoyé ces interlocuteurs à eux-mêmes, et voyant leur propre incohérence ils restent muets.
Jésus pourrait s’arrêter là, mais il poursuit : « et rendez à Dieu ce qui à Dieu »
Cette question interpelle ses auditeurs et elle nous interpelle aussi aujourd’hui : « qu’est-ce qui est à Dieu et que je dois lui rendre ? ».
Une hypothèse m’a plu :
S’il faut rendre à César ce qui porte l’image de César, que doit-on rendre à Dieu ? Qu’est-ce qui porte l’image de Dieu ? Souvenons-nous du livre de la Genèse. « Dieu dit : “Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, (…) et Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa. » En nous rappelant ce texte, la parole de Jésus prend une nouvelle couleur. Les pharisiens se posent des questions sur l’argent, mais la question la plus importante ne concerne-t-elle pas d’abord l’être humain ?
Pour vivre, nous acceptons les règles du jeu de l’économie, mais ce n’est pas le tout de notre vie. Nous savons nous adapter aux réalités matérielles et politiques, car il faut bien vivre en société. Mais nous sommes peut-être moins appliqués à reconnaître et à honorer les exigences de notre vie spirituelle. Il nous est plus facile d’oublier ce qui est plus ténu, plus caché, et qui ne s’impose pas comme s’impose l’autorité politique, à savoir la présence de Dieu. Nous oublions facilement cette présence discrète de Dieu en chacun de nous. Nous sommes faits à l’image et à la ressemblance de Dieu, nous sommes appelés à vivre en communion avec lui.
C’est donc toute notre vie qui est appelé à devenir une offrande pour Dieu, par la prière et les services que nous pouvons rendre en Église et dans le monde. Quand nous prenons le temps de la prière, quand nous nous engageons pour les autres, nous rendons simplement à Dieu ce qui lui appartient.
Saint Augustin disait : « je suis à toi Seigneur, et mon cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi ».
J’aimerais encore partager avec vous 2 réflexions que m’inspire cette parole « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».
Pour faire le lien avec la conférence que nous avons entendue sur l’Eglise universelle, je crois aussi que rendre à Dieu ce qui est à Dieu, c’est de reconnaître que nous ne nous appartenons pas nous-mêmes, comme les autres ne nous appartiennent pas. Ainsi, ce n’est pas à nous de fixer les frontières de l’Eglise. Il nous est donné d’y appartenir et de recevoir des frères et sœurs de toutes les nations.
Cette semaine, j’ai aussi lu un article de Suzette Sandoz sur Protestinfo qui s’intitule « Dieu seul est juste ». L’auteur mettait en garde contre la notion de guerre juste au sens religieux, ce qu’on appelle une guerre sainte. J’aimerais vous lire un extrait :
« Le massacre des chrétiens et d’autres minorités religieuses provoque à juste titre l’inquiétude de la communauté chrétienne. Mais que l’on se garde de favoriser la dégénérescence du conflit en une guerre de religion. Les Eglises ou leurs autorités, comme telles, ne peuvent pas appeler l’aide militaire — même pas sous le nom d’opération de police — des nations occidentales, de culture chrétienne. Elles ne peuvent manifester leur solidarité avec tous les chrétiens violentés qu’en faisant sonner (le glas) à toutes les cloches dans le plus grand nombre de régions et pays possible, en appelant à la prière silencieuse pour tous les peuples qui souffrent, notamment les chrétiens, et pour «ceux qui les persécutent», car Dieu seul peut donner la paix à ceux qui souffrent et faire tomber les écailles des yeux de ceux qui les persécutent.
Les frappes militaires sont d’une autre nature, elles ne peuvent avoir un caractère religieux. Elles peuvent être légitimes, justifiées, utiles. Elles ne peuvent être justes au nom de la religion. C’est notamment peut-être le rôle des chrétiens que d’éviter la confusion. »
Que cette parole du Christ nous accompagne et nous inspire dans notre vie :
« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».
Amen.
Références :