La Trinité en trois cultes – Dieu le Père, les 11 et 12 juillet 2015

Icone de la Trinité de Roublev

Lecture biblique – Genèse 1,1-5,14-19,24-31 (traduction « Parole de Vie »)
Au commencement, Dieu crée le ciel et la terre. La terre est comme un grand vide. Elle est dans la nuit.
Une eau profonde la recouvre. Le souffle de Dieu se tient au-dessus de l’eau. Dieu dit : « Que la lumière brille ! » Et la lumière se met à briller. Dieu voit que la lumière est une bonne chose. Alors il sépare la lumière de l’obscurité. Dieu appelle la lumière « jour », et l’obscurité, il l’appelle « nuit ». Il y a un soir, il y a un matin. Voilà le premier jour.
Dieu dit : « Que des lumières dans le ciel séparent le jour et la nuit ! Elles marqueront les fêtes, les jours et les années. Dans le ciel, elles serviront à éclairer la terre. » Et cela arrive. Ainsi, Dieu fait les deux grandes sources de lumière : la plus grande pour commander au jour, et la plus petite pour commander à la nuit. Il fait aussi les étoiles. Dieu les place dans le ciel pour éclairer la terre, pour commander au jour et à la nuit et séparer la lumière de l’obscurité. Dieu voit que c’est une bonne chose. Il y a un soir, il y a un matin. Voilà le quatrième jour.
Dieu dit : « Que la terre produise toutes sortes d’animaux : animaux domestiques, petites bêtes et animaux sauvages de chaque espèce ! » Et cela arrive. Ainsi, Dieu fait les différentes espèces d’animaux :
les animaux sauvages, les animaux domestiques et les petites bêtes. Dieu voit que c’est une bonne chose.
Dieu dit : « Faisons les êtres humains à notre image, et qu’ils nous ressemblent vraiment ! Qu’ils commandent aux poissons dans la mer, aux oiseaux dans le ciel, aux animaux domestiques et à toutes les petites bêtes qui se déplacent sur le sol ! » Alors Dieu crée les humains à son image, et ils sont vraiment à l’image de Dieu. Il les crée homme et femme. Puis il les bénit en disant : « Ayez des enfants, devenez nombreux. Remplissez la terre et dominez-la. Commandez aux poissons dans la mer, aux oiseaux dans le ciel et à tous les animaux qui se déplacent sur la terre. » Dieu dit : « Sur toute la terre, je vous donne toutes les plantes avec leurs graines. Je vous donne aussi tous les arbres qui portent des fruits avec des pépins ou un noyau : ce sera votre nourriture. Et je donne toute l’herbe verte comme nourriture à tous les animaux de la terre, à tous les oiseaux, à toutes les bêtes qui se déplacent sur le sol, en un mot, à tout ce qui est vivant. » Et cela arrive. Dieu regarde tout ce qu’il a fait. Et il voit que c’est une très bonne chose.
Il y a un soir, il y a un matin. Voilà le sixième jour.

Prédication
Pour évoquer qui est Dieu le Père pour nous, j’ai choisi ce texte si bien connu, le premier récit de Création qui ouvre la Bible des Juifs et des Chrétiens. De ce récit, nous avons lu les 1er, 4ème et 6ème jours de cette semaine inaugurale, de ce début du Temps. De la richesse immense de ce récit, et même de ces extraits, je ne peux et ne veux dire ici que quelques éléments, mais qui me paraissent essentiels, vitaux même pour notre foi et notre vie. Dieu notre Père n’est pas un Dieu comme les autres dieux des peuples de l’Antiquité. Il n’a pas besoin de lever le petit doigt pour agir. Ici, il lui suffit de nommer ce qu’il veut voir vivre pour que cela soit. Sa parole a ce pouvoir-là : non seulement elle in-forme le lecteur du récit de comment la Création se met en place. Mais elle forme ce qu’elle désigne.

