Mt 13,44-46 (trad. Bible en français courant)
44Le Royaume des cieux ressemble à un trésor caché dans un champ. Un homme découvre ce trésor et le cache de nouveau. Il est si heureux qu’il va vendre tout ce qu’il possède et revient acheter ce champ. 45Le Royaume des cieux ressemble encore à un marchand qui cherche de belles perles. 46Quand il en a trouvé une de grande valeur, il va vendre tout ce qu’il possède et achète cette perle.
Prédication de Hyonou Paik, les 26 et 27 juillet 2014 (à Môtiers et à La Côte-aux-Fées)
« Qu’est-ce que tu veux devenir plus tard ? » Nous posons souvent la question aux enfants ou adolescents en attendant une réponse qui peut nous faire rêver, nous attendrir ou nous surprendre. Qui ne s’est jamais émerveillé devant un enfant qui possède une infinité de possibilités ? Dans la plupart des cas, les enfants répondent à la question en donnant un nom de métier : paysan, médecin, boulanger, professeur, conducteur de camion… Ils reflètent ainsi ce que nous, les adultes, faisons. Nous demandons : « Que faites-vous dans la vie ? », et nous nous présentons avec le nom de la profession que nous occupons ou que nous avons occupée.
Bien sûr, ce que nous sommes au plan professionnel fait partie de notre existence. Il est important que le travail participe à l’épanouissement de la vie d’une personne. C’est pourquoi nous déplorons la précarité de la situation de certains métiers, l’inégalité absurde des salaires dans certains milieux. Celles et ceux qui souffrent dans leur travail ou de l’absence de travail nous préoccupent. Mais chacun sait aussi que notre vie ne se résume pas aux noms de nos métiers. Que faites-vous dans la vie ? Vous faites énormément de choses. Des choses les plus banales aux plus passionnantes ou uniques. Tout cela fait de chacun ce qu’il est, ce qu’elle est.
Pourquoi voulons-nous tellement devenir quelqu’un tout au long de la vie ? Au point de croire que je serais vraiment quelqu’un quand je serai à tel ou tel poste, quitte à devoir marcher par-dessus des autres ? Pourquoi sommes-nous si intéressés par ce que nous faisons dans la vie ? Au point qu’à entendre le nom de son métier ou de sa passion, on croit parfois avoir compris qui il est ? Chacun a une idée plus ou moins claire de ce qui est pour lui le trésor de son existence, le trésor qu’il n’abandonnerait pour rien au monde. Votre estime de soi est-elle liée à votre carrière ou à votre passion ? Au sentiment de plénitude d’être un bon père ou une bonne mère ? A l’exploit que vous avez réalisé ou réaliserez un jour ? Quelle est la perle précieuse que vous choyez ?
Les paraboles de Jésus que nous avons entendues tout à l’heure résonnent ainsi avec l’expérience de notre vie. Il s’agit de la question des priorités. Nous trouvons un vrai trésor, et cela nous pousse à relativiser tout ce que nous croyions précieux jusque-là. Devant la belle perle trouvée, tout ce qui brillait auparavant à mes yeux perd sa lumière. Ce qui se passe quand un homme trouve un trésor ou une belle perle est comparable à ce qui se passe, ou à ce qui doit se passer inévitablement, quand un homme découvre le Royaume des cieux.
Mais ce n’est surtout pas une recommandation de fanatisme. Car ce n’est pas le Royaume comme tel qui est comparé à un trésor ou à une perle, à l’instar d’une idéologie ou d’un style de vie. Plutôt, ce qui se passe dans le Royaume est comparé à ce qui se passe lorsque quelqu’un découvre un trésor ou une perle de grand prix. Jésus nous apprend ce qui se passe selon la logique du Royaume de Dieu.
Quand Dieu règne, que se passe-t-il ? Les Écritures ne cessent de témoigner que notre Dieu est le Dieu de justice, de paix et d’amour. Où se manifeste pleinement le visage de ce Dieu ? Dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ. L’apôtre Paul comprend cette manifestation du règne de Dieu en Jésus-Christ en ces termes : « quand nous étions encore incapables de nous en sortir, le Christ est mort pour les pécheurs […] Dieu nous a prouvé à quel point il nous aime : le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs » (Rm 5,6.8). Et l’apôtre déclare que « nous avons été ainsi rendus justes devant Dieu […] et nous sommes maintenant en paix avec lui » (Rm 5,1). Dieu nous a aimés, avant que nous fassions quoi que ce soit selon les critères et les normes de ce monde. Il nous a considérés comme son trésor, comme la belle perle. Quand on dit que « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jn 3,16), c’est cela que nous confessons. Dieu nous relève ; c’est sa justice. Il nous accepte tels que nous sommes ; c’est sa paix. Il a ainsi manifesté comment il règne. Dans son Royaume de justice, chacun de nous est relevé malgré sa faiblesse ; dans son Royaume de paix, nous pouvons vivre ensemble malgré nos différences.
La Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, c’est que nous ne sommes pas condamnés à devenir sans cesse quelqu’un. Dieu reste fidèle dans la relation de paix avec nous. Nous pouvons donc être en paix avec nous-mêmes et avec les autres. Ainsi, je peux être désolé de manière vraie quand je me vois à nouveau en quête de devenir quelqu’un aux yeux du monde. Nous pouvons déplorer de manière vraie quand un conflit fait des victimes, comme en Israël et en Palestine, chacun accusant l’autre. Dans un cas comme dans l’autre, nous avons besoin, encore et encore, d’entendre les paraboles du trésor et de la perle et de prier pour le règne de Dieu. La justice et la paix de Dieu sont à chercher en premier. Nous pouvons le faire car Dieu nous devance sur ce chemin.