Notre peur a été roulée – aube de Pâques 2022

Message de David Allisson pour l’aube de Pâques 2022 au temple de Couvet
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Nous ne sommes en retard que d’une résurrection, relevait Ion Karakash au moment de la bénédiction finale du culte de vendredi saint.

Photo by Sandra Ivleva on Unsplash

La résurrection est promise.

La résurrection est proclamée.

Et c’est comme si c’était encore trop tôt, nos yeux sont encore collés du sommeil de la mort.

Nos oreilles sont encore engourdies.

Nos blessures sont encore pleines de douleur.

Prions.

Avant l’accueil – prière

Je ne savais pas que tu pouvais mourir,
mourir en moi.

Je ne crois plus en toi.

Il m’arrive même d’en rire.

Je t’avais pourtant aimé.

Tu m’aimais aussi, je le savais bien.

Maintenant, tu n’es plus rien.

Je t’ai même embaumé.

Il me reste pourtant un espoir,
que tu ne sois pas vraiment mort,
ou qu’un autre Dieu naisse alors,
j’espère quand même te revoir.

Tu es mort, ce vendredi.

Dimanche peut-être viendra.

Mais le plus dur, tu vois,
C’est d’être en samedi.

François (19 ans) brochure Risquer Dieu, p.28
Editions Ouverture,
Agence romande d’éducation chrétienne,
commission romande de catéchèse

En samedi, c’est là que nous en sommes.

Les événements du monde et de nos vies nous ramènent souvent en samedi : deuil, guerre, souffrance, solitude, incompréhensions, déchirement dans les familles.

Nous sommes en samedi et nous nous sommes levés avant la lumière du jour parce que nous savons que dimanche viendra. Nous sentons que la lumière dispersera la nuit. Nous espérons la vie plus forte que la mort.

Nous sommes en samedi et nous nous souvenons de ce récit qui nous dit que tout avait bien commencé, pour la bonté, la beauté et la paix.

Lecture de Genèse 1,26-31

En toi, ô Dieu, notre âme se repose en paix

Lecture de Genèse 6,1-8

Prière

Seigneur, quand nous essayons de voir l’humanité avec tes yeux, nous nous trouvons devant des ténèbres. Nous voyons la violence, la haine, la guerre, les blessures, la mort et nous nous demandons où est ta lumière.

Notre humanité nous rend tristes, bien souvent et nous avons besoin de ta lumière, de ton amour et de l’énergie de continuer à avancer vers la Vie.

Seigneur, ne laisse pas les ténèbres nous parler et nous envahir, sois lumière, à l’intérieur de nous et dans le monde entier.

Jésus le Christ, lumière intérieure, ne laisse pas mes ténèbres me parler

Lecture de Colossiens 3,1-4

Prière

Seigneur Dieu, tu es force et énergie de vie pour tous les chrétiens qui ont vécu avant nous.

Seigneur Dieu, tu es force et énergie de vie pour les chrétiens de tous les lieux de la terre.

Seigneur Dieu, tu es force et énergie de vie pour toutes celles et ceux qui mettront à l’avenir leur confiance en toi.

Seigneur Dieu, tu as réveillé de la mort ton fils Jésus, le Christ crucifié. Cette force et cette énergie de vie nous est transmise à nous aussi, parce que tu nous réveilles de la mort par le Christ, notre Vie, dans les hauts et les bas de nos vies.

Nous avons parfois du mal à la répéter cette nouvelle de la vie du Christ et de notre vie renouvelée. Le Christ n’est pas parmi les morts. Il est vivant et il nous attend dans le quotidien de nos vie.

Le Christ est ressuscité.
Il est vraiment ressuscité.

Fiez-vous en lui, ne craignez pas. La paix de Dieu gardera vos cœurs.

Lecture de la Bible

Marc 16,1-8

Prédication de David Allisson, texte de Bernard Félix, revue Lire et Dire 80:

Notre peur a été roulée

Le 29 août de l’an 70, quand, après plus d’un an de siège, le futur empereur romain Titus entre dans le Temple de Jérusalem, il a une grande surprise : au lieu de trouver, comme dans les temples qu’il connaît, toutes sortes de trésors – de l’or, des œuvres d’art, des rouleaux, des écrits saints et des statues – dans ce temple, il n y a rien… rien que du vide ! Le lieu saint de Jérusalem est vide ! Titus se serait-il trompé de sanctuaire ?