Au premier jour : « que la lumière soit ! » ; et la lumière fut. De ce tohu-bohu (terme original hébreu pour dire le chaos de l’univers avant l’intervention de Dieu), c’est d’abord la lumière qui est créée, pour que de la nuit originelle surgisse le jour. Etonnons-nous de cette intuition des auteurs de ce récit. Ils décriront la venue à l’existence des divers éléments de la Création dans un ordre proche de celui que les scientifiques nous décrivent. Alors que notre récit n’a aucune prétention scientifique – vouloir décrire comment le monde a commencé -, mais qu’il veut nous dire comment ce Dieu qui nous aime a voulu notre existence dans cet Univers dont il est le Créateur.
J’insiste ici : combien de gens raisonnables m’ont dit avoir un jour rejeté la Bible et la foi, pensant qu’on les avait bernés en présentant ces récits de Création, le nôtre en 7 jours et celui d’Adam et Eve, comme la vérité objective du début de l’Univers. Découvrant le Bib Bang et notre vraisemblable apparentement avec les grands singes, ils considèrent dès lors ces récits bibliques comme étant une illusion semblable à celle de l’existence du Père Noël, dont ils ont du faire le deuil au cours de leur enfance.
Permettez-moi ce détour : notre récit est vrai, aussi vrai qu’une déclaration d’amour. Et une déclaration d’amour qui est vraie, ça change une vie si on la prend pour soi. Mais prendre notre récit comme une vérité scientifique, qu’on peut prouver comme le fait que la terre tourne autour du soleil, etc ; malgré les chrétiens qui s’y accrochent encore, pour moi, c’est plus que du temps perdu : c’est une mauvaise lecture, qui ne mène pas au message que ce récit veut nous donner. C’est comme croire que le renard de la fable a vraiment parlé à un vrai corbeau, celui-ci tenant en son bec un vrai fromage (un camembert, probablement, à cause de l’odeur qui allèche Maitre Goupil !). Cette fable n’a rien de scientifiquement exact, tout le monde en convient. Son message, sa vérité, c’est que « par flatterie, on peut obtenir beaucoup. »
Revenons à notre récit. Dieu notre Créateur a d’abord appelé la lumière, afin que le jour et la nuit existent. Ce fut le premier jour, commençant par un soir. Et Dieu déclara cela « bien ! » ; Dieu les bénit.

Au 4ème jour, Dieu appelle à l’existence « des lumières » pour présider au jour et à la nuit, pour marquer les fêtes, les jours et les années. D’autres traductions sont plus précises encore que « lumières » : des luminaires, des lustres. Ces mots désignent le soleil, la lune et les étoiles.
Ici, il faut prendre le temps de nous replacer dans le contexte de l’Antiquité, et nous mettre dans la peau d’un non-Juif de l’époque. Qu’ils soient Egyptiens, Babyloniens, Grecs, Romains ou autres, ces non-Juifs-là, qui possèdent des civilisations somptueuses, dont les traces subsistent jusqu’à aujourd’hui, ces non-Juifs considéraient les étoiles comme des dieux, dont la connaissance – l’astrologie – est nécessaire pour la conduite de leur vie. Au sommet de la hiérarchie des dieux, c’est le Soleil qui trône le plus souvent. En effet, si le soleil ne se levait plus, dans quelle nuit, dans quel froid, dans quelle fin du monde ne serions-nous pas jetés ?
Et dans cette unanimité des peuples à considérer les astres comme des dieux, et en premier le soleil, voilà-t’y pas qu’un petit peuple de rien, ces Juifs qui n’ont de fameux qu’un Temple, qui sera détruit deux fois, ces Juifs nomment « lustres, luminaires » ceux que tous les autres adorent comme des dieux ! Un luminaire, un lustre, c’est une lampe pour éclairer une maison, ou une rue. C’est un objet très utile, mais il n’a rien d’un dieu. Déjà pour les Juifs de l’Antiquité. Vous imaginez la révolution que représente ce regard-à ? A nos yeux, disent les Juifs, notre Dieu est si grand qu’il n’est pas confondu avec l’Univers. C’est lui qui l’a créé, et tout ce qu’il a créé est une créature : depuis la lumière, par le soleil et les étoiles, et tous les vivants que sont les végétaux, les animaux, et les humains.
Je vois, dans ce regard révolutionnaire qu’ils ont, une des raisons qui font des Juifs de tous les temps ce peuple qui traverse l’Histoire en gardant sa foi originelle toujours d’actualité. Alors que les religions des Egyptiens, des Babyloniens, des Grecs et des Romains appartiennent au passé, la foi des Juifs reste vivante, formatrice, inspirante, innovante. C’est peut-être pour cela que les Juifs sont tant détestés ; ils sont jalousés par les autres peuples, car ils reçoivent une solidité, une assurance et une vitalité par leur foi qui apparait déjà dans notre récit.
Ces lustres, créés pour marquer les fêtes, et permettre de calculer les jours et les années, qui va les utiliser pour ces fonctions-là ? Ce seront, bien sûr, les humains.

