14 juin 2015 – Travers, culte, 10h, Prédication de Patrick Schlüter
Lectures de la Bible:
Ezéchiel 17, 22-24
Marc 4, 26-34
Prédication
Un cèdre sur une montagne, la semence qui pousse toute seule dans les champs, une graine qui devient un arbre : on peut dire que les lectures de ce dimanche sont de saison ! Probablement que dans cette période, vous prenez le temps de vous promener pour admirer la nature, à moins que vous ne soyez accaparé par votre jardin qui demande des soins. C’est que la nature a considérablement poussé : il est parfois difficile de suivre !
Se promener dans la nature ou s’occuper de son jardin, ce sont aussi des moments où l’on prend parfois le temps de réfléchir à la marche du monde, à sa vie, à la vie de l’Eglise.
Cette semaine, j’ai participé au colloque de fermeture de la Faculté de théologie de l’Université de Neuchâtel qui disparaît à fin juillet. Un moment intéressant, mais aussi triste pour notre canton, un moment qui pose la question de l’avenir de la réflexion théologique dans notre canton, importante pour offrir à la population une réflexion éclairée sur des thèmes religieux, pour stimuler l’Eglise et pour former les pasteurs. Ce colloque a aussi été l’occasion de réfléchir à de grandes questions du monde comme le sens que nous donnons aux événements. Est-ce que tout projet doit être dominé par une perspective économique ? Est-ce que la valeur des choses se limite à ce qu’il est possible d’en dire en matière de valeur marchande ? Non évidemment, mais c’est souvent ainsi que fonctionne notre monde.
Mes réflexions de ces derniers temps, ce sont aussi le synode et l’avenir de notre Eglise réformée. Dans la paroisse, c’est aussi la concentration des cultes que le Conseil paroissial a décidée pour la rentrée.
J’ai aussi entendu autour de moi, beaucoup de personnes touchées par le décès de personnes connues qui les ont marquées.
Marcher ou jardiner, c’est aussi l’occasion de se demander ce qui pousse dans nos vies, dans notre monde et de s’interroger l’avenir que parfois l’on voit sombre ou du moins rempli de questions et d’incertitudes pour toutes sortes de raisons.
Qu’est-ce que les textes d’aujourd’hui ont à nous dire là-dessus ?
En les découvrant, j’ai été frappé par la parenté de ces 2 textes : Le rameau d’un cèdre qui pousse sur une haute montagne par l’action de Dieu et la graine de moutarde qui devient un arbre. Tant le cèdre que l’arbre à moutarde servent d’abri aux oiseaux du ciel. Ces 2 textes montrent que Dieu veut intervenir pour toutes les nations. Finalement, on pourrait dire que Jésus n’a rien inventé. Probablement même qu’au moment où il raconte la parabole de la graine de moutarde, il a à l’esprit ces images de la Bible.
Et on pourrait même reprocher à Jésus de manquer un peu d’ambition. Une graine de moutarde qui devient un petit arbre de 1 à 3 mètres dans un champ, c’est quand même moins impressionnant qu’un cèdre aux branches étendues, planté sur la haute montagne qu’il va élever de 25 à 50 mètres. L’arbre à moutarde, ça le fait quand même beaucoup moins… même si la graine est petite !
Oui, les 2 récits se ressemblent, mais ils sont aussi différents.
Par l’image du cèdre, Ezéchiel pense à la dynastie royale d’Israël qui sera restaurée après la déportation et l’exil du début du 6ème siècle avant Jésus-Christ. Le roi, c’est le Messie envoyé par Dieu qui garantit l’alliance. Même si la dynastie royale est en difficulté par l’infidélité du roi actuel, Ezéchiel croit que Dieu est fidèle et a un avenir pour son peuple : un nouveau roi sera établi par Dieu dans le pays. Alors quand il utilise des images de la nature, Ezéchiel parle d’un cèdre sur une montagne. Pour évoquer un roi, c’est logique !
Jésus, lui, quand il parle de la nature, utilise des images du quotidien : il regarde un agriculteur travailler ; il compare la taille des semences de son époque.
Alors qu’Ezéchiel nous invite à regarder des paysages grandioses, une montagne impressionnante et un cèdre majestueux, Jésus, lui, nous invite à regarder ce qui se passe dans nos jardins et dans nos champs. Il y a là un message profond pour nos vies et pour notre Eglise.
Oui, nous sommes dans un temps où, en Occident, les Eglises perdent de leur importance. Beaucoup de choses qui ont existé sont remises en cause et tout change plus vite que prévu. Le canton de Neuchâtel, par son histoire et sa situation est même à la pointe de ces changements. La place des Eglises institutionnelles recule. La diminution des postes, la fermeture de la Faculté de théologie sont des signes de cela. Alors, oui, certains repères disparaissent. Il n’y a plus à chercher de cèdre majestueux sur une haute montagne, mais cela ne veut pas dire que rien ne pousse !
Regardez dans vos champs et vos jardins, dit Jésus. Regardez le champ de vos vies. Prenez conscience de ce qui a grandi en vous, parfois malgré vous. L’Evangile, la Bonne nouvelle, le Royaume de Dieu pousse sans que nous y puissions quelque chose. Il pousse dans nos vies comme parfois, après une tempête, après peu ou beaucoup de temps, il devient possible d’avancer, de surmonter ce qui a été douloureux. Quelque chose a poussé sans que nous sachions comment.
Pour notre Eglise, il en va de même, elle n’a plus grand-chose d’un cèdre majestueux planté sur une haute montagne comme au temps de la Vénérable Classe des Pasteurs où c’était l’Eglise qui dirigeait la société. Les moyens sont limités, mais c’est par nos vies que l’Evangile continue d’être transmis.
Manque de moyens ne veut pas dire repli : comme le cèdre, l’arbre à moutarde sert d’abri pour les oiseaux du ciel. L’Evangile de Jésus-Christ s’adresse à chaque être humain de cette terre. Pour le transmettre, il peut passer par nos vies personnelles nous dit Jésus.
Le monde a besoin de témoins, non pas forcément de témoins hyperactifs, mais plutôt de personnes qui laissent l’Evangile pousser dans leur vie et qui ne gardent pas les fruits que pour elles, mais osent les partager avec ceux qu’elles rencontrent.
Laisser pousser l’Evangile, c’est prier fidèlement, c’est avoir confiance que Dieu fait son œuvre sans que nous sachions comment, c’est aussi résister au découragement, comme cet agriculteur qui fait son travail même si la semence pousse toute seule.
Amen