Culte du dimanche 14 avril 2024 à Buttes – Pâques 3
Lectures bibliques :
- 1 Pierre 2, 20b-25
- Jean 10, 1-10
Prédication
Chers frères et sœurs,
L’Evangile que nous venons d’écouter peut paraître indélicat pour notre sensibilité d’aujourd’hui. Jésus se désigne comme berger et il nous appelle ses brebis. Nous savons que la brebis est la femelle du mouton. Et si on regarde dans le dictionnaire, on voit qu’au sens figuré, un mouton est une personne soumise et crédule qui suit un peu bêtement, sans trop réfléchir. Il y a de quoi être réticent au fait d’être appelé brebis, même si c’est par Jésus lui-même.
La deuxième image que Jésus s’attribue n’est pas plus enviable. « Je suis la porte », dit-il jusqu’à deux fois dans le texte. Il y a là une insistance. Dans le même texte, il est à la fois le berger et la porte, et nous sommes les brebis.
La réticence à être appelés brebis est vite écartée si nous tenons compte de deux choses : premièrement, l’image du berger et de la brebis pour parler des rapports avec Dieu est déjà présente dans la tradition juive. On lit, par exemple, dans le livre des psaumes : « Sachez que l’Eternel est Dieu ! (…) nous sommes son peuple, le troupeau dont il est le berger » (100, 3). On lit encore dans le livre d’Isaïe : « C’est moi qui ferai paître mon troupeau, et c’est moi qui le ferai reposer, – oracle du Seigneur Dieu » (34, 15). Jésus n’invente donc rien. Il s’adresse à des Juifs et reprend une image qui leur est familière.
La deuxième chose dont il faut tenir compte est que les textes bibliques sont à lire avec bienveillance. Les images employées ne sont pas à interpréter dans un sens dévalorisant. Au contraire, chacune d’elles nous dit quelque chose de la bienveillance de Dieu à notre égard.
Le berger a pour rôle de conduire son troupeau vers un pâturage adapté. Il oriente les brebis vers leur nourriture. Nous le savons, le but de la nourriture est la subsistance, la croissance, l’épanouissement de la vie. Jésus le dit à la fin du texte : « Je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance ».
La nourriture vers laquelle Jésus nous oriente comme berger n’est pas d’abord une nourriture matérielle. Celle-là, nous savons nous débrouiller pour la trouver. La nourriture dont il s’agit est avant tout spirituelle. C’est ce que dit l’apôtre Pierre dans la première lecture : « vous êtes retournés vers votre berger, le gardien de vos âmes ». En tant que berger, Jésus est le gardien de nos âmes. Il est le gardien de notre esprit. Il nous conduit vers un pâturage spirituel. Il veut notre subsistance spirituelle. Il veut notre croissance spirituelle. Il veut que nous ayons une vie spirituelle riche et abondante.
La nourriture spirituelle vers laquelle Jésus nous oriente est d’abord sa Parole. « L’homme ne vit pas seulement de pain, dit-il, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4, 4). Toute lecture biblique, toute méditation, tout partage de la parole est un pâturage spirituel. La Parole de Dieu est une nourriture qui nourrit et fortifie notre foi.
Jésus le dit lui-même : « Celui qui entend les paroles que je dis et les met en pratique est comparable à un homme prévoyant qui a construit sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, les vents ont soufflé et se sont abattus sur cette maison ; la maison ne s’est pas écroulée, car elle était fondée sur le roc » (Mt 7, 24-25). Alors, comme le dit encore Jésus lui-même : « Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent !» (Lc 11, 28).
Le pâturage spirituel vers lequel Jésus nous oriente est aussi la table de la communion. « Je suis le pain de vie, dit Jésus, le pain vivant descendu du ciel… Celui qui me mange vivra par moi » (Jn 6, 48.51.57). Lorsque nous communions, avec foi, au corps et au sang du Christ, il nous transforme progressivement de l’intérieur. En mangeant à la table de communion, nous l’assimilons pour qu’à son tour, il nous assimile à Dieu.
La prière est aussi un pâturage spirituel vers lequel Jésus nous conduit. « Restez éveillés et priez en tout temps », nous dit-il (Lc 21, 36). L’apôtre Paul nous lance le même appel : « Priez sans relâche », nous dit-il (1 Th 5, 17). « Persévérez dans la prière », dit-il encore (Col 4, 2 ; Rm 12, 12).
La prière nous connecte à Dieu où nous voulons et quand nous le voulons. Elle n’est pas la récitation d’un texte. Elle n’est pas un ensemble de formules toutes faites. Elle est avant tout une attitude du cœur, un mouvement d’ouverture de notre esprit à la présence de Dieu. Elle est un canal à travers lequel Dieu se communique à nous. Thérèse d’Avila disait que la prière est « un goutte-à-goutte dans lequel Dieu nous communique sa vie ».
Voilà quelques pâturages importants vers lesquels Jésus, le bon berger, nous conduit. Et jamais nous n’avons accès à une quelconque nourriture spirituelle sans son secours et son soutien. Il reste à nos côtés. Il nous accompagne.
Quand nous nous nourrissons des Ecritures, il nous éclaire pour que le texte biblique que nous lisons devienne, pour nous, Parole de Dieu.
Quand nous nous nourrissons à la table de communion, c’est grâce à lui que le pain et le vin deviennent, pour nous, son corps et son sang.
Quand nous nous nourrissons par la prière, c’est encore grâce à lui que nos balbutiements deviennent des prières agréables à Dieu. C’est par sa médiation que Dieu accueille nos prières.
C’est donc par le Christ que nous avons accès à la nourriture spirituelle en abondance. C’est pourquoi il nous dit qu’il est la porte. Une porte donne accès à l’intérieur pour qu’on puisse s’abriter et être en sécurité. Jésus est la porte parce que le berger assure aussi la sécurité de son troupeau. Il tient un bâton pour éloigner les loups : « Ton bâton me guide et me rassure », dit le psaume (23, 4). Jésus est la porte parce qu’il nous protège.
La porte donne aussi accès à l’extérieur, vers les pâturages. Jésus est la porte par laquelle nous accédons aux pâturages spirituels : « Si quelqu’un entre en passant par moi, dit-il, il sera sauvé ; il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage ». Amen.
Cyprien Mbassi