Reconnaître une mission commune, prédication du 28 juillet 2018

Culte présidé à Môtiers par René Perret

5ème culte de la série d’été consacrée aux engagements œcuméniques prononcés en août 2017 à Chézard-St-Martin.

5ème engagement: « Nous, chrétiens du canton de Neuchâtel, nous nous engageons à ne pas nous habituer aux conséquences de nos divisions séculaires. Nous voulons favoriser entre nos Eglises la mise en commun de leurs missions et le partage de leurs dons spécifiques. Nous nous engageons à soutenir les responsables de nos Eglises et communautés dans une attitude de dialogue. Nous voulons chercher à toujours tenir compte des autres en vue d’offrir dans ce canton un témoignage crédible. »

Textes du culte en pdf 

Lecture biblique: Romains 10,5-13 11,11-24, extraits

Je vous dis qu’ il n’y a pas de différence entre les Juifs et ceux qui ne sont pas juifs. Tous ont le même Seigneur, il donne ses bienfaits à tous ceux qui font appel à lui. Prenons une image : Si les racines d’un arbre sont à Dieu, les branches sont à lui aussi. Le peuple d’Israël est comme un arbre bien cultivé, auquel on a coupé quelques branches. Toi, peuple chrétien, tu es comme la branche d’un arbre sauvage, et on t’a greffé parmi les branches qui restaient sur l’arbre cultivé. Maintenant, tu peux profiter avec ces branches de la bonne sève de ses racines. Mais ne va pas te vanter devant ces branches qui sont d’origine ! Car ce n’est pas toi qui portes les racines, ce sont les racines qui te portent ! Toi, peuple chrétien, tu es porté et nourri par des racines juives.

NB : les paroles en italique sont ajoutées ou modifiées par moi, pour permettre une lecture fluide.

Prédication

Parlons d’abord d’arbre puisque c’est l’image qui nous est proposée dans notre lecture biblique. Un arbre sur lequel on greffe une branche, voilà quelque chose de connu : la pousse nouvelle, si « elle prend », va donner du fruit grâce à la vie de l’arbre sur lequel elle a été greffée. Evidence de la nature, et aussi générosité de la vie qui se transmet ici !

Or voici que nous tous, ici, sommes nommés « des branches greffées » ! Nous ici, non pas les Bucher, Perrenoud, Pizzotti, …; non pas nos familles de sang, mais nos familles confessionnelles : nous les protestants, les catholiques, les évangéliques, etc. Et même jusqu’aux familles de non-croyants, ou croyants autrement. On va ici parler jusqu’aux branches que constitue l’arbre de toute l’humanité. Car son jardinier est Dieu le Créateur, et c’est lui qui nous parle ici de la vie qu’il a voulu pour tous les vivants, dont nous les humains. Et chacun de nous est concerné, que nous nous sentions « vieilles branches » ou jeunes pousses, ou entre les deux – rameaux vigoureux et prometteurs de fruits et de vie.

Comme avec un appareil de photo, faisons un « zoom arrière » sur notre histoire de branches. Il y a 20 siècles de cela, les premiers chrétiens étaient juifs de naissance, comme Jésus ; puis s’ajoutèrent des païens grecs, romains, etc. Ces nouveaux chrétiens furent comme une branche greffée sur l’arbre de la foi juive, qui portait Jésus et ses disciples. Dans notre texte biblique, l’apôtre Paul utilise cette image pour nous mettre en garde, nouvelle Eglise chrétienne en plein essor : « N’oublie jamais que tu as été greffée sur l’arbre, sur la foi juive. Tes frères et sœurs ainés sont les enfants d’Abraham. Garde-leur ta reconnaissance pour ton entrée dans leur descendance, grâce à Jésus.

