Pardonne-nous nos offenses – cultes des 30 et 31 juillet 2016

Môtiers le 30 et Saint-Sulpice le 31 juillet

Prédication de René Perret à télécharger en pdf

Série de cultes d’été sur le Notre Père

Lecture de la Bible:

Romains 7,15 à 20

Prédication

Je ne sais pas pour vous, mais moi, quand je prie le Notre Père, je ne peux pas prier toutes les demandes avec la même concentration ; je m’attache plus particulièrement à l’une ou à l’autre, suivant les situations.

Et quand j’arrive à cette demande : « Pardonne-nous nos offenses », je la prie souvent avec l’hésitation qui me vient de la suite : « Comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ».

Cette demande met le doigt sur des points sensibles en nous. Alors, heureux sommes-nous d’avoir deux dimanches pour en méditer les deux parties.

Il y a tout d’abord nos offenses. Nos fautes, nos dettes, nos torts, notre péché, tout cela qui plombe notre relation à Dieu.

Je prends l’image d’une chambre plongée dans l’obscurité. Les volets sont fermés, les rideaux sont tirés. Même en plein jour, il règne dans cette pièce une nuit totale.

Ce serait pour moi l’image d’une personne qui n’a pas de conscience. Elle peut faire ce qu’elle veut, de bien ou de mal, elle ne s’en rend pas compte. Elle peut tricher, mentir, voler, rien ne lui importe, elle ne voit pas ce qui « cloche » dans sa conduite pour les autres ou pour elle.

Une telle personne est capable du pire comme du meilleur, mais c’est le pire qui va frapper le plus ceux qui la côtoient.

Heureusement, il existe peu de personnes qui n’ont pas de conscience !

À partir du moment où les volets s’ouvrent, où la lumière entre dans la pièce, ce qui se trouve éclairé apparait. Et plus la lumière est forte, plus les ombres sont précises.

C’est pour moi l’image de chacun de nous, éclairé par sa conscience, éclairé par ce que Dieu nous dit de sa volonté pour nous.

De par notre éducation, nous avons acquis une conscience plus ou moins précise de ce qui est bien ou mal, juste ou faux.

Au début de notre vie, nos parents sont pour nous comme un Dieu : par exemple compréhensif pour les bêtises par lesquelles nous passons pour grandir, tout en étant attentifs à nous donner un cadre dans lequel nous pouvons agir sans nous blesser trop gravement, et les autres avec nous. Nous aurons de bonnes chances de devenir responsables et au clair avec ce que nous devons faire pour vivre bien.

À l’opposé, nos parents peuvent aussi incarner un Dieu intransigeant, jamais content de notre attitude, exigeant de nous une perfection et une obéissance qui nous paraissent inatteignables. Nous grandirons avec une culpabilité qui fera de nous des êtres peureux, insatisfaits d’eux-mêmes et des autres.

Entre ces deux extrêmes, il y a toute la palette de nos éducations ; et souvent nos parents n’ont pas eu la même attitude, d’où notre recours au plus compréhensif des deux, ou notre attachement au plus clair des deux.

Et devant Dieu, comment nous sentons-nous aujourd’hui ? Dieu, qui est autre que nos parents, s’est révélé à nous par sa Parole et aussi au-travers de ce que nous avons découverts par nos frères et nos sœurs dans la foi.

Pour reprendre l’image de la lumière et de l’ombre, je dirais qu’en face de Dieu, qui représente pour moi la lumière la plus grande, les ombres de mes actes et de ma vie sont très précises.

Face à Dieu qui sait tout de moi, je ne peux que me reconnaître plein d’ombres, plein de dettes, de paroles pas tenues, de gestes non accomplis.

Si ce Dieu n’était que justice, je n’aurais aucune chance de tenir debout face à lui.

La culpabilité, qui est un héritage de mon éducation, serait encore augmentée par ce que je crois qu’il sait de moi. Pour les hyper-consciencieux que nous sommes, ce serait un abîme que de vivre dans cette distance, entre ce Dieu juste et nous si injustes !

Nous sommes ici comme ces chercheurs qui, quand ils trouvent une réponse à leur quête, découvrent en même temps dix nouvelles pistes, dix nouvelles questions.

C’est la beauté de la recherche, et la joie de tous les chercheurs.

Mais sur le terrain de la conscience devant Dieu, se découvrir si loin du Dieu juste peut être désespérant.

Or Dieu nous aime autant qu’il nous connait. Et c’est son pardon qui vient combler la distance entre lui et nous, par notre vie par-donnée, re-donnée par sa grâce.

Dans l’Evangile, on voit Jésus pardonner, effacer la faute.Ce n’est pas une parole en l’air, mais une déclaration qui remet sur pied ceux qui la reçoivent. Ce pardon – que Dieu seul peut donner – va lui coûter la vie, ses adversaires l’en avertissent très vite. Mais il ne changera pas d’attitude et il pardonnera à plusieurs reprises, jusqu’à la fin de son chemin.

Sur la Croix, il demandera à son Père le pardon pour ceux qui ne savent ce qu’ils font ; et quand, ressuscité, il retrouve ses disciples dans la chambre haute, c’est le pardon qu’il leur demande de donner, avec la même force qu’il a eue, celle du Saint-Esprit.

« Pardonne-nous nos offenses ».

Cette demande, nous pouvons la faire parce que Dieu nous a déjà donné son pardon. L’Evangile abonde de récits qui nous le confirme.

Encore faut-il que nous acceptions que ce pardon est pour nous, que nous le recevions aussi concrètement que nous recevons le pain et le vin du repas du Seigneur.

Dieu nous donne son pardon pour que notre passé ne nous paralyse plus ;

il nous donne son pardon pour que nous vivions pleinement notre présent ;

il nous donne son pardon pour que notre avenir soit ouvert à une relation nouvelle.

« Pardonne-nous nos offenses ».

Cette demande ne libère pas seulement ma propre vie, elle m’ouvre à une vie reliée aux autres dans la paix et la justice.

Comme j’ai été pardonné gratuitement, il m’est demandé, il nous est demandé de partager cela avec les autres.

Dans notre vie sociale, économique, cela se traduit par une demande à ce que soient remises les dettes qui écrasent les plus pauvres des pays de notre monde.

Un désendettement créatif : c’est un pardon accordé sur le plan social et politique, qui est en accord avec cette volonté inchangeable de Dieu notre Père : que tous ses enfants soient libérés pour vivre debout, pleinement.

Amen.