Prédication de David Allisson, 19 juillet 2014, Môtiers
Texte biblique: Matthieu 13,24-30
Le bon grain et l’ivraie.
Quand on utilise cette expression, d’habitude, c’est pour dire qu’on va s’efforcer de faire le tri entre ce qui convient et ce qui ne convient pas. On va garder le bon et se débarrasser du mauvais.
Mais le texte duquel nous tirons cette expression ne voit pas les choses de la même manière.
Faire le tri, c’est pour la déchetterie. Ici cela se passe autrement.
Au lieu d’expliquer comment faire le tri entre le bon grain et l’ivraie, le propriétaire du champ de la parabole demande à ses ouvriers de tout laisser pousser.
Et il y a bien des fois où cela nous agace de devoir garder le mauvais avec le bon au lieu de pouvoir faire directement le tri pour éclaircir la situation ! Nous préférons nettement profiter du bon et jeter le mauvais tout de suite.
C’est bien normal pour nous de choisir le meilleur quand c’est possible. C’est bien normal aussi de choisir ses influences et ses fréquentations parmi celles qui seront bonnes pour nous. C’est aussi ce que nous souhaitons à Noah. Ses parents, parrain et marraine et toutes celles et ceux qui vont contribuer à son éducation veilleront à ce qu’il apprenne à choisir ce qui sera bon pour lui dans la vie.
Mais d’un autre côté : pour qui est-ce que nous nous prenons quand nous voulons tout trier, tout décider tout de suite et nous débarrasser de ce que nous trouvons mauvais ? Est-ce que nous pouvons vraiment prétendre savoir exactement ce qui est bon pour le monde et pour nous ?
Laissons leur chance aux rencontres et aux découvertes que nous pouvons faire. Que cela soit des idées ou des gens étranges qui ne nous intéressent pas du tout au premier abord, ou encore des idées ou des gens que nous pensons trop bien connaître et qui nous énervent parce qu’ils sont figés, prévisibles ou inintéressants. Garder une même attention pour ce qui deviendra bon et ce qui se révélera mauvais, c’est aussi laisser au bon la possibilité de se développer jusqu’à maturité.
Non, la parabole ne donne pas la méthode qui nous permettra de séparer efficacement le bon grain de l’ivraie. Elle dit même exactement le contraire : laissez-les pousser ensemble et le tri sera fait bien plus tard.
Nous n’aimons pas cela. Quand nous nous sentons comme du blé étouffé par l’ivraie, nous voudrions que les choses se règlent plus rapidement.
Vivre comme bon me semble et éliminer ce qui m’empêche de grandir haut et droit, voilà ce qui me conviendrait. Quand je me donne la mission de trier entre le bon et le mauvais, je me donne le pouvoir de juger. Et de là à devenir moi-même l’ivraie pour celui que j’empêche de grandir, il n’y a pas beaucoup.
La parabole de l’ivraie n’est pas le prétexte qui doit nous inciter à juger les autres. Elle doit rester ce qu’elle était au début : un encouragement à trouver ses ressources en Dieu.
Pour laisser cette parabole pousser en nous, je vous propose de nous voir nous-mêmes comme ce champ dans lequel poussent le bon et le mauvais. Nous avons la promesse que l’ivraie n’étouffera pas en nous le bon grain.
Quand nous disons « il y a des gens qui sont le bon grain et il y a les autres qui sont l’ivraie », cela nous entraîne à juger et à condamner.
Plutôt que de nous voir comme le grain, voyons nous comme le champ. En nous pousse du bon et du mauvais, et nous avons la promesse que Dieu, au moment de la moisson, saura reconnaître l’un et l’autre et c’est lui qui fera le tri. Prenons cela comme un encouragement à aller à la découverte du monde, de Dieu, des autres et de nous-mêmes.
A la fin de l’évangile de Matthieu, il y a ce texte que nous avons entendu tout à l’heure au moment du baptême. Nous y voyons Jésus demander à ses disciples de porter son message dans le monde et de baptiser en son nom : « Des gens de toutes les nations faites mes disciples ; baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à pratiquer tout ce que je vous ai commandé. » et il ajoute : « Et sachez-le : je vais être avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » [Mt 28,19-20]
Jésus demande d’enseigner à pratiquer ce qu’il a commandé. Quand on a demandé à Jésus quelles étaient ses exigences et quel était le commandement le plus important, voilà ce qu’il a répondu : « Tu aimerais le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C’est là le plus grand, le premier commandement. Un second aussi est important : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » [Mt 22,37-39]
Aimer Dieu et son prochain, ce n’est pas le baromètre avec lequel nous pouvons juger les autres, c’est au contraire ce qui nous permet de construire le respect et l’ouverture à l’autre. C’est ce qui nous incite à aller à sa rencontre. Dieu lui-même nous y invite.
Amen.