Non ! Mais le Temple de Jérusalem est organisé différemment des autres lieux saints. C’est un lieu vide… vide pour recevoir et organiser la parole ! On s’y rendait pour se mettre à l’écoute de la parole. Les croyants appelaient leur temple le Devir, mot que l’on peut aussi traduire par « l’espace du dialogue » (en hébreu, devir a la même racine que le mot « parole »davar). De la même manière, les Hébreux appelaient la loi de Dieu les « dix paroles », les devarim. Et dans le Temple de Jérusalem, il n’y a que le symbole de ces paroles.

Ce sanctuaire prépare ainsi les humains à la connaissance de Dieu par l’écoute de sa parole. C’est en effet la parole qui réduit les fractures, et qui réduit les écarts et les éloignements. Grâce à la parole, aux « dix paroles », à toutes les paroles de Dieu, l’humain est réconcilié avec lui-même, avec tous les autres humains et avec Dieu. Il faut ajouter à cela qu’aucun lieu, même le Temple de Jérusalem, ne saurait se substituer aux paroles entendues au Sinaï dans le désert. Ainsi, l’organisation de l’espace du Temple nous renvoie à la manière dont le Dieu biblique se révèle : une parole, un discours qui permet la rencontre. C’est pour cette raison que, pour les juifs, le sanctuaire perd son sens quand on lui enlève la parole vivante ! Et c’est pour cette raison également que Titus, lorsqu’il entre dans le Temple, ne découvre que du « rien » à la place des objets de valeur qu’il attendait. Car il ne cherchait pas une parole, et ne voit donc rien qu’un espace vide derrière les rideaux – espace vide qui ne peut se remplir que pour ceux qui cherchent une parole.

L’apôtre Paul l’a bien compris quand il déclare : « nous sommes le temple de l’esprit », et « notre corps est le temple de l’esprit saint » (cf. 1 Co 6,19). Il a compris que Dieu habite d’abord en nous, et non dans un édifice. Le Temple est un lieu que j’oserais qualifier de « pédagogique », un lieu pour montrer le chemin, un lieu pour faire plus facilement un pèlerinage intérieur.

Dans les 3 premiers évangiles, lors de la crucifixion, quand Jésus meurt, le rideau du Temple se déchire. Nous l’avons entendu dans l’évangile selon Marc vendredi à Fleurier. C’est un rideau en effet qui séparait le lieu de prière, le lieu où les croyants se tenaient, de celui de la présence de Dieu. Une fois l’an, le grand prêtre entrait derrière ce rideau, et ressortait après un certain temps, avec la promesse du pardon de Dieu.

Lorsque Marc dit : « le rideau se déchire depuis le haut jusqu’en bas », c’est comme si Dieu déchirait ses vêtements en signe de deuil ! En effet, à cette époque, le geste de déchirer un vêtement est accompli lorsque l’on vit une grande tristesse. Lors d’un deuil, lors d’un grand malheur, il était coutumier de déchirer ses vêtements pour montrer sa tristesse et montrer aux autres combien son deuil était grand. Ainsi, lorsque Marc relève que, lors de la mort de Jésus, le ciel s’est obscurci et le rideau du Temple s’est déchiré, c’est une manière de dire que Dieu a pleuré, qu’il était d’une profonde tristesse.

Temps de silence.

J’aimerais vous entraîner dans une autre histoire de lieu vide : la foi chrétienne s’est construite sur l’évènement qui s’est passé lors de vendredi saint et Pâques. Si vendredi saint est le jour de la mort du Christ et du deuil de Dieu, Pâques est le jour de la résurrection du Christ. Or, en ce jour de Pâques, il y a aussi des gestes et aussi des surprises ! Des femmes cherchent le Fils de Dieu, elles cherchent son corps et, dans le lieu où elles pensent le trouver, il y a… du vide !