Arrive le 6ème jour, et l’apparition des catégories d’animaux terrestres. Précisons : Dieu crée la végétation dans toute sa diversité, avec les animaux du ciel, de l’eau et de la terre « clé en main », c’est-à-dire avec le pouvoir de se reproduire. Cela est dit en passant, comme une évidence. Pour le dire tout simplement : Dieu crée l’Univers et toute vie pour que « ça roule de soi ».
Et, ce 6ème jour encore, Dieu dit : « Faisons l’être humain à notre image, à notre ressemblance ». L’ « être humain » est une traduction meilleure que « l’homme ». Hélas ! le français n’a pas d’autre terme que « être humain » qui soit sans connotation sexuée, ce qui sera précisé tout à l’heure. J’aime bien la traduction d’André Chouraqui ici : alors que « la terre » avait été désignée par le terme hébreu de « Eretz » – un terme qui sera central pour les Juifs pour parler de la Terre promise – Eretz Israël, un nouveau terme est utilisé pour désigner la terre, ou plutôt le sol : « … et toutes les petites bêtes qui se déplacent sur le sol ». Ce terme hébreu est « Ha-a-dama » : il signifie le sol argileux, la glèbe dont le potier peut se servir. De cette Ha-a-dama, Dieu appelle Hadam, littéralement le Glébeux, qu’on a traduit par Adam. Adam n’est donc pas un prénom, mais un surnom !
Ici, c’est l’être humain, créé à l’image et à la ressemblance d’un Dieu qui s’exprime ici en « nous ». Cet être humain est créé homme et femme. Géniale précision : étant à l’image de Dieu, l’être humain ne peut être que double, homme et femme. Et cela n’a rien à voir avec une question de reproduction, n’en déplaise à l’Eglise chrétienne qui y reste engluée depuis si longtemps !
Dieu a créé l’être humain homme et femme, parce qu’il nous voulait à son image et à sa ressemblance. Pour moi, cela veut dire que l’être humain est créé pour une relation, un dialogue, d’abord avec Dieu son Père, et aussi avec ses partenaires en humanité.
L’humanité est placée par Dieu au sommet de sa Création, comme son vis-à-vis, chargée d’un pouvoir aussi grand que la responsabilité qui en découle : « Dominez la terre, commandez à tous les animaux. » L’humanité reçoit la Terre en gérance, avec le pouvoir et la responsabilité d’en prendre soin. D’en utiliser les ressources afin que la vie des uns et des autres soit bonne.
Que l’humain soit placé au sommet et « à la barre » de la Création par la volonté de Dieu n’est pas seulement révolutionnaire pour la mentalité antique, quand ce récit fut écrit. A l’époque, les humains étaient le plus souvent les esclaves des dieux ; leur vie était suspendue au bon plaisir des divinités qu’ils devaient servir de manière très précise.
Que l’humain soit le jardinier de la Terre a aujourd’hui une résonance très actuelle, écologique. Car cela ne fait pas très longtemps que nous avons réalisé, nous les Occidentaux qui mangeons à notre faim et qui avons les moyens de le savoir, que notre Terre n’est pas une mine sans fin à exploiter sans réfléchir. Nous savons que la Terre-notre jardin, nous allons la détruire si nous continuons, nous les Occidentaux en premier, à l’épuiser par nos désirs démesurés de toujours plus avoir et consommer.
Nous les chrétiens, avec nos frères ainés les Juifs, nous devrions, au nom de ce récit qui nous élève « presque à la grandeur divine » comme le chante le Psaume 8, nous devrions montrer l’exemple dans ce combat pour que la vie soit bonne pour tous les vivants, aujourd’hui et demain. Il y a du « pain sur la planche » dans ce domaine, et ce pain est urgent ! Mais si Dieu nous a créés à son image et à sa ressem-blance, il nous a aussi équipé des forces et des idées nécessaires à l’accomplissement de notre tâche de jardinier. Il y a là, je crois, un vrai Réveil à vivre, spirituel, mais aussi comportemental.
Dieu notre Père nous attend comme les gérants de sa Création. Particulièrement et premièrement
nous qui vivons de sa bonté, qui connaissons sa volonté. Le Pape François a écrit récemment une encyclique sur ces questions écologiques. « Laudato si » : « Loué sois-tu », reprenant ces mots de François d’Assise, rendant grâce à Dieu pour chaque élément de sa création. Il parait que ce texte est fort et ins-pirant ; je l’ai enregistré sur mon ordinateur et peux vous le transmettre. Encore faut-il le lire et mettre en œuvre les bonnes idées qu’il contient.
Concluons. Dieu notre Père nous attend aujourd’hui pour :
– le remercier pour cette Création dans laquelle nous sommes placés, qui est bonne et généreuse envers tous ;
– pour lui répondre par nos actes engagés afin que cette Création continue à être bonne et généreuse pour tous et les enfants de tous.
Notre louange pourra prendre des formes révolutionnaires, qui bouleverseront notre style de vie, selon les besoins qui sont là pour que notre tâche corresponde à notre responsabilité et à la volonté paternelle.
La confiance de Dieu notre Père nous reste acquise pour notre travail de jardinier, et de vis-à-vis avec lui, pour sa gloire et notre joie. Amen.

