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Dimanche des réfugié·e·s
Samedi 18 juin à Couvet, Dimanche 19 juin à Saint-Sulpice
Accueil
Soyez accueillis dans la communion de Dieu qui nous rassemble :
L’Éternel qui nous offre des visages dans lesquels découvrir le reflet de sa création ;
Le Fils qui nous recueille de tous nos éparpillements d’aujourd’hui ;
Le Saint-Esprit qui nous offre un lieu où nous poser pour entendre résonner le bruit léger de la source.
Bienvenue à vous et merci d’être là.
Ce week-end est placé sous le signe de la journée des réfugiés aujourd’hui, du dimanche des réfugiés demain et dans ce culte et de l’action particulière « les nommer par leur nom » en hommage aux enfants, aux femmes et aux hommes décédées sur les chemin de l’exil en quête de sécurité.
Je suis heureux de nommer et d’accueillir Natalia, qui habite à Fleurier depuis quelques semaines que nous aurions mieux aimé ne pas connaître. Elle vient d’Ukraine. Merci, Natalia, de participer à notre culte et de partager le chemin intérieur que tu parcoures et auquel tu nous invites à l’écoute de l’Evangile et de ton expérience.
Comme Natalia dans sa rencontre avec le français, nous aurons aujourd’hui des moments à l’écoute d’une langue inconnue.
Merci à Nadja, qui va nous aider à dépasser nos incompréhensions en traduisant.
Invocation
Dieu éternel, nous nous tenons là devant toi, dans le silence et dans l’attente. Nous voilà avec tous ces morceaux de nous-même, les bribes de conversations, les détails et les grandes lignes de nos projets de vie et les bruits du monde.
Comment rassembler tout cela et y reconnaitre ton souffle divin ?
Dieu, nous espérons en Toi ! Fasse que par ton Esprit, nous soyons rendus capables de réaliser et communiquer ton amour !
Chant Laudate omnes gentes
Lecture de la Bible
Від Луки 10,25-37
Témoignage de Natalia
J’ai demandé à Natalia de témoigner de sa situation de réfugiée ukrainienne en Suisse.
Elle a accepté, tout en me disant qu’elle préférait éviter les informations de l’actualité, dont nous entendons beaucoup parler mais qui ne répondent pas à nos questions, à nos soucis et à la souffrance des personnes touchées.
Natalia m’a dit qu’elle allait partager des éléments plus intérieurs, plus près de son cœur et de l’expérience du blessé de la parabole.
Nous allons prendre le temps d’écouter Natalia, traduite par Nadja, puis nous chanterons et je proposerai quelques pensées et une question que nous méditerons en silence.
Question
D’habitude chez nous, le pasteur parle 10 ou 15 minutes et le silence de la méditation dure une ou deux minutes en comptant la durée du jeu d’orgue. Nous avons ri avec Natalia de ce silence trop court pour avoir le temps de commencer à penser. Aujourd’hui, je vais parler encore une minute, et suivra un silence plus long que d’habitude pour la méditation personnelle : environ 5 minutes.
Voici la question du maître de la loi qui sait que la loi lui commande d’aimer son prochain comme lui-même : « Et qui est mon prochain ? »
Jésus raconte l’histoire qui nous a été rappelée tout à l’heure et retourne la question au maître de la loi : « A ton avis, lequel des trois voyageurs a été le prochain de l’homme attaqué par les bandits ? »
Autrement dit, il n’y a pas une liste de prochains parmi lesquels choisir celui qu’il s’agit d’aimer. Il y a une personne qui a besoin d’un·e autre pour la secourir, sans quoi elle mourra. Le maître de la loi est appelé à être le prochain de cette personne-là.
Alors voici la question pour nous et elle est double :
de qui ai-je été le prochain ou la prochaine ?
de qui suis-je le prochain ?
Prédication
de David Allisson sur la base du travail de Simon Weber et de l’EPER-PPP pour le dimanche des réfugiés.
Pour aider, il faut d’abord ouvrir les yeux
Ce n’est pas visible pour tout le monde, mais dure réalité pour un nombre important de personnes : la pauvreté et l’exclusion.
La pauvreté existe aussi en Suisse. La pandémie de coronavirus nous l’a montré très clairement : des files de personnes attendant patiemment un sac de denrées alimentaires gratuites ; des familles ne pouvant plus payer leur loyer et contraintes de se tourner vers les œuvres d’entraide et les Églises pour recevoir une aide financière provisoire… Ces situations extrêmes ont ému la population suisse et déclenché un grand élan de solidarité.
Mais la pauvreté et l’exclusion sont toujours là. Elles touchent tout particulièrement les personnes déjà socialement défavorisées avant la pandémie de coronavirus : les personnes avec une situation de vie ou une situation professionnelle précaires, et celles issues de la migration et de l’exil.
