Prédication[1] – Actes 9, 1-20
de Guillaume Klauser
Cultes des 17 et 18 août – Môtiers et La Côte-aux-Fées
Lectures : Esaïe 29, 17-24 / Actes 9, 1-20
Chers frères et sœurs,
Voilà Saül, qui, plus tard, deviendra Paul, qui est plein de zèle dans la foi. Il est plein de zèle, parce que c’est au nom de sa foi qu’il est prêt à aller faire ce qu’il a toujours fait, casser du chrétien, anéantir ce qui s’oppose à sa vision des choses.
Et c’est un grand moment de la vie de Paul qui nous est raconté ici. L’irruption de Jésus dans la vie de celui qui se nomme encore « Saül ». Un grand moment dont il reste des traces dans l’imaginaire collectif. Peut-être que vous vous représentez, vous aussi, la scène avec Paul qui tombe de son cheval, Paul à terre, ébloui. Sauf que dans le récit, aucun cheval n’est mentionné, cela pour la petite histoire.
La mise en scène pour raconter cet événement décisif, reprend beaucoup d’éléments symboliques. Les choses ne se sont peut-être pas passées exactement comme cela, en témoignent d’autres récits de ce même moment, un peu plus loin dans le livre des Actes et lorsque Paul lui-même raconte cet épisode aux destinataires de ses lettres. En fait, « lorsque Paul parle de son passé dans ses épîtres, il ne cite jamais le chemin de Damas comme un passage obligé, mais fait plutôt allusion à une conversion au Christ qui paraît plus lente et réfléchie. L’essentiel n’est donc pas à chercher dans l’exactitude historique de cette rencontre avec le Christ »[2].
Car c’est bien d’une rencontre, d’une véritable rencontre qu’il s’agit. Luc, l’auteur du livre des Actes, la décrit comme soudaine et directe. Vient alors une question : si la rencontre avec Jésus doit être si éclatante et que, dans ma vie, je n’ai jamais rien vécu de tel, ai-je moi aussi rencontré le Christ ? Si je n’ai pas vu une lumière et que je ne suis pas tombé à la renverse, ai-je bien, moi aussi, le droit de rencontrer le Christ ?
En réalité, cet événement est unique, et d’ailleurs, « tous les croyants qui ont fait l’Église, ceux qui sont devenu chrétiens par la prédication de Paul n’ont pas connu cet éblouissement unique, ce qui ne les a pas empêchés d’être fidèles jusque dans les épreuves »[3]. Ananias, cet autre personnage de notre texte, nous offre un témoignage éclairant là-dessus. Lui aussi rencontre le Christ, au même moment que Paul, mais d’une manière toute différente. D’un côté, Saül opère un changement dans sa foi, et passera du persécuteur au persécuté. De l’autre, Ananias était certain de sa foi en Christ et n’aurait jamais voulu rencontrer Saül. Les deux personnages vont vivre une rencontre différente avec le Christ, et, à la suite de cela, vont changer de regard, à tel point que leur vie en sera bouleversée. Oui, devant Jésus vivant, les grandes résolutions tombent à terre comme Paul de son piédestal.
Mais quelle est donc cette expérience de Saul qui le transforme en Paul ? Luc utilise ici des « effets spéciaux », empruntés aux récits d’apparitions divines de l’Ancien Testament : Lumière aveuglante, voix du ciel…
D’ailleurs l’essentiel de notre récit ne se passe pas dans ce qui se voit, puisque Paul dit justement n’avoir rien vu. C’est en fait non ce qui se voit, mais ce qui se dit, qui est important. « Je suis Jésus, celui que tu persécutes ». Une phrase choc, prononcée en hébreu. Or, en hébreu, cette simple phrase peut avoir un double sens et aussi signifier « Je suis le salut après lequel tu cours ».
« Je suis le salut après lequel tu cours ». En d’autres termes, « Je suis le chemin, la vérité et la vie » ! Alors ce texte nous pose exactement les mêmes questions qui ont été posées à Saül à ce moment-là. Paul, qui était obsédé par la recherche de ce salut jusqu’à observer scrupuleusement l’intégralité de la Loi en persécutant les chrétiens, va devoir se remettre fondamentalement en question.
La question de Jésus à Paul, et donc à nous aussi, est la question fondamentale : « Pourquoi ? ». Pourquoi fais-tu cela ? La question n’est pas neutre, elle mérite que nous nous la posions ! Pourquoi faisons-nous cela ? Quelles sont les certitudes que nous refusons de questionner ? Individuellement et en Eglise… Pourquoi agissons-nous ainsi ? Par habitude ? Par réflexe ? C’est bien la question fondamentale de la foi : pourquoi fais-tu cela ?
Et Paul répond par une autre question qui est la question de Dieu : « Qui es-tu Seigneur ? ». Comme s’il ne le savait pas ? C’est pourtant au nom de Dieu que Paul combat, avec une foi, un zèle, un aplomb certain, sûr de sa foi en Dieu. Et pourtant il pose la question à Dieu : « Qui es-tu ? ». Il s’était fait une image de Dieu, mais voilà que cette image s’écroule !
