Message de Patrick Schlüter pour le Jeudi-Saint au temple des Verrières

Une présence au cœur de monde et de nos vies

Voici venu le moment du repas de la Pâque. Jésus va la fêter avec ses disciples à Jérusalem. Ce repas commémore la sortie d’Égypte, passage vers la liberté pour le peuple d’Israël qui était esclave dans ce pays.

Déjà dans le récit du l’Exode qui relate cet épisode, il y a un combat, une confrontation au mal. L’endurcissement du pharaon devant Moïse entraîne les 10 plaies d’Egypte dont la dernière est la mort des premiers-nés qui ne touche pas les Israélites qui ont enduit leurs portes du sang d’un agneau sacrifié.

Ici aussi, Matthieu nous montre Jésus confronté au mal, à la perspective de sa mort, décidée par les chefs religieux de son époque, avec la complicité de Judas, un de ses 12 apôtres.

Dans cette semaine sainte que nous vivons en 2022, nous sommes marqués par ce qui se passe dans le monde, par la guerre en Ukraine, les images terribles que nous découvrons de ce qui s’est passé et se passe encore dans l’occupation par l’armée russe et les combats. De nombreux réfugiés ukrainiens sont accueillis en Suisse et une permanence est en place à la Cure de Couvet le jeudi après-midi.

Nous sommes confrontés à nos ambiguïtés suisses et occidentales. Il y a d’autres guerres, d’autres réfugiés dans le monde. Y sommes-nous autant sensibles qu’à ce qui se passe en Ukraine ?

Nous sommes aussi confrontés aux limites de notre mode de vie moderne avec ses conséquences sur l’environnement.

La question du mal et de notre solidarité avec celui-ci nous est posée tant par les événements d’aujourd’hui que par le texte biblique.

En Jésus, Dieu ne vient pas dans un monde idéal. Il ne ferme pas les yeux sur le mal, mais il est avec nous au cœur du monde, comme le rappelle sans cesse l’évangile de Matthieu. Jésus est l’Emmanuel, Dieu avec nous, jusqu’à la fin des temps.

Face au complot qui va le mener à la croix, Jésus est présenté comme le maître des événements. C’est lui qui accepte librement sa mort, dans la fidélité avec tout ce qu’il a enseigné.

Cela nous invite à avoir aujourd’hui l’espérance que Dieu tient nos vies et le monde entre ses mains, au-delà des possibilités et des vues humaines.

Ce que Jésus offre ici, c’est un repas qui dit le sens de sa vie, de sa mort et de sa résurrection pour tous les humains de cette terre. C’est dans nos besoins les plus fondamentaux, manger, boire, respirer, être en relation que Jésus nous rejoint. Mystérieusement, il est avec nous dans ce pain et ce vin partagés. Il veut habiter en nous, nous donner force, énergie et élan au cœur du monde.

Face à la trahison de Judas, Jésus est parfaitement lucide. Il regarde Judas et le renvoie à lui-même. Comme pour nous mettre en garde, Matthieu insiste sur Judas comme étant l’un des 12 apôtres. Quand Jésus annonce qu’il va être trahi par l’un des disciples, la réaction de Judas et des autres disciples est la même : « ce n’est pas moi, n’est-ce pas ? », un seul mot distingue Judas des autres disciples, il appelle Jésus « Rabbi », c’est-à-dire « Maître » et non pas « Seigneur » comme les autres.

J’y lis une invitation à être lucide sur nous-mêmes et à toujours laisser la Bonne nouvelle de Jésus-Christ nous transformer en profondeur, à ne pas se contenter de vivre l’Evangile en surface, mais à reconnaître Jésus comme seigneur de nos vies. Si Judas trahit Jésus, tous les autres disciples l’abandonneront aussi. Seul Jésus vivra jusqu’au bout la fidélité à ce qu’il enseigné, l’amour jusqu’au bout, jusqu’au don de sa vie sur la croix.

C’est dans ce repas qui donne sens à sa mort que Jésus nous rejoint et se donne à nous, pour nous transformer encore et toujours de l’intérieur. C’est dans le don de la vie de Jésus, mort et ressuscité, dans la fidélité à l’amour de Dieu que tout se joue.

L’alliance entre Dieu et les humains est maintenant définie par le Christ mort et ressuscité, qui a été confronté au mal, qui en est mort pour le transformer de l’intérieur.

Sans fermer les yeux sur le mal, Dieu offre en Jésus-Christ son pardon, pour renouveler nos vies, pour renouveler le monde. En Jésus-Christ mort et ressuscité, dans cette Cène partagée, nous recevons le pardon nécessaire, nous recevons un chemin pour briser le cycle du mal et vivre le Royaume de Dieu.

Au-delà du mal et de la violence, notre monde a besoin de pardon, de guérison. Nos vies en ont besoin aussi. C’est en étant lucide sur le mal, en ouvrant les yeux et en suivant le Christ que nous pourrons entrer dans ce chemin de vie.

Un jour, nous l’espérons, les armes se tairont. Jésus nous appelle à vivre de son amour pour dépasser le mal, sans naïveté, mais avec une espérance nouvelle. C’est non seulement possible, mais c’est aussi nécessaire.

Jésus nous fait don de sa vie, pour renouveler nos vies. C’est son amour, lucide et exigeant qu’il nous offre et nous appelle à vivre, pour les autres, pour la nature et la création, pour toute créature et donc aussi pour nous-mêmes comme nous sommes.

C’est ce que nous annonçons en célébrant la Cène. Nous le vivons pour nous en laissant le Christ habiter nos vies. Nous l’offrons au monde comme chemin de vie possible pour briser le cycle de la violence et de la destruction de la planète.

Jésus dit : « Ceci est mon sang, le sang qui garantit l’alliance de Dieu et qui est versé pour une multitude de gens, pour le pardon des péchés. Je vous le déclare: dès maintenant, je ne boirai plus de ce vin jusqu’au jour où je boirai avec vous le vin nouveau dans le Royaume de mon Père »

Les dernières paroles de la Bible en Apocalypse 22 disent cette espérance et cette attente de Dieu en Jésus-Christ qui nous en met en relation les uns avec les autres :

Jésus dit : « Oui, je viens bientôt! »

Amen! Qu’il en soit ainsi! Viens, Seigneur Jésus!

Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec tous.

Amen.