L’icône de la Trinité d’après Roublev –

Extraits du texte d’un montage audio-visuel du Centre Œcuménique de Documentation, 1986

DIEU LE PERE

Introduction. Année 1422 en Russie. Le moine Andréi Roublev est invité au monastère de la Trinité. Son fondateur, Saint-Serge, désirait que les hommes « par la contemplation de ce Mystère vainquent la haine déchirante du monde. » Il fallut à Roublev trois ans de prières, d’adoration, de jeûnes prolongés, de méditation de Saint-Jean pour réaliser cette icône.

Dieu le Père, personnage de gauche sur l’icône.
Toutes les lignes sont droites : lignes de la maison, dos droit, pieds du fauteuil, bâton et plis du vêtement.
C’est le signe de majesté, de référence pour les deux autres personnages. La couleur de son vêtement est unique.

Voici le Père de qui vient toute paternité au ciel et sur la terre. Entrons, sa maison nous accueille. Dieu, personne ne l’a jamais vu. Le Fils unique qui est tourné vers le sein du Père, lui l’a fait connaître. Il est venu dans le monde et le monde ne l’a pas reconnu. Saurons-nous le reconnaître aujourd’hui ?

Des mains agissantes :
Les mains du Père ne touchent pas la table-monde. Elles sont presque confondues dans la même direction, vers le haut. Sa main gauche tient le bâton – sceptre royal ; sa main droite bénit la terre avec ses deux doigts levés.

« Moi, le Père, c’est ma main qui a fondé le ciel et la terre et qui les bénit. »

Pour imprimer ce texte:Dieu le Père – Texte biblique, prédication et explication de l’icône