Une parabole archiconnue pour nous aider à ouvrir nos yeux
Nous proposons de relire la parabole archiconnue du bon Samaritain. C’est justement parce que nous la connaissons par cœur et qu’elle est encore connue des personnes qui ne fréquentent pas trop nos lieux de cultes que nous la considérons comme pertinente. Elle nous donne quelques indications précieuses pour ouvrir nos yeux et activer notre regard.
Une parabole
En racontant des paraboles, Jésus présente des choses compliquées de manière simple, c’est sûr. Mais ce qu’il veut avant tout, c’est conduire ses auditrices et auditeurs à changer de point de vue, à ouvrir les yeux et à changer de regard.
Peut-être qu’aujourd’hui, la première question du légiste n’est plus trop la nôtre ; cette préoccupation de savoir si et comment je peux « recevoir la vie éternelle en partage ». On entend souvent : « Mon salut, je m’en occupe et ce qui se passera après ma mort ne me touche pas beaucoup. »
Mais le dialogue que le légiste déclenche en interpellant Jésus est lui d’une grande actualité.
Le triple amour
Le légiste répond de manière très simple et correcte à la question que Jésus lui renvoie : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même. » Le triple amour, en fait : Dieu, moi, mon prochain. Alors voilà : pour le moi, on est assez fort, notre regard est acéré, nous vivons une période d’égo et d’amour de l’égo assez prononcée et qui dure, c’est le moins qu’on puisse dire. Pour ce qui est de Dieu, comme il a le défaut d’être toujours à disposition, c’est assez agréable et on l’aime bien. En plus, il ne nous dérange pas trop. Besoin de lui ? Pas de souci ! C’est pour ça qu’on l’aime. Mais pour ce qui est du prochain, disons aussi de la prochaine, c’est autre chose et c’est bien là, la question du légiste. Et la réponse de Jésus en parabole réajuste notre regard. Il procède à un réel retournement.
Quel point de vue ?
En effet, une parabole est toujours racontée d’un certain point de vue. Du point de vue d’un des personnages. Du Samaritain ? Certainement, dirons-nous, puisque c’est la parabole du bon Samaritain ! Et en plus ce serait une parabole contre la xénophobie puisque, on le sait peut-être encore, les Samaritains étaient mal aimés par les gens de Judée, et même détestés. On ne les fréquentait pas, on ne leur adressait pas la parole. Ce serait un bel exemple choisi par Jésus de prendre le point de vue du Samaritain et le présenter comme modèle de l’amour du prochain.
Eh bien non, le récit est raconté à partir du point de vue de l’homme blessé, laissé à moitié mort. C’est un retournement important : la parabole ne raconte que ce que cet homme éprouve et ce qu’il sait. Toutes les raisons que des interprètes ont donné au prêtre ou au lévite de ne pas s’arrêter et de passer outre, en faisant même un détour, il ne les connaît pas. Elles étaient peut-être excellentes, en lien avec les prescriptions de pureté ou liées au sang, mais l’homme ne le sait pas. La seule chose qu’il sait, c’est qu’ils ont détourné leur regard et qu’ils sont passés outre. Alors ce que l’homme tombé dans une embuscade va voir et éprouver, c’est qu’un homme détesté par ses congénères, un Samaritain, va le regarder, s’approcher de lui, le soigner et s’occuper de lui. En présentant ce point de vue dans sa parabole, Jésus demande au Samaritain de prendre la place de celui qui est en situation de détresse.
Qui est mon prochain ?
C’est pourquoi la question « qui est mon prochain ? » est intéressante. Le formidable changement de regard initié par Jésus se manifeste dans la manière dont il répond à celui qui lui pose la question « Qui est mon prochain ? » Il ne donne pas un catalogue de personnes qui pourraient être « mon prochain ». Après avoir raconté la parabole, Jésus l’invite à définir lui-même la notion d’acte solidaire et à déterminer qui l’exerce. Il lui retourne la question et demande « Qui te semble avoir été le prochain ? ». En fait, il lui dit : « c’est toi qui décides ! c’est toi qui décides en ouvrant tes yeux et en te rendant proche de lui ! » Jésus opère un renversement, un changement de regard. Il ne s’agit plus de savoir qui a légitimement droit à mon geste de solidarité, mais de m’assurer que je viens en aide de manière adéquate à celui qui en a besoin. Et pour une aide adéquate, il faut des yeux et un regard ouvert, ainsi qu’une curiosité en alerte.
La solidarité : conduite vertueuse ou obligation ?
