Culte du 4ème de l’Avent, présidé par Séverine Schlüter au temple de Môtiers
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Lectures bibliques :
Prédication
“C’est de toi que sortira celui qui doit gouverner Israël.”
“ Au jour où enfantera celle qui doit enfanter, (…) il se dressera et il sera leur berger (…) et lui-même, il sera la paix !”
Ces encouragements de Michée, comme ceux d’autres prophètes que nous relisons volontiers en cette période de l’Avent, étaient familiers des contemporains de Marie et Elizabeth, et des générations qui les ont précédées.
A plusieurs époques de son histoire troublée, le peuple d’Israël a attendu que se réalise cette promesse. Il attend maintenant depuis longtemps. Depuis l’exil à Babylone, le trône de Jérusalem n’existe plus, le roi David n’a plus de descendant ; on vit presque sans discontinuer sous domination étrangère…
On devait bien se demander, depuis le temps : où est-il donc, ce Messie ? Ces promesses de bonheur qu’on nous a répétées depuis des siècles, et si ce n’était que du vent ? Il n’est pas encore venu au monde, celui qui incarnera ce roi idéal ! Verra-t-il seulement le jour ?
Et voilà que l’évangéliste Luc prend à son tour la plume pour l’annoncer : ce roi Sauveur, ce Messie promis, il est là, il est en route, dans le ventre de Marie…
Pour le montrer, il glisse dans ses récits plusieurs références à des passages de l’Écriture ou à des épisodes connus de l’histoire d’Israël.
– Plus loin, il précisera que Marie et Joseph devront se rendre pour un recensement à Bethléem en Judée, patrie du roi David, dont le Messie doit être le descendant
– Les personnages importants de ces récits, comme ici Marie, Elizabeth et le petit qu’elle porte dans son ventre, sont poussés par la puissance de l’Esprit à agir et parler, comme avant eux des personnages illustres comme Moïse, David, les prophètes…
-La phrase d’Élisabeth « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni » fait référence à Judith, une femme ayant réussi l’exploit d’apporter la victoire à Israël, ce qui laisse entendre que Marie est la femme victorieuse qui assure à l’humanité la victoire sur le mal…
– Le lieu où se situe l’histoire, la manière dont il est raconté et la mention du bébé d’Elizabeth bondissant de joie dans son sein nous renvoient à l’arrivée de l’arche d’Alliance à Jérusalem, lorsque le roi David transporté de joie, dansait et tournoyait devant l’arche… L’Arche d’Alliance étant le lieu de la Présence de Dieu, c’est donc comme si Marie portait en elle cette Présence.
Il y a beaucoup de joie dans ce qui est décrit… et pourtant je ne peux pas m’empêcher de penser que cela n’a pas été si simple que cela à vivre.
Elizabeth et son mari ont souffert pendant des années de l’absence d’enfants… et voici qu’il vient au soir de leur vie, venant chambouler les habitudes prises depuis longtemps.
D’ailleurs Zacharie ne s’en est pas encore remis : depuis la visite de l’ange qui lui avait annoncé cette naissance à venir et ses doutes exprimés, il est incapable de parler.
Marie ne s’attendait certainement pas à être enceinte avant son mariage, et surtout avant d’avoir partagé sa couche avec Joseph…
Son fiancé quant à lui n’avait certes pas prévu d’épouser une femme portant un enfant qui n’était pas de son œuvre…
Si la réalisation des promesses arrive enfin, elle provoque aussi des bouleversements inattendus !
Certes, ces événements allaient tout changer… mais à quel point ces deux femmes pouvaient-elles en avoir conscience ? L’inconnu devant elles devait forcément les effrayer un peu !
Pourtant, elles ont dit oui à ce qui se présentait à elles.
Et ce oui a comme ouvert une porte, pour celles et ceux qui suivraient.
A la fin de son Évangile, et au début du livre des Actes, Luc rapporte que l’irruption de l’Esprit ne sera plus réservée qu’à des personnages privilégiés de l’histoire du salut, mais répandu sur tous les croyants, et même sur tous les peuples de la terre.
le prophète Michée insistait déjà sur l’extension de la paix promise, l’humanité tout entière étant concernée : « Ils vivront en sécurité, car désormais sa puissance s’étendra jusqu’aux extrémités de la terre »…
Les enfants que ces deux femmes portent sont ainsi tout un symbole : désormais, chaque croyant, en disant oui à l’irruption de Dieu dans sa vie, devient porteur de sa promesse, de sa présence, de sa force d’amour et de sa puissance de vie.
Sommes-nous prêts, à notre tour, à accepter cette responsabilité ?
Au cœur de sa vie quotidienne et des chaos de la vie, il est souvent difficile de reconnaître que Dieu agit au travers de ce que je vis, ici, maintenant. C’est souvent après, quand on relit son histoire, que l’on reconnaît que malgré tout, Dieu était à l’œuvre…
Peut-être aussi parce que sa présence et son action ne viennent pas toujours comme attendu, qu’elle ne correspond pas forcément à nos attentes.
Peut-être encore, parce que comme un être en gestation, il faut du temps pour les voir germer…
Qu’allons-nous faire alors de cette responsabilité confiée ?
C’est avec cette question que je vous propose d’entendre ce texte écrit par André Gilbert, en septembre 2003* :
«Moi qui appartiens à un monde morose, je reçois cet évangile comme un choc, avec une note d’envie. Pourquoi ne pouvons pas vivre la même chose? Est-ce vraiment possible? Ne m’invite-t-on pas à un monde d’illusions? Sans doute faut-il prendre le temps de vivre ces sentiments et ces questions, avant de faire cette immense prise de conscience: je peux devenir Marie, cette femme qui se lève debout et franchit les montagnes avec énergie, je peux être Élizabeth qui voit autour d’elle des gens choyés et comblés au delà de toute mesure et célèbre l’espoir d’un peuple. Mais Comment? La réponse est dans la bouche d’Élizabeth: « Si tu sais croire que le Seigneur donnera une suite à toutes les paroles qu’il a dites, jusqu’à leur plein accomplissement. »
Croire, c’est voir l’invisible, et donc voir cet enfant que je porte. Vous comme moi, nous portons au fond de nous un mystère de vie, un amour qui nous dépasse, que nous sentons plus présent ou plus absent à certains jours. Seule la foi permet de le voir constamment. C’est ce qui a soutenu Jésus, lui a permis d’agir autrement que les autres et l’a amené à parler du Royaume de Dieu. Nous portons le même mystère d’amour, le même monde qui demande à naître. Nous voudrions le voir hors de nous, tout fait, avec sa stature d’adulte, alors qu’en fait, il est en partie invisible, et qu’il nous revient de le mettre au monde.
Ce monde nous apparaîtra comme un jour nouveau qui se lève ou comme un soir qui décline, selon que nous le regardons ou non avec les yeux de la foi. (…)
Au moment où nous apprêtons à célébrer Noël, prenons conscience que ce Jésus à naître est au fond de nous, que tous les espoirs sont permis, et que le Seigneur donnera une suite à toutes les paroles qu’il a dites, jusqu’à leur plein accomplissement.»
Amen.
* Texte complet sur http://www.mystereetvie.com/Lc013945.html