Hélas, l’Eglise chrétienne a trop souvent oublié cette mise en garde de l’apôtre. À de nombreuses reprises, les chrétiens ont méprisé les Juifs, les accusant – entre autre et faussement – d’avoir crucifié Jésus. Les chrétiens ont cherché avec constance à maltraiter cette minorité de Juifs, par des pogroms, des lois d’exclusion, par des persécutions de toutes sortes. Et si Adolf Hitler a pu perpétrer la Shoah, c’est en partie en s’appuyant sur le mépris et la haine séculaire des chrétiens de tout l’Occident. Nous voilà rendus bien humbles face à nos frères ainés les Juifs. Ce qui, à mes yeux et en passant, ne justifie aucunement la politique de l’Etat d’Israël, depuis sa création et jusqu’à aujourd’hui à l’égard des autres habitants de la Palestine. Mais ceci est un autre débat, que nous n’ouvrons pas.

Aujourd’hui, notre branche chrétienne en est à un développement que l’on peut représenter ainsi, voyez l’arbre généalogique de la Chrétienté ; on devrait plutôt l’appeler « la branche généalogique de la Chrétienté », si nous suivons la pensée de Paul. De l’Eglise unie du début de notre ère, il y a 20 siècles, il y a eu une séparation il y a mille ans, entre l’Eglise orthodoxe et l’Eglise catholique ; puis une autre séparation il y a 500 ans, entre l’Eglise catholique romaine et les Eglises de la Réforme. Voyez ensuite le foisonnement des rameaux, la multiplication des confessions chrétiennes qui existent aujourd’hui.

Ce n’est pas pour nous extasier sur cette vitalité de la branche chrétienne que nous sommes rassemblés aujourd’hui. C’est plutôt pour considérer que nous sommes, pour la plupart, nés soit protestants, soit évangéliques, soit catholiques. Nous n’avons pas fait le choix de notre confession, pas plus que nous n’avons fait le choix de notre famille de sang.

Mais partant de cette provenance donnée gratuitement, nous sommes invités fortement, solennellement, avec insistance, par notre engagement œcuménique, à réaliser que nous pouvons faire quelque chose dans l’Histoire de nos Eglises, ici et maintenant, pour que l’Eglise du Christ retrouve son unité. Quelque chose qui s’inscrira durablement dans la mémoire de ce coin de pays, et encore plus durablement encore, dans la mémoire vivante du Dieu qui nous aime.

Je le sais et le vis concrètement depuis plusieurs années : les pasteurs, prêtres, responsables d’Eglises sont responsables, spirituellement responsables devant Dieu et leurs contemporains, de ce qu’ils soufflent, le temps de leur présence et de leur ministère, sur le chaud de la réconciliation ou sur le froid de la séparation entre chrétiens. Au niveau de leur paroisse, de leur village, des relations qu’ils ont avec toutes sortes de gens. Mais cette responsabilité nous revient également à nous tous qui nous disons chrétiens, qui voulons croire à ce que Jésus nous dit.

À mon avis, il y a entre nous, catholiques et protestants, 5% de différences et de divergences qui persistent. Mais il y a 95% de ressemblances, de trésors à partager, de chemin à emprunter ; et nous n’en vivons qu’un 30% au maximum ! Alors n’hésitons pas ! Si nous voulons que le Christ soit crédible, lui qui nous a appelés à nous aimer : partageons, retrouvons-nous, inventons des chemins d’alliance. Nous, peuple de la base, osons ! même quand nos autorités n’y sont pas trop chaudes ! Osons aller plus loin que nos habitudes, découvrons-en de nouvelles et qui nous réjouissent comme elles réjouissent celui qui donne vie à l’arbre tout entier, Dieu lui-même.

Et qui a des idées, des envies à ce sujet, qu’il ou elle ose les exprimer, pour que notre engagement ne reste pas « parole gentille de bisounours » mais volonté affichée d’avancer et de créer plus d’accueil, plus de compréhension, plus d’ouverture. Le souffle créateur de Dieu n’attend que l’ouverture de notre fenêtre personnelle et communautaire, pour faire son chemin de Vie en nous et entre nous.          Amen.