Prédication de Patrick Schlüter pour le culte des récoltes 3 octobre 2021 à Travers – lien vers le fichier pdf du texte de la prédication
Textes bibliques :
Osée 8, 1-7
Marc 4, 26-32
« On récolte ce que l’on sème ». Cette expression m’a trotté dans la tête cette semaine quand je pensais à ce culte des récoltes. J’avais à chaque fois envie d’ajouter un sous-titre pour la nuancer : « oui, mais pas toujours ! ». Et cette nuance peut s’appliquer dans 2 directions : il arrive qu’on ne récolte pas ce que l’on a semé et il arrive aussi que l’on récolte ce qu’on n’a pas semé. « On récolte ce que l’on sème… oui, mais pas toujours ! », c’est donc ce que je vous propose d’explorer dans ce message.
Dans mon jardin cette année, la récolte n’a pas été très bonne. Les courges ont peu donné, ainsi que les pruniers et pommiers. La météo compliquée explique sans doute une partie de cela. Sans doute aussi qu’avec les enfants et les aléas de la vie, nous avons manqué de temps pour bien prendre soin de notre potager. Nous n’avons pas récolté tout ce que ce que nous avons semé. Peut-être qu’avec plus de soin, le résultat aurait été meilleur, mais ce n’est pas certain.
D’un autre côté, nous avons aussi récolté plus de choses que nous attendions. Une ronce a poussé dans un buisson de symphorine et donne régulièrement des mûres. Nos enfants sont très motivés pour les ramasser, ainsi que toutes les pommes et prunes qu’ils trouvent alors que parfois, nous n’aurions pas la motivation d’être aussi persévérants dans le ramassage !
« On récolte ce que l’on sème… oui, mais pas toujours ! » Il y a là une dimension d’imprévu qui s’exprime dans la grâce, quelque chose de gratuit qui nous est offert.
Dans le monde, la météo a aussi fait des siennes de manière inquiétante avec le gel, les inondations et la sécheresse. Le réchauffement climatique nous inquiète et semble s’accélérer. Quelque part sans doute, l’humanité récolte le fruit de son exploitation irraisonnée des ressources naturelles, mais il y a aussi une injustice car ce ne sont pas toujours ceux qui provoqué le problème qui souffrent des conséquences.
D’un autre côté, la pandémie, avec toutes les difficultés qu’elle entraîne, a aussi facilité une prise de conscience chez certaines personnes qui veulent vivre l’émerveillement devant la création et développer une forme d’éco-spiritualité pour redécouvrir la place de l’être humain devant Dieu au sein de la création.
« On récolte ce que l’on sème… oui, mais pas toujours ! ». Dans le monde aussi, il y a la part d’inconnu avec de l’injustice, mais aussi la dimension de la grâce.
« Puisque vous semez le vent, vous récolterez la tempête », tel est l’avertissement terrible que le prophète Osée adresse à Israël, son peuple. Celui-ci œuvre dans le Royaume du Nord au 8ème siècle avant Jésus-Christ. J’ai choisi ce texte parce que c’est probablement une des premières expressions écrites du proverbe « qui sème le vent, récolte la tempête ». Osée, c’est un prophète de jugement qui annonce la fin du Royaume du Nord, celui d’Israël. Aux yeux d’Osée, en raison des mauvais choix des dirigeants, de l’idolâtrie du peuple qui se détourne de Dieu, le Royaume du Nord va être vaincu. L’histoire donnera raison au prophète avec la prise de Samarie en 722 avant Jésus-Christ.
Les paroles d’Osée ont été recueillies, rassemblées dans un livre qui porte son nom et transmises pour les générations futures. C’est l’histoire d’un amour déçu, celui de Dieu pour son peuple, mais c’est aussi l’histoire d’un amour qui continue à chercher l’autre. Osée a aussi écrit, à mes yeux, l’un des plus beaux oracles de salut de tout l’Ancien testament. Il se trouve au chapitre 11 et dit l’amour et la grâce d’un Dieu qui continue de chercher son peuple jusqu’à en être bouleversé dans son propre cœur. Comme chrétien, je lis l’accomplissement de cet amour de Dieu en Jésus-Christ.
