Culte à Môtiers à 17h
Textes bibliques :
- 2 Corinthiens 3, 1-6
- Marc 4, 26-29
Le Royaume de Dieu, à semer et à vivre
Prédication de Patrick Schlüter
Royaume de Dieu… Alliance nouvelle…
Ces mots peuvent résonner à nos oreilles comme un refrain, plus ou moins connu. Mais qu’est-ce qu’il y a derrière ces mots ?
Les mots doivent prendre sens pour nous aujourd’hui, sinon, ils ne sont que des coquilles vides.
Qu’est-ce que le Royaume de Dieu ?
Vaste question et il n’y a pas une réponse unique, mais plusieurs manières d’expliquer ce qu’est le Royaume de Dieu. On peut l’approcher avec des images. Mettons-nous à l’écoute de ce que dit Jésus.
Il en est du Royaume de Dieu comme d’un homme qui jette la semence en terre et cette semence pousse sans qu’il sache comment…
C’est avec une image très simple que Jésus parle. Tout le monde sait ce qu’est une graine, un homme qui sème, de la terre.
Essayons de regarder de plus près ce que Jésus veut dire.
La première idée, c’est d’identifier le Royaume de Dieu à la semence qui pousse toute seule. A l’époque de Jésus, les hommes de l’Antiquité étaient frappés par le mystère de la nature qui se développe sans qu’on sache comment. Aujourd’hui, nous avons plus d’explications, mais je crois que nous sommes toujours frappés par le développement de la nature.
Durant l’hiver, la végétation se met en sommeil, se protège tout comme les animaux. Au printemps, la vie repart tout en semblant fragile, puis elle se développe et reprend de plus belle. Bien sûr, la nature est impactée par le changement climatique, mais elle trouve souvent un chemin pour se développer.
Jésus nous dit : le Royaume est là comme une semence qui pousse toute seule. Peut-être que nous ne le voyons pas, peut-être qu’il semble petit et fragile, mais il est là et il se développe.
Si le Royaume de Dieu est une semence, nous pouvons nous sentir comme cet homme qui sème. Nous donnons ce que nous sommes, ce que nous avons appris, mais très souvent, nous sommes témoins de quelque chose qui a poussé, qui s’est développé tout seul, que ce soit avec nos enfants, avec les personnes que nous côtoyons, ou encore dans la vie de l’Église.
Le Royaume de Dieu, c’est d’abord quelque chose à recevoir en s’émerveillant. Le Royaume peut se recevoir dans le sourire d’un enfant, dans une poignée de main, dans une rencontre. Nous avons à le transmettre comme une graine.
Notre monde vit peut-être quelque chose qui ressemble à un temps d’hiver avec les guerres et les défis climatiques. Nous peinons à savoir quels chemins emprunter, mais les forces de vie et de résurrection sont à l’œuvre même si nous ne les voyons pas.
Jésus dit :
Il en est du Royaume de Dieu comme d’un homme qui jette la semence en terre et cette semence pousse sans qu’il sache comment…
Ma première idée, c’était d’identifier le Royaume de Dieu à la semence, mais il y a une autre possibilité. C’est la richesse de ces histoires que Jésus raconte. Nous pouvons les recevoir de différentes manières qui nous enrichissent.
On peut associer le Royaume de Dieu à l’homme qui jette la semence en terre et qui constate qu’il n’est pas maître du développement de la graine. Ainsi, nous ne sommes pas seulement semeurs du Royaume de Dieu, mais nous vivons le Royaume, nous pouvons en être porteurs, nous pouvons être une image du Royaume de Dieu.
Le Royaume, c’est quand nous acceptons d’entrer dans une autre logique que celle de la maîtrise de nos vies ou de celle de nos proches. Le Royaume de Dieu, c’est quand un être humain vit une sorte de lâcher-prise, de confiance en Dieu qui fait grandir les choses.
C’est de cette expérience-là dont parle l’apôtre Paul. Il constate que la foi des Corinthiens a grandi, que Dieu l’a gravée dans leurs cœurs. Paul a fondé la communauté de Corinthe, mais maintenant, il renonce à se recommander lui-même. Il constate qu’il est simplement participant de l’œuvre de Dieu. Et une relation de réciprocité peut s’installer avec les Corinthiens. Paul peut recevoir d’eux, comme il peut leur donner. Tout cela s’intègre dans l’action de Dieu par son Esprit.
Il s’agit de vivre le lâcher-prise, de se savoir participants du Royaume de Dieu que nous ne maîtrisons pas. C’est vivre une relation de réciprocité : je donne, mais j’ai aussi beaucoup à recevoir. C’est aussi cela le Royaume de Dieu. L’être humain est image du Royaume de Dieu quand il lâche la maîtrise de sa vie et de celle des autres pour vivre dans la confiance.
Ce lâcher-prise, nous pouvons le vivre dans différents domaines : l’éducation des enfants, la construction d’une relation de couple ou d’amitié, le travail ou les réflexions sur la vie de l’Église. Il s’agit de redonner une juste place à ce que nous faisons.
Cela vaut aussi pour les défis de ce monde. En me rendant à Fleurier ce matin pour la rencontre Godly Play, j’ai entendu à la radio l’émission « Prise de terre[1] ». Il y avait le témoignage de Jo Boegli, la metteuse en scène d’une pièce de théâtre interactive jouée à Lausanne intitulée « Et si l’histoire finissait bien ». Elle racontait comment elle est sortie d’une sorte d’éco-anxiété en acceptant d’agir par de petites choses à son niveau, de sortir de la solitude. Il s’agit de retrouver une sorte d’esprit d’enfance avec la question « et si… »
L’homme de la parabole joue son rôle en prenant soin de la semence, mais il lâche prise sur le travail de nature. Ainsi, il vit le Royaume de Dieu et en devient parabole.
Jésus dit : Il en est du Royaume de Dieu comme d’un homme qui jette la semence en terre et cette semence pousse sans qu’il sache comment…
Que cette parabole nous accompagne en ce début d’année pour nos vies, pour celle de notre Église, et pour notre monde.
Amen.
[1] Lien vers l’émission : https://pages.rts.ch/la-1ere/programmes/prise-de-terre/14588451-prise-de-terre-du-13-01-2024.html