Prédication de David Allisson, culte du 22 août 2015 au temple de Môtiers
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Textes bibliques
Josué 24,1-2.15-18
Jean 6,60-69
Prédication
Dieu vient vers vous.
« Voulez-vous partir, vous aussi ? » Jn 6,67
Moi, je suis croyant, oui. Mais tu vois, je le suis à ma façon. Je n’ai pas besoin d’aller tous les dimanches à l’église. Disons que je me construis ma propre croyance.
Cette phrase, je l’entends souvent.
Je ne la critique pas parce que je la dis moi-même, avec quelques nuances.
Je me sens donc mis au défi de ce que nous venons d’entendre lu dans la Bible. Aussi bien dans le livre de Josué que dans l’évangile de Jean, pour ceux qui reçoivent ces discours, c’est le moment de choisir.
La foi est intérieure. Elle fait partie de l’intime de la personnalité. Et de plus en plus, nous prenons l’habitude de construire la foi à l’intérieur de nous même pour notre être intérieur.
Et les textes bibliques aujourd’hui invitent à se décider par rapport à une invitation qui vient de l’extérieur. Josué dit qu’il sait bien que chacun va de toute façon faire son propre choix. Quant à lui il a décidé : « ma famille et moi, nous servirons le Seigneur. »
Et ce que nous venons d’entendre de l’évangile de Jean est comme la ligne de partage entre ceux qui vont suivre Jésus et ceux qui préfèrent se retirer. Est-ce que vous avez remarqué que ceux qui se retirent sont aussi appelés disciples ? « Dès lors, beaucoup de ses disciples se retirèrent et cessèrent d’aller avec lui. » Jn 6,66.
Après avoir entendu Jésus, beaucoup de ses disciples dirent : « Là, il exagère ! Comment admettre un tel discours ? » Jn 6,60
Plus près de l’original grec : « Cette parole est dure ; qui peut l’écouter ? »
Quand le texte du jour commence comme cela, il faut d’abord jeter un petit coup d’œil en arrière. Qu’est-ce que Jésus a bien pu dire pour que ses amis trouvent comme cela qu’il exagère et qu’on ne peut pas admettre ce qu’il dit si on veut rester sain d’esprit ?
Le discours est assez long, et il a été l’objet des prédications des cultes de ces dernières semaines. Au plus court, je résume ainsi :
Jésus avait dit dans la synagogue de Capernaüm : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. »
En fait, tout avait commencé un peu plus tôt, quand Jésus a nourri 5000 hommes qui étaient venus écouter son enseignement.
Avec une action pareille, Jésus a fait forte impression. La foule a été encore plus serrée à son écoute par la suite. Et Jésus commence : « Vous me cherchez parce que vous avez mangé du pain à votre faim, et non parce que vous m’avez compris ». (Jn 6,26)
A la suite de cela, Jésus parle plusieurs fois de lui comme étant le pain de vie : « Je suis le pain vivant descendu du ciel. » (Jn 6,51)
Jésus, le pain de vie. Celui ou celle qui mange de ce pain a la vie éternelle.
Cette comparaison un peu bizarre semble justement être ce qui dérange.
Là où Jésus exagère, ce qui fait de ses mots une parole dure qu’on ne peut pas écouter, ce sont en fait les premiers mots que j’ai prononcés au début de cette prédication : « Dieu vient vers vous ».
C’est ça, le scandale, cette parole trop dure pour pouvoir l’écouter. Dieu vient dans l’humanité. Dieu vient sous la forme d’un homme en chair et en os. Nous avons pris l’habitude de dire que Jésus est l’incarnation de Dieu. A force de le répéter, nous avons l’impression que c’est normal et que cela ne dérange pas.
Mais il y a au moins deux choses incroyables et scandaleuses dans ce fait :
Premièrement, Dieu prend une forme humaine. L’infini, l’illimité, le créateur de l’univers prend chair et os dans un corps limité. Il naît d’une femme, comme vous et moi nous sommes nés, et il marche dans la poussière et la boue du monde.
Voilà le premier scandale : Dieu ne peut pas prendre forme humaine.