Jésus annonce et vit le Royaume de Dieu. Il utilise beaucoup d’images du quotidien pour en parler. Ses nombreuses paraboles reprennent souvent des éléments de la nature. Nous avons entendu les paraboles de la semence qui pousse toute seule et de la graine de moutarde. Dieu est à l’œuvre dans le monde. Quand nous sommes attentifs à sa présence, quand nous nous laissons entraîner par cette logique de Dieu, cela change la vie, ouvre à un nouveau regard, permet d’accueillir l’autre et de se laisser porter par l’amour et la grâce. C’est ce qui nous est offert en Jésus-Christ pour nos vies.
« On récolte ce que l’on sème… oui, mais pas toujours ! ».
Cette question vaut aussi pour ce que nous semons dans nos vies, dans nos relations, dans nos choix, dans notre société et dans notre Église. J’aimerais retenir de ce bref parcours biblique 2 choses.
Premièrement, nous sommes invités à bien choisir ce que nous semons. Cela vaut pour nos graines, pour nos choix, pour nos paroles, pour nos attitudes de vie, pour la manière d’être avec l’autre. Nos choix auront des conséquences attendues ou inattendues, alors faisons les bons aujourd’hui pour nos vies, notre société et notre monde. Nous sommes aussi invités à prendre soin de ce qui pousse et à ne pas l’étouffer.
Tout cela, c’est le côté responsabilité que nous avons.
Nous sommes invités et c’est le 2ème aspect que j’aimerais souligner, à la reconnaissance et au lâcher-prise. Il y a une part qui ne dépend pas de nous, qui appartient à la nature et à Dieu. Réjouissons-nous de ce qui pousse même si c’est différent de ce que nous avons semé. Prenons le temps de l’émerveillement face à la nature et aux bonnes choses qui sortent du cœur de l’être humain.
Plusieurs défis attendent notre monde et notre Église. J’aimerais aujourd’hui en relever un : c’est celui du mariage pour tous qui a été accepté récemment en votation par le peuple suisse. Notre Église va aussi de l’avant et réfléchit à la manière d’accompagner les couples de même sexe, tout comme les couples hétérosexuels. Je sais qu’évoquer cette question suscite facilement et rapidement des réactions diverses. Pour certains, c’est dans la logique de leur foi que cette ouverture se fasse. Pour d’autres, cela suscite une résistance forte qui touche aussi à leur compréhension de foi.
Je ne veux pas entrer aujourd’hui dans le débat. Ce n’est pas le lieu. Ce que j’aimerais, c’est nous inviter à rester unis dans ce débat, à reconnaître et accepter le chemin de foi de l’autre et à retenir nos jugements définitifs. Pouvons-nous semer plutôt de l’écoute, du respect de l’autre, de la modération et de la paix dans la différence d’opinion ?
En tant que pasteur, je nous appelle à veiller à l’unité sans taire le débat.
Pour cette question, comme pour tout ce que nous semons dans nos vies et dans le monde, nos vies sont entre les mains de Dieu. Ce sera plus facile si nous semons de bonnes choses et savons nous réjouir de ce qui pousse même si ce n’est pas ce que nous attendions.
Amen.
Prière d’intercession
Seigneur, nous pensons à toute ta création : au soleil et à la pluie, aux fleurs sauvages et aux légumes du potager, aux arbres des forêts et aux fruits du verger. Apprends-nous à agir avec sagesse et respect pour ne pas détruire ce que tu as créé.
Seigneur, nous pensons à la nourriture sur notre table. Donne-nous de toujours voir ton amour à travers les bonnes choses que nous mangeons. Apprends-nous la joie du partage.
Seigneur, nous pensons à l’amour et l’amitié dont nous sommes entourés, à nos parents, à nos frères et sœurs, à nos familles, à nos amis. Donne-nous de savoir accueillir et aimer.
Dans notre cœur, notre foi est petite,
Mais elle est comme une graine, elle va grandir.
Autour de nous, le monde est plein de souffrance,
Mais il est plein aussi de graines d’amour,
Aide-nous à les faire pousser.
Apprends-nous Seigneur, à choisir les actions bonnes,
Celles qui appartiennent à Ton Royaume, et à les semer autour de nous.
Amen.