Le récit nous dit que des femmes vont au tombeau pour s’occuper du corps. Elles se préparent à donner des soins, à mettre des parfums – une série de gestes de tendresse pour celui qu’elles aimaient. Mais, comme Titus, elles se retrouvent devant un lieu vide. La pierre est roulée, quelle surprise ! Dans ce lieu, la tombe, où, habituellement, l’on n’entre pas n’importe comment, il n’y a rien… enfin presque rien, juste les bandelettes qui entouraient le corps. Alors les femmes ont peur ! Dieu n’est pas là où elles le pensaient…

Titus était étonné… Titus l’étranger qui n’avait rien compris à ce peuple et à son Dieu, ce Titus qui a fait une guerre très virulente à des gens qui ne voulaient pas se soumettre, a vécu une immense surprise : le Temple était vide ! Et il est resté avec une question sans réponse : pourquoi mettre autant d’énergie, de force, à défendre un lieu qui ne contient que du rien ?

Les femmes, elles, vivent également une grande surprise : le tombeau est vide… alors qu’elles croyaient trouver un corps. Elles sont courageusement venues faire un travail d’accompagnement – tous ces gestes qui ont aujourd’hui presque disparu dans notre société. Mais le lieu est vide, et cela leur fait peur. Pourtant, à la différence de Titus, leur question n’est pas restée sans réponse !

Réfléchissons d’abord à la peur des femmes. Par deux fois, l’expression « saisies de peur » est employée. C’est la même expression qui est utilisée pour parler de Jésus à Gethsémani. Après le récit de la transfiguration, les disciples également ont été « saisis de peur » quand ils ont vu Jésus dialoguer en vêtement blanc avec Moïse et Elie. C’est là d’ailleurs qu’ils ont reçu l’ordre de se taire jusqu’à la résurrection… sans comprendre ce que cela signifiait. Pour les femmes, c’est à l’intérieur du tombeau que tout va se jouer. Il est vide… il n’y a que du rien… Leur peur ne naît pas de la présence de la mort, mais de l’absence et du vide.

C’est alors qu’un ange s’approche et leur dit : « n’ayez pas peur ! » Cela va leur permettre de prendre de la distance et chercher du sens. Leur histoire ne se termine pas au fond d’un lieu vide, elles entendent une parole et cette parole va faire son chemin en elles, cette parole va leur donner la vie… Oh… pas tout de suite… ni facilement. Mais cette parole va leur permettre de tisser des liens avec tout ce qu’elles avaient entendu. Et c’est ainsi qu’elles vont pouvoir dire, comme lorsqu’elles ont vu que la pierre avait roulé : « Notre peur a été roulée… par une parole ! »

Dans le Temple de Jérusalem, c’est un lieu apparemment vide qui dit la présence de Dieu. Dans la tombe du Christ, c’est un lieu vide qui dit la présence du ressuscité. Dans un lieu vide, nous pouvons faire silence et aller au fond de nous-mêmes. Dans le vide, dans le silence, nous pouvons écouter… écouter la parole, une parole qui dit : « il n’est pas ici… il vous précède en Galilée… »

La Galilée ? C’est le lieu où elles habitent avec leurs amis, c’est le lieu de leur vie ! Voilà ce que les femmes du matin de Pâques ont compris, et qu’elles nous transmettent. A nous de chercher Dieu là où il est après le vide et la peur : au milieu de nous, dans nos lieux de vie.

Amen

Prière d’intercession

Seigneur, nous t’apportons notre vie et la vie de notre monde,
la justice et l’injustice humaines,
l’amour et la haine,
la peine et la joie des humains.

Et nous te prions : renouvelle-nous, et renouvelle la face de la terre.

Nous t’apportons la souffrance des réfugiés et des affamés,
des victimes de la guerre et du fanatisme,
de ceux qui souffrent d’être exclus de leur famille, du travail, du bien-être de notre société.

Redis-nous, Seigneur, que ce monde peut devenir autre,
que le cœur des humains peut être transformé par la puissance de ton amour,
que ta joie est plus profonde que nos tristesses,
que ta paix est plus forte que nos violences,
que ta vie est plus réelle que nos morts.

Exauce-nous, Dieu notre Père, par Jésus, ton Fils, notre Seigneur et notre frère.

Tu es béni pour les siècles des siècles. Amen

D’après La liturgie du culte dominical et des fêtes, Communion protestante luthéro-réformée, Eglise protestante de la confession d’Augsburg d’Alsace et de Lorraine, p. 88s

Bénédiction

Dieu nous bénit : Il est Père, Fils et Saint-Esprit.
Il nous accompagne, il reste avec nous, il nous relève comme il a relevé Jésus de la mort.
Le Christ est ressuscité !
Il est vraiment ressuscité !

Amen