Cela ne dérange pas tellement de s’imaginer qu’il peut s’installer spontanément au plus profond de l’être humain, mais être humain du bout des orteils à la racine des cheveux, non, ce n’est pas possible. Il exagère ! Comment admettre un tel discours ?
Et il y a un deuxième scandale : l’évangile de Jean évoque l’élévation de Jésus sur la croix. En quelque sorte, c’est le contraire de l’incarnation : un homme de chair et d’os rejoint le monde de Dieu. C’est cela, l’élévation dont parle l’évangile de Jean. Et il y a une telle contradiction entre l’idée d’élévation et le fait d’être exécuté par crucifixion que cela n’est tout simplement pas possible. Là, il exagère. La crucifixion ne peut pas être chemin vers le Père pour Jésus.
Et il y en a des choses dans nos vies qui vont dans le même sens et qui nous donneraient envie de laisser Dieu là, comme ces disciples l’ont fait, ceux qui « se retirèrent et cessèrent d’aller avec [Jésus] » (Jn 6,66)
Dans ce que vous et moi avons pu voir ou vivre rien que ces derniers jours : un fils qui meurt, à la naissance ou à 31 ans ; un père qui se jette du haut du Creux-du-Van avec ses enfants de 2 et 3 ans ; une femme de 47 ans qui met fin à ses jours de la même façon ; et les accidents ; et les maladie ; et le sentiment d’être rattrapé par le non-sens.
Ce n’est pas pour essayer de donner du sens à ces événements qui n’en ont pas que Jésus dit de lui qu’il est le pain de vie. En lisant les évangiles, on le voit lui aussi confronté à ces questions qui n’ont pas de réponse. Jésus aussi se trouve par moment avec rien d’autre que ses yeux pour pleurer et ses questions qu’il envoie à Dieu avec le psaume 22 : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ».
Dans ce monde impossible, Dieu est pourtant présent. Il est présent même s’il exagère. Il est là même si ces paroles semblent si dures qu’on ne peut pas les écouter.
C’est ce qu’ont pu entendre Simon Pierre et ses amis restés à la suite de Jésus, puisqu’ils ont refusé de se retirer quand Jésus le leur a proposé : « Voulez-vous partir, vous aussi ? ».
« Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles qui donnent la vie éternelle. » (Jn 6,67-68)
La vie éternelle, c’est une vie authentique et accomplie. C’est la vie dans laquelle il y a une ouverture qui me permet de grandir encore.
Dans le discours qui précède, celui des paroles dures, celui où il exagère, Jésus a prononcé plusieurs fois « je suis ». Notamment : « Je suis le pain de vie » (Jn 6,35.38.41.48.51.55.58).
Simon Pierre répond « Tu es » en exprimant la foi des disciples qui continuent le chemin avec Jésus. « Nous le croyons, nous le savons : tu es le Saint envoyé de Dieu. »
Dire de Jésus qu’il est le Saint, c’est souligner qu’il appartient bien au monde de Dieu. Accueillir les paroles de Jésus, c’est accueillir la présence de Dieu qui vient. Dieu vient. Oui : il n’est pas là à découvrir à l’intérieur de nous-mêmes. Il vient de l’extérieur et il éclaire d’une autre lumière notre existence. Il vient de l’extérieur et il vivifie notre intérieur d’un souffle que nous ne trouverions pas autrement en nous.
Ma vie intérieure se déploie quand elle accueille ce souffle frais, vivant et renouvelant qui vient d’un Autre que moi-même.
C’est un choix que je fais. Et quand je fais ce choix, je reconnais aussi que c’est un cadeau qui me vient d’ailleurs que de moi-même. Je ne mets pas moi-même la vie en moi. Jésus le dit dans la suite directe du texte en s’adressant à Pierre : « Ne vous ai-je pas choisis, vous les douze ? » (Jn 6,70)
« Seigneur, tu as les paroles qui donnent la vie éternelle. Nous le croyons, nous le savons : tu es le saint envoyé de Dieu. » (Jn 6,69)
Amen.