Message apporté pour l’Ascension par Véronique Tschanz Anderegg, le 21 mai 2020
Lecture biblique: Actes 1, 1-12
Lors d’une rencontre avec une personne endeuillée, celle -ci m’a dit : « Je me sens tiraillée entre terre et ciel … la terre pour illustrer la rudesse de mon deuil, ma souffrance, le vide de la séparation. Et la promesse d’un ciel, avec l’espoir que la souffrance s’atténue, que je puisse à nouveau rire ».
Entre terre et ciel… cela m’a rappelé le récit de l’ascension. Le récit intervient alors que les disciples vivent le deuil de leur ami Jésus.
A quelque part, en ce printemps 2020, nous sommes en deuil. En deuil de nos disparus « en catimini », de notre liberté, de nos rencontres familiales, cultuelles, professionnelles.
Je vous propose de lire ce récit de l’Ascension comme un temps de traversée « entre ciel et terre », tel une sorte de rite de passage de deuil.
Un deuil est marqué par 3 grandes phases :
1) La phase de coupure, de séparation. Dans l’histoire des disciples, cette phase se fait bien sûr au moment de la mort de Jésus, avec son lot de sidération, de culpabilité, de questions, de révolte.
2) La phase où l’on passe d’une relation physique, à une relation spirituelle. C’est le moment où l’on se remémore ce que l’on a vécu, les joies, les difficultés de notre existence.
Le défunt n’est plus là. On a beau scruter les cieux, il n’y a plus rien à voir, plus rien à envisager du côté de la présence physique.
Dans le récit du livre des Actes, cette phase est évoquée par le récit du chemin d’Emmaüs où deux disciples passent d’une relation palpable, à une relation dématérialisée.
Le corps de Jésus est désormais inerte mais ses paroles restent et vont pouvoir continuer à produire leur effet bénéfique sur ses disciples. Plus tard, les disciples vont témoigner, raconter, propager leurs expériences.
Ce temps de deuil a peut-être duré 40 jours… 6 mois, 1an, 2… ou peut-être quarante ans, le temps qui sépare la mort de Jésus de la rédaction finale de ces actes des apôtres.
La question n’est pas le décompte des jours, mais la manière dont cette période est vécue, ce qu’on y fait, ce qu’on y expérimente, pour passer ensuite à autre chose.
Car cette 2ème phase, c’est également le temps de transition, de choix : soit nous pouvons envisager des projets, un avenir, malgré les épreuves traversées, soit nous pouvons choisir de rester prisonnier de la souffrance, des frustrations, de la tristesse.
Et c’est ainsi que nous arrivons à la 3ème phase :
3) La phase de l’adhésion. C’est le temps où nous allons adhérer à la vie, à un projet, à une trajectoire.
Le regard n’est plus fixé sur la mort ; on cesse de scruter les cieux dans l’espoir d’un retour « comme avant ». On s’oriente vers notre nouveau lieu de vie et on s’y installe avec les nouvelles expériences acquises.
Dans notre récit, c’est ce moment où les disciples deviennent entièrement responsables de l’histoire : Jésus n’est plus là pour gommer leurs erreurs, pour leur faire remonter le temps. Jésus n’est plus là pour parler à leur place.
Le départ de Jésus permet à chacun d’entre eux de se prendre en main et d’aller à Jérusalem, en Samarie, et ailleurs dans le monde pour y exercer ses nouvelles responsabilités.
On peut voir l’Ascension comme ce passage de l’état d’enfant à celui d’adulte.
Ou encore, sans jeu de mots, comprendre l’Ascension comme une dynamique d’élévation, qui nous rend plus humains, qui nous grandit.
L’Ascension est peut-être ce processus qui aboutit à ce que l’être humain soit en situation de répondre présent aux défis que lui lance la vie.
Quels sont les défis que nous lance la vie à travers cette pandémie et les deuils qui en découlent ?
C’est probablement un peu tôt pour répondre à cette question, car nous nous trouvons encore dans la deuxième phase (temps de la réflexion, du recul, du choix).
De plus, chaque personne est appelée à trouver sa propre réponse.
Les propos qui suivent ne sont que quelques pistes de réponses personnelles aux défis que me lance ce printemps spécial.
Pour moi, adhérer à cette dynamique d’Ascension, c’est apprendre l’humilité pour retrouver ma place d’être humain : un partenaire parmi tant d’autres dans notre écosystème.
Participer au mouvement de l’Ascension, c’est ralentir notre rythme effréné de production, de consommation pour se mettre au diapason de la cadence des saisons
Soutenir la symbolique de l’Ascension, c’est refuser de stigmatiser et d’ajouter de la peine à la peine.
Consentir au mouvement de l’Ascension, c’est s’opposer aux logiques de violence collective perpétrées aux humains, aux animaux, aux montagnes et aux océans.
Avoir en tête cette force de l’Ascension, c’est continuer de croire que les paroles qui forment l’Evangile rendent l’homme plus humain… Et rendre l’homme plus humain, c’est vraiment un défi, de nos jours. Amen.