En d’autres termes il n’est pas question d’une conduite vertueuse envers les personnes qui ont besoin de cette aide. Ce sur quoi Jésus met l’accent, c’est le droit fondamental de ces personnes à recevoir l’aide qui leur est nécessaire. Cela met leur entourage dans l’obligation d’y subvenir. Un comportement vertueux est l’expression d’une attitude personnelle. Mais l’obligation résulte de la reconnaissance des droits de l’autre. La solidarité que Jésus nous montre dans sa parabole présente deux caractéristiques : d’une part l’élargissement de la fraternité à tous les êtres humains, c’est-à-dire l’universalité, et d’autre part le renversement de regard sur le véritable enjeu de la relation solidaire. Dans cette perspective, l’obligation pure et simple d’intervenir en faveur de celles et ceux qui ont vraiment besoin de soutien l’emporte sur la conception traditionnelle de bienfaisance. Loin de véhiculer une morale de bienfaisance, la parabole insiste surtout sur les droits inaliénables de celles et ceux qui sont dans le besoin ou dans la détresse.
L’attention créatrice
La compassion, la miséricorde et la pitié sont entièrement contenues dans le regard ; sans cette attention, écrit Simone Weil, il ne se passerait rien. Dans « Attente de Dieu », un recueil de lettres écrites qu’elle a rédigé en 1942, on peut lire ceci : « La charité du prochain étant constituée par l’attention créatrice est analogue au génie. L’attention créatrice consiste à faire réellement attention à ce qui n’existe pas. L’humanité n’existe pas dans la chair anonyme inerte au bord de la route. Le Samaritain qui s’arrête et regarde fait pourtant attention à cette humanité absente, et les actes qui suivent témoignent que cette attention est bien réelle. La foi, dit saint Paul, est la vue des choses invisibles. Dans ce moment d’attention, la foi est présente aussi bien que l’amour. »
Si nous voulons savoir qui est notre prochain, il s’agit, comme l’expose Simone Weil, d’avoir une attention créatrice et celle-là n’est possible que si nous ouvrons nos yeux pour voir qui a besoin qu’on s’approche d’elle ou de lui. Si notre regard est celui d’une personne qui se met à la place des personnes exclues, démunies, dans le besoin, nous saurons aussi comment être ce prochain attendu.
Depuis le début de la guerre en Ukraine les télévisions, les médias sociaux et Internet braquent nos regards sur les cortèges de réfugié·e·s dans l’Est de l’Europe, comme en Suisse. Cette conduite du regard, cette focalisation est importante. Mais ce faisant, elle place dans notre angle mort tous les autres cortèges d’exilé·e·s ou d’individus qui sont depuis longtemps sur les routes ou dans nos villes et villages. Celles et ceux qui ont dû quitter leur lieu de vie qu’ils aimaient et qui, arrivés chez nous, se trouvent dans des situations de plus en plus précaires en raison de la pandémie. L’urgence est aussi essentielle que notre attention créatrice. Elle nous permet de savoir de qui nous pouvons être « prochain ».
Intercession
D’après Michel Hubaut, Prier les paraboles, Desclée de Brouwer, Paris, 1988, p.178s
Seigneur, quand je me demande quel est mon prochain, tu déplaces habilement la question et tu me réponds : de qui te fais-tu le prochain ? Le prochain ce n’est pas l’autre, c’est toi qui te rends proche de ton voisin !
Seigneur, aujourd’hui nous voulons être le prochain des réfugiés que nous côtoyons parce qu’ils se sont établis chez nous. Ouvre notre regard et apprend-nous les gestes qui accueillent, soulagent et soignent.
A Neuchâtel et dans différentes villes de Suisse, nous nommons par leur nom des enfants, des femmes et des hommes décédés sur les chemins de l’exil. Ouvre notre disponibilité à connaître par leur nom et rencontrer les personnes qui sont arrivées jusqu’ici.
Seigneur, tu es le bon Samaritain, toi qui, le premier, as voulu être le prochain de tout homme, de toute femme, de tout enfant. Ta vie est une invitation à ouvrir toutes grandes les portes de notre maison. Tu fais éclater toutes nos frontières, celles du sang, de la race et de la religion.
Tu nous révèles le signe de la vraie conversion : sortir de nous-mêmes, de notre égoïsme, de l’étroitesse de notre petit univers, pour aller, chaque jour, chaque matin, à la rencontre de celui que tu mets sur notre chemin.
Ce voisin de palier que nous ne voudrions pas croiser, cette mère célibataire du quartier que nous préférons ignorer, ce chômeur qui trouble notre quiétude, cet étranger qui perturbe nos habitudes, tous ceux qui risquent de nous déranger…
Et si, un jour, nous décidions de devenir leur prochain qui leur tend la main !
Seigneur, renouvelle notre foi, notre espérance et notre amour. Fais de nous des instruments de ta paix.
Amen.
Bénédiction
L’espoir est là, il marche à nos côtés, prenons-le par la main !
Notre espoir, c’est l’autre, c’est de le rencontrer, de l’aider, de le sauver. Marchons vers lui !
Que Dieu vous garde, dans vos inquiétudes et vos courages. Que Dieu vous protège, dans vos colères et vos engagements. Que Dieu vous bénisse, dans vos larmes et vos joies.
Allons dans la paix du Fils, du Père et du Saint-Esprit. Amen