Message de Véronique Tschanz Anderegg pour le matin de Pâques au temple de Travers

(Véronique met 3 paires de lunettes les unes sur les autres !)

On n’a rien vu venir. Déjà de son vivant, on ne comprenait pas toujours ses paroles et ses actes, comme cette histoire avec le pain, le vin comme symbole de son corps et sang donnés pour tous… Ou comme son histoire d’aller nous réserver une place là où il allait partir !

Tout s’est passé tellement vite : l’arrestation, le jugement, la condamnation, crucifixion et la mort… Non ! On n’a rien vu venir !

Alors nous, les disciples, nous nous sommes confinés, par peur, par incompréhension. Derrière les murs de notre maison, nous étions muets de stupeur, aveugles à tout avenir.

Croyez-moi, une crucifixion de plus à Jérusalem n’allait pas changer le monde. Mais NOTRE monde s’est écroulé. On avait tout lâché pour suivre cet homme. On avait vu, entendu, vécu des expériences intenses avec Jésus.

De nombreuses émotions se bousculaient : la tristesse, les pourquoi, l’incrédulité, les regrets et la honte : « Ah si j’avais su », la culpabilité énorme : « on l’a abandonné, trahi, renié !»

Cette croix c’était l’échec de Dieu, l’engloutissement de nos espoirs, l’anéantissement de nos rêves les plus fous !

Et puis il y a eu cette rumeur apportée par Marie… Elle a vu Jésus, il lui est apparu, il l’a appelée par son nom… quoi, il serait vivant ??…

ENLEVER UNE PAIRE DE LUNETTES

Un voile tombe, un espoir renait : Jésus est vivant ! Dieu l’a ressuscité ! On va pouvoir repartir comme avant !

Comment aurions-nous réagi, nous, à la place des disciples ? Est-ce que l’on aurait compris, cru ? Nous sommes comme les disciples : nous avons un esprit rationnel. Nous aurions peut-être compris cette résurrection comme un phénomène propre à tous les endeuillés : le deuil est brutal peut générer des troubles hallucinatoires.

REMETTRE UNE PAIRE DE LUNETTES

Cette explication suffit à notre intelligence cartésienne… la résurrection est à classer dans les mirages dus à la perte et au choc.

Oui, mais… je résiste à cette explication, car quand on lit la suite de l’histoire, on comprend que les disciples se sont relevés. Ils ont témoigné, perpétué le message laissé par Jésus.

Alors je m’interroge : « Qu’ont donc bien pu vivre ces disciples endeuillés, abattus, culpabilisés pour réussir à se relever ? 

Quelque chose de puissant s’est produit pour les faire passer de l’enfermement à la joie et à la mise en mouvement.

Pour Marie, cela s’est passé par l’écoute de la voix de Jésus. Pour les disciples, c’est en voyant les stigmates du Christ.

C’est donc cela… Le ressuscité et le crucifié ne sont qu’une seule et même personne. La résurrection n’annule ni la croix, ni la mort, mais elle relève celui que l’on avait abaissé.

Au matin de Pâques, les disciples vivent une révélation : Dieu se reconnait pleinement dans la vie terrestre de son fils.

En ce matin de Pâques, les disciples expérimentent une nouvelle façon de percevoir cet échec, la mort. C’est comme si un voile tombait de leurs yeux.

ENLEVER UNE PAIRE DE LUNETTES

Ils voient alors que la résurrection, ce n’est pas une question de chairs restaurées, mais c’est d’abord une EXPERIENCE, un vécu humain, tel le passage du désespoir à la paix, la traversée du vide à une énergie nouvelle.

Cette nouvelle vision des choses va radicalement changer les disciples. Ils vont pouvoir se relever et poursuivre la voie ouverte par Jésus.

Dès lors, ce qui va marquer l’histoire, ce n’est pas tant l’émergence d’une nouvelle religion, mais l’apparition d’une manière inédite d’habiter le monde, de considérer l’humain.

Dans le monde des Grecs et des Romains qui accordait une grande importance à la puissance, les disciples vont prendre soin des plus vulnérables, comme l’avait déjà fait Jésus.

Dans le monde du judaïsme qui édictait des lois strictes, les disciples vont lutter pour intégrer chaque être humain, quelles que soient leurs convictions, ethnies.

La résurrection va pousser les disciples à enlever des œillères et à voir, penser, mettre en œuvre la Vie véritable, telle qu’ils l’ont reconnue en Jésus, le plus que Vivant.

ENLEVER UNE PAIRE DE LUNETTES

Alors depuis le matin de Pâques, être croyant, ce n’est pas être gardien de dogmes, mais c’est prendre soin de ses frères et sœurs, y compris au cœur des souffrances et de la violence.

C’est également vivre des expériences avec Dieu, comme l’a vécu Leandro à travers son baptême.

Depuis ce matin de la résurrection, être croyant, c’est semer des graines d’accueil, de pardon, de partage, comme l’a fait le crucifié ressuscité.

L’expérience de la résurrection, c’est enlever nos lunettes d’indifférence, de peur pour voir le monde autrement : dans la reconnaissance, la lucidité et la confiance… Bref, c’est être vivant !

Ou comme le disait superbement Maurice Zundel : « Le vrai problème n’est pas de savoir si nous vivrons après la mort, mais si nous serons vivants AVANT la mort » !

Amen