Nous sommes toutes et tous des migrants…

Message du samedi 15 juin 2024, Môtiers

Lecture biblique : Hébreux 11, 8-9 + 13-16

Lecture biblique : Luc 9, 57-62

Demain est le dimanche dédié aux réfugiés. Il nous permet chaque année de ne pas oublier 3 choses :

  • Les thèmes de l’exil, du déracinement, du besoin d’être accueilli et d’accueillir sont inhérents à la Bible… donc en tant que chrétiens, NOUS sommes forcément concernés.
  • Ces questions restent d’une actualité brûlante.
  • Nous avons une occasion de nous montrer solidaires sur ce problème de société.

Mais aujourd’hui j’ai besoin de vous proposer une 4ème voie pour ce weekend des réfugiés. Je peux le faire car ce soir, nous avons à nos côtés Ricardo, Marc-Arthur, Séverine et Patrick. Tous 4 sont suisses.

Et pourtant, les 2 garçons sont nés loin d’ici. Ils se sont remarquablement adaptés… il n’y a qu’à voir Ricardo sur son vélo VTT qui file à toute allure dans nos chemins de forêt !

Et avez-vous déjà vu Marc-Arthur au parc de jeux, entouré de sa bande de copains ?

Ils ont trouvé leurs marques, leur sécurité… MAIS ils ont été migrants.

Quant à Séverine et Patrick, ils vont le devenir d’ici peu ! Certes, le voyage ne sera pas trop long. La nourriture ne va pas trop changer, la langue non plus, mais ils vont devoir apprendre à connaître d’autres lieux, d’autres gens, d’autres façons de travailler.

En termes d’ornithologie, on parlerait de migration altitudinale (vous allez perdre 87 m. d’altitude !)

Mais voilà où je veux réellement en venir : le texte de l’Évangile de Luc nous invite à reconnaître que si nous voulons suivre le Christ, comme lui, nous sommes appelés à ne pas avoir de lieu où reposer notre tête.

Nous sommes et devrions toutes et tous nous comprendre comme des migrants, des nomades, des réfugiés !

Bien sûr la plupart d’entre nous sont nés en Suisse. Mais si on remonte bien plus loin… savez-vous que les paléo-archéologues nous disent que nous venons tous d’Afrique. Les Africains d’origine que nous sommes tous n’avons pu faire autrement que de migrer il y a des centaines de milliers d’années pour être là où nous sommes aujourd’hui.

Mais beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis ce temps de nomadisme. Nous sommes installés ici depuis bien longtemps, nos ancêtres ont défriché, ont créé du travail, se sont forgés une stabilité.

Or, c’est bien connu, l’être humain a besoin de stabilité.

Et c’est là que Jésus secoue cette notion de stabilité : « Si tu veux me suivre, sois comme moi, un nomade, un migrant qui n’a pas un endroit où poser sa tête ». Jésus exige de la mobilité !

Celle-ci a une longue tradition décrite dans la lettre aux Hébreux : Abraham a été incité par Dieu à quitter l’endroit où ses ancêtres étaient bien installés pour aller vivre en nomade dans un pays beaucoup moins hospitalier.

Pourquoi ce déracinement voulu par Dieu ? Peut-être parce que quand on s’installe dans des certitudes, des habitudes, on a tendance à se fabriquer le dieu qui nous convient.

Or, le Dieu d’Abraham est un Dieu qui bouge, qui change, qui surprend. Il invite constamment au changement, nous oblige à nous laisser surprendre.

Alors comment être ces nomades ici et maintenant ? Pas forcément besoin de parcourir les 4 coins du monde ou de marcher 4 mois… car être nomade, ça se passe dans notre tête.

Être nomade, c’est se montrer autonomes dans notre réflexion, c’est être ouvert à des informations contradictoires qui nous obligent à faire l’effort de peser le pour et le contre, c’est oser remettre en question les vérités qui paraissent bien établies – à propos des demandeurs d’asile en particulier.


Être nomade dans sa tête, en matière religieuse, c’est se défier de tous les absolutismes, c’est refuser les simplifications rassurantes.

Être nomade dans sa tête, c’est être migrant au plus intime de soi et être capable de changement, oser courir des risques et être prêt à faire le saut de la confiance mise en Dieu.


Alors osons vivre cela et osons proposer cette vie authentique à ceux que nous rencontrons : les bien installés, celles et ceux que nous rencontrons lors de nos voyages, celles et ceux qui viennent chez nous de loin pour y chercher la liberté.

Amen