Prière – Repentance et pardon – en pdf
Lectures bibliques: 1 Corinthiens 13,8-18; Luc 4,21-30 en pdf
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Quel récit terrible ce matin dans l’Evangile ! Alors que chez Marc et Matthieu le même événement est rapporté brièvement – l’incrédulité des auditeurs de Jésus, le proverbe « du prophète pas reçu chez les siens » – chez Luc ça déménage !
Au début, ses auditeurs admirent et s’étonnent des paroles merveilleuses que Jésus prononce, lui que tous connaissent comme on se connait dans un village. Mais rapidement, la situation tourne et devient si violente qu’on cherche à le tuer !
Comment ses concitoyens sont-ils passés si rapidement de l’admiration à la haine ? On l’entrevoit, comme un grain de sable dans le récit, dans cette remarque : « Pourtant, cet homme-là, c’est bien le fils de Joseph ! » On pourrait prendre cette phrase comme un simple constat : évidemment qu’on reconnait celui qui, peu de temps avant, était charpentier comme son père, avait fait ses écoles avec les gosses du village. Et cet étonnement est légitime et même pourrait bien être le nôtre si, par exemple, un enfant de notre Vallon devenait prix Nobel de quelque chose, ou Secrétaire générale de l’ONU, Pape ou… ce que vous voyez comme un niveau de réussite exceptionnelle. On se dirait avec fierté : « Nous, on l’a connu, on a grandi ensemble. »
Jésus n’entend pas cette fierté dans la remarque de ses concitoyens. Il y perçoit le doute que, franchement, ce n’est pas possible que le fils de Joseph ait cette autorité dont il parle, qu’il soit celui que les Ecritures annoncent comme l’Envoyé ultime de Dieu.
Essayons de nous mettre à leur place : untel se lèverait dans notre Eglise et dirait : « Dieu me parle en clair et me dit tout ce dont vous avez de savoir pour lui plaire. Je suis l’interlocuteur de Dieu, de Jésus et de l’Esprit Saint. Croyez mes paroles, elles ne sont pas de moi mais du Dieu trois fois saint. » Moi le premier, j’aurais comme première réaction de le prendre pour un illuminé ! Il en faudrait beaucoup pour qu’il me convainque. Se prendre pour un intime de Dieu, en plus pour nous qui nous disons et croyons bien au courant de ce que Dieu dit et promet, faut oser !
Jésus réagit très fortement au rejet qu’il perçoit dans les propos feutrés de ses auditeurs, et il en tire un enseignement qui va mettre le feu aux poudres : ce qu’il venait offrir à ses concitoyens, d’autres les recevront, comme cela s’est passé pour la veuve phénicienne et le lépreux syrien. Jésus se dit l’Envoyé attendu par tous, mais il se donnera aux païens et non aux Juifs qui le rejettent ? La colère et la haine n’ont pas besoin de plus pour se manifester !
Au cours des siècles, on rejettera Jésus pour d’autres raisons mais à la base de tous les rejets il y aura le même refus fondamental suggéré ici par la perplexité de l’auditoire : « Ce n’est que le fils de Joseph. » Ceux qui pensent que Jésus n’est qu’un homme, même s’ils l’admirent beaucoup, ne peuvent pas lui donner dans leurs pensées et dans leurs vies la place énorme qu’il demande. Ils acceptent l’homme, ils rejettent le Fils de Dieu.
Encore une fois, interrogeons-nous : nous croyons en Dieu le Père et en son Fils Jésus, etc…, mais : n’avons-nous une manie d’annexer Jésus à nos idées ou à notre milieu qui pourrait ressembler à passer à côté de l’esprit de Jésus et donc à le refuser lui-même.
Je vous donne un exemple vécu : tel paroissien très fidèle considère qu’aller rencontrer le Seigneur dans un culte ailleurs que dans le temple de son village est impensable. Il attend que le culte s’y déroule pour venir ; et maintenant, il attend parfois longtemps ; et parfois, ce dimanche-là, il n’est pas disponible. Les rendez-vous avec le Seigneur s’espacent, car Jésus de Nazareth, auquel on croit quand il s’appelle Jésus de Couvet, Jésus des Bayards ou Jésus de mon village, ce Jésus-là n’est pas le véritable Jésus ressuscité et vivant. C’est l’idole de mon cœur, de ma mémoire, de mon passé.
De même, des croyants acceptent volontiers Jésus en bloc tant que leur vie est tranquille. Mais qu’une parole de Jésus les touche et les place devant un choix qu’ils n’avaient pas prévu et le refus monte à leurs lèvres : « Tu ne peux pas me demander ça ! » Ils rejettent Jésus « hors de la ville », hors de leur vie. Rien n’est plus navrant que de voir tant de foi, et même une longue vie de fidélité, transformées en méconnaissance, en abandon, en haine. Il faut faire très attention, je crois, à une certaine manière de trier, dans l’Evangile, ce qui nous va et ce qui ne nous va pas : nous risquons de préparer dans un coin de notre cœur le rejet de Jésus.
« Mais Jésus passe au milieu d’eux et continue sa route. » Jésus passe, avec ses appels et ses offres. C’est généralement facile de lui dire oui, l’Evangile n’est pas fait pour des gens exceptionnels mais pour les petits. Si pourtant cela devient plus dur, ne lâchons pas celui qui seul « a les paroles de la vie éternelle ». Il irait son chemin, vers d’autres qui auront plus de foi et de courage. Amen.