Quel est le but de ma vie ? En quoi est-ce que je crois ? Il faut d’une certaine manière prendre quelquefois du recul, réfléchir, se questionner, se remettre en question pour savoir en quoi nous croyons et qui est notre Dieu.
La conversion de Paul a été de découvrir que Christ est la meilleure réponse à ses questions. Cette réponse, qui sonne comme une véritable renaissance, l’a véritablement converti : « Je suis. Je suis Jésus. Je suis le salut, le sens profond que tu recherches ». La conversion n’est pas qu’un changement d’état brusque, qu’une affaire d’émotions, c’est aussi un questionnement, une dynamique, qui ne laisse pas en place.
Pour matérialiser ce questionnement intérieur, Paul est rendu aveugle. Il est dans la confusion et dans l’obscurité. Et pourtant c’est vraiment à partir de ce moment qu’il voit le Christ avec les yeux de la foi. Nous savons, par la fin de notre passage, que Paul va être chargé d’annoncer l’Évangile aux nations. En attendant, il est dans le temps de Dieu. Ce sont ces fameux trois jours de jeûne et de prières. Les trois jours de Pâques, les trois jours de Jonas dans le ventre du gros poisson, ce temps symbolique pour renaître à une autre vie et à d’autres idées.
Cette autre vie, c’est celle dont la Bible n’a de cesse de nous parler. Comme dans notre première lecture, lorsque le prophète Esaïe annonce un changement radical : « D’ici très peu de temps, la forêt du Liban deviendra un verger, et le verger une forêt ».
Mais ce changement radical dans la vie de Paul ne se fait pas sans que Paul soit aidé par un autre. Cet accès à une nouvelle vie ne pourra se faire sans l’irruption d’Ananias, la tierce personne qui aidera Paul à sortir de son univers, et à s’ouvrir à une nouvelle communauté des croyants. Il est celui sans lequel Paul serait resté enfermé dans sa bulle avec Jésus. Toujours disponible, bonne réputation, attentif aux autres, prêt à accomplir des choses qu’il n’aime pas faire. Hésitant au départ mais prêt aussi à se laisser changer, il ose appeler son ennemi « frère », jusqu’à s’effacer pour laisser la place à la star montante. Il est celui ou celle qui intervient dans les moments charnières de nos vies pour nous redonner courage et nous remettre sur la voie.
Chers amis, ce texte, avec ses effets spectaculaires, nous invite nous aussi à comprendre que la foi n’est pas forcément toujours là où on a cru qu’elle était. La foi, c’est un processus qui demande à être toujours mis devant Dieu, pour qu’il nous questionne. « Pourquoi fais-tu cela ? Je suis ce que tu recherches, je suis celui après lequel tu cours ». Nous avons aussi, comme Paul, parfois besoin de ce recul, de ces trois jours qui nous font passer d’une vie à une mort, puis à une résurrection, une vie autre, nouvelle. Et nous avons aussi besoin des autres pour cela, comme Paul a eu besoin d’Ananias. Car c’est en nous laissant accompagner comme Paul sur le chemin que nous découvrons à notre tour ce que Dieu attend de nous dans cette nouvelle vie. Amen !
Une parole pour continuer la route
Voici avec quelle assurance l’auteur du Psaume 145 témoigne de la grâce de Dieu : « Le Seigneur tient fidèlement ses promesses, il est plein d’amour dans tout ce qu’il fait. Le Seigneur soutient toutes les personnes qui sont tombées, il remet debout tous ceux qui fléchissent ». (Ps 145, 14)
Oui, notre Dieu remet debout ceux qui fléchissent et nous en sommes… Alors malgré toutes les contradictions de notre vie, nous pouvons aller, vivre, célébrer, chanter avec tout ce qui fait de nous des êtres humains. Par cette parole, Dieu veut la vie pour toi, la vie en plénitude.
Va en paix sur ton chemin de vie, toujours interpellé·e par ce Dieu qui se révèle à nous de différentes manières ! Et que le Dieu de l’espérance te remplisse de joie et de paix dans la foi pour que tu débordes d’espérance par la puissance du Saint-Esprit. Il te bénit, celui qui est Père, Fils et Saint-Esprit. Amen !
[1] Sources :
- Aides à la prédication et prédications des pasteur.e.s F. Gangloff, J. Hadey, R. Schildknecht et B. Schaeffer, disponibles sur https://acteurs.uepal.fr/. Prédication largement inspirée de la prédication donnée par le pasteur F. Gangloff, le 22.08.2010.
- Supplément aux Cahiers Evangile 154 (Conversion de Saul, vocation de Paul, Paris, 2010)
- F. Bovon, L’œuvre de Luc. Etudes d’exégèse et de théologie, Paris, Cerfs, 1987.
[2] F. Gangloff
[3] J. Hadey