Culte du 8 janvier 2023 à Fleurier
Epiphanie
Lecture de Ephésiens 3, 2-3a + 5-6
Lecture de Matthieu 2, 1-12
Prédication de Véronique Tschanz Anderegg
Quand j’ai lu le texte d’aujourd’hui, 2 réactions me sont venues :
- Quels moyens divers et variés Dieu met en route pour nous parler (étoile, rêve, chemin)
- Il n’y a pas beaucoup de femmes dans cette histoire !
C’est à la lumière de cette dernière constatation que j’ai essayé d’imaginer ce qu’aurait été l’histoire si les mages avaient été des femmes !
Elles :
… auraient sûrement du demander leur chemin au cours du voyage !
… auraient aidé à l’accouchement,
… auraient nettoyé l’étable et apporté des fleurs,
… auraient préparé un repas, vite fait
… auraient apporté des cadeaux utiles, tels que des langes, du lait, une layette
… auraient trouvé la salle d’accouchement rustique et auraient remué ciel et terre pour trouver un autre logement
… auraient pensé que le bébé n’a pas les oreilles de Joseph !
Et si Dieu utilisait aussi l’humour pour nous parler ? Sauf que ce texte n’est pas franchement drôle ! Non, mais il est rempli d’ironie.
Exemple : ce sont les mages, donc des païens étrangers, qui reconnaissent l’enfant messie, alors que le peuple juif avait été averti par les prophètes d’un tel événement… Ironie !
Exemple : la source de la révélation des mages est une étoile, puis un rêve, alors que le peuple juif possédait la Torah… Ironie !
Exemple : c’est Hérode, roi juif et pratiquant qui devrait se prosterner et se réjouir de l’annonce de la venue du Messie… c’est lui qui va commander la mise à mort des Innocents et qui a peur de se voir détrôner… Ironie !
Et cela m’amène à la première réaction que j’ai éprouvée en lisant ce récit des mages : Dieu met en route des moyens divers, variés et inattendus pour nous parler et pour nous faire rencontrer le messie.
Probablement que l’ironie et l’humour sont un premier canal !
Dans ce texte, je trouve que Dieu emploie d’autres canaux pour nous approcher.
- Canal du VOIR :
Les mages de notre histoire sont en fait des astrologues, des savants inspirés par l’observation des étoiles.
Le départ de leur quête, c’est de VOIR un phénomène inhabituel dans le ciel (probablement le passage de Saturne devant Jupiter qui avait été vécu en l’an – 7 avant JC).
Les mages observent cette drôle d’étoile qui brille autrement et décident de la suivre pour comprendre, découvrir, réaliser.
Au bout de leur voyage, ils auront compris, découvert, réalisé… mais d’un point de vue spirituel et humain.
Une étoile, ça représente le berceau de l’Univers. De tout temps, les étoiles ont servi de guide, de lumière. Elles font partie de l’ensemble du cosmos, de la nature.
Je crois que cette nature continue de nous parler de Dieu. Elle nous enseigne la beauté, l’humilité, le courage, la reconnaissance.
Alors comme les mages, prenons le temps de VOIR, d’observer, de suivre l’enseignement des étoiles et de tous les êtres de la Création.
C’est un canal de Dieu, sans aucun doute !
Un autre canal que je perçois dans ce récit de Mathieu, c’est le :
- Canal du CHERCHER
Chez Matthieu, ce canal est incarné par les mages. Ils viennent d’Orient. Ils ne sont pas juifs, ils ne connaissent ni les Ecritures, ni les lois, ni les pratiques religieuses d’Israël.
Ce sont pourtant eux qui vont bouger, se mettre en marche pour chercher, comprendre.
Et ils vont découvrir Dieu… un Dieu qui se fait présent dans un monde de désolation.
Le décor a pour toile de fond la même atmosphère que celle où notre société évolue. C’est un massacre d’enfants innocents, c’est aussi l’histoire d’hommes et de femmes qui quittent leur pays et s’exilent à l’étranger pour avoir la vie sauve, cherchant leur salut à travers les flots, sur des bateaux qui prennent l’eau sur une mer hostile.
Et pourtant, les mages sont allés jusqu’au bout de leur quête, ils ont vu le messie et se sont fait porte-parole de Dieu, afin que celui-ci continue encore et encore de se faire connaître au monde.
Les mages nous disent que l’exilé n’est pas seulement un homme, une femme qui doit quitter son pays pour survivre.
L’exilé est une histoire, une profession, un savoir-faire, un puit de connaissances, d’expériences et de découvertes.
Alors prenons le temps de nous mettre en marche, de CHERCHER, de comprendre. Nous découvrirons alors des trésors, un bout du messie, une nouvelle compréhension de Dieu.
- Le canal du RÊVER
Dans l’Ancien Testament, les songes sont fréquents : ce sont des moments où les hommes apprennent quelque chose de Dieu. Ils ont parfois une vision à ce moment-là, comme celle d’un ange.
Pouvons-nous, aujourd’hui encore, considérer certains rêves comme des messages divins ?
A l’heure actuelle, le sujet est très controversé. La psychanalyse est passé par là ! Certains théologiens nous mettent en garde sur une interprétation abusive de nos rêves.
Mais j’ai retenu une affirmation d’une théologienne, Véronique Lévy qui a expérimenté beaucoup de rêves dans son adolescence :
« Le rêve n’est pas une connaissance intellectuelle qui serait déconnectée du cœur.(…).C’est une connaissance de l’amour.
Les songes sont une façon pour Dieu de nous rejoindre, de venir nous rencontrer dans le plus intime de nos vies, dans nos blessures, dans nos peurs, dans nos fragilités, à ce moment où l’intellect est en veille et où Dieu peut se déployer et rayonner »
Alors peut-être que le rêve des mages est une façon de nous inviter à RÊVER, ou plus simplement à nous déconnecter du rythme trépidant de notre société, à laisser de la place à la méditation, à la lenteur, à la rêverie ?
Le dernier canal qui me touche dans le récit de Matthieu, c’est :
- Canal du EXPERIMENTER
Le récit ne précise pas ce qu’il s’est passé pour les mages une fois arrivé auprès de la famille. Ils ont été remplis de joie, ils ont adoré l’enfant et ils ont offerts leurs présents.
A part la sensation de joie, aucune émotion n’est décrite. Et pourtant, ils ont tout de même dû ressentir quelque chose pour en arriver à se prosterner et à offrir des cadeaux de grand prix à des inconnus.
Peut-être ont-ils expérimenté la force d’une présence ? Éprouvé la satisfaction d’un objectif atteint ? Vécu l’entière satisfaction d’une découverte capitale ?
On l’ignore, mais ce qui est sûr, c’est que leur expérience spirituelle leur permet de comprendre un songe et de repartir chez eux.
Le texte précise bien : ils rentrent par un autre chemin… et si cela signifiait que leur expérience a changé leur façon de comprendre leur existence. Ils ne pouvaient simplement pas passer par le même chemin, parce qu’ils avaient EXPERIMENTE Dieu.
Ce retour des mages par un autre chemin m’a fait penser à un chant : « Ne rentrez pas chez vous comme avant ».
Alors peut-être que l’expérience des mages est une invitation à expérimenter Dieu, à oser sortir des sentiers battus, à rencontrer d’autres façons de vivre la foi ?
Paradoxalement, mes plus belles rencontres avec Dieu se sont passées à la Chrysalide. Parce qu’il n’y a plus ni fard, ni masques. Parce que l’essentiel peut se vivre.
L’expérience des mages s’est vécue dans une étable, sans décorum, sans paillettes. Là où Dieu se trouve et se révèle.
Amen