La grâce et la paix nous sont données – Prédication des 14-15 janvier 2023

Cultes des 14-15 janvier 2023 à Môtiers

Samedi 17h, dimanche 10h

Note : j’ai rédigé cette prédication juste après le décès de mon papa Claude (Klaus) Schlüter le 12 janvier 2023 et avant son culte d’adieux le 16 janvier. Avec les circonstances, j’avais omis de la mettre en ligne. Je rattrape cela en août 2023 en la lui dédicaçant. Avec le recul, je suis reconnaissant envers Dieu de la force reçue pour avancer ces derniers mois. Puisse-t-elle nous accompagner dans les mois à venir au travers des changements et défis de nos vies et de notre paroisse!

Patrick Schlüter, 19 août 2023

Textes :

  • Esaïe 49, 3.5-6
  • 1 Corinthiens 1, 1-3
  • Jean 1, 29-34

Prédication sur : La grâce et la paix nous sont données

De Patrick Schlüter

Noël est passé, la nouvelle année et l’Épiphanie aussi. Nous sommes entrés dans le temps ordinaire de la liturgie qu’on appelle aussi le temps de l’Église.

Dans la vie courante aussi, nous avons retrouvé le quotidien après les fêtes. Les enfants ont repris l’école. Les décorations ont été enlevées pour la plupart et les vacances sont aussi terminées. Avec le quotidien, reviennent les questions que nous avions peut-être laissées à l’arrière-plan pendant les fêtes : la guerre et les crises multiples, les défis de toute sortes de nos vies, les réflexions sur l’avenir de notre Église.

J’ai choisi pour ce week-end les 3 lectures proposées par le lectionnaire de l’Église catholique. Après le temps de Noël, elles me semblent méditer sur la portée de la venue de Jésus et le projet de Dieu pour le monde. Elles offrent aussi des pistes pour nous porter dans tout ce que nous vivons.

Le texte du prophète Esaïe est ce que l’on appelle le 2ème poème du Serviteur, ce mystérieux personnage qui accomplit la volonté de Dieu jusqu’au don de sa propre vie. Qui est ce Serviteur ? Est-ce le peuple d’Israël ou un reste fidèle de croyants, le prophète lui-même ou un Messie attendu ? Les premiers chrétiens y reconnaissent une annonce de la venue de Jésus qui accomplit la volonté de Dieu par sa vie, sa mort et sa résurrection.

Ici, le Serviteur est appelé à rassembler Israël et à être lumière pour toutes les nations. Le visage de Dieu qui se dégage de ce poème est celui d’un Dieu qui sauve et rassemble toute l’humanité. Il est celui qui donne de la force à son Serviteur pour accomplir sa vision.

Cette vision de rassemblement, nous la retrouvons au début de la première lettre de Paul aux Corinthiens. Les destinataires de la lettre sont reliés par la foi en Jésus-Christ à Paul et Sosthène, les auteurs de la lettre et à tous les chrétiens :

« A tous ceux qui, en tout lieu, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, leur Seigneur et le nôtre, à vous la grâce et la paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ ».

Nous reprenons souvent une partie de ce verset dans la salutation au début du culte. En préparant ce message, je me suis souvenu d’une illustration musicale de ce passage que j’avais entendue en concert. Malheureusement, je n’ai pas pu trouver d’enregistrement, mais j’aimerais vous raconter cette expérience qui m’a marqué :

Cela devait être en novembre ou décembre 2000 dans l’Abbatiale de Romainmôtier pour la création de la cantate du millénaire de Benoît Corboz. Des textes des épîtres de Paul retentissaient par la voix du chœur. Je me souviens de ces paroles qui fusaient de partout, en de multiples voix qui se chevauchaient de manière presque cacophonique, sans qu’on perçoive la mélodie d’ensemble : “à tous ceux qui en tous lieux invoquent le nom de Jésus-Christ”. Ces voix s’unissaient finalement dans une même mélodie sur ces mots : “à vous faveur imméritée de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ”.

En regardant le monde et les différents témoignages chrétiens parfois cacophoniques, je me demande si cela ne ressemble pas un concert gigantesque dans lequel on n’arrive pas au premier abord à percevoir la mélodie.

Et pourtant, n’y a-t-il pas derrière toutes ces voix, quelque chose qui les réunit en Dieu, une espérance commune ? 

Nos voix à nous font partie de celles qui invoquent le nom de Jésus-Christ là où nous sommes. Nous n’arrivons pas toujours à percevoir la mélodie même si parfois nous la pressentons ou la ressentons. A nous aussi, nous sont adressés ces mots : à vous grâce et paix de la part de Dieu qui veut vous rejoindre là où vous êtes.

Ce souvenir de concert et ces visions de rassemblement me font du bien. Évidemment, l’état du monde, dispersé et en guerre, interroge ces visions. Nous sommes aussi souvent un peu coupés de notre lien à la nature même si nous aspirons à le retrouver.

Cette vision d’unité et de rassemblement est aussi mise à l’épreuve par les changements qui s’annoncent dans notre Église, en particulier par les craintes face à ce changement où chaque paroisse a peur de perdre ses spécificités et son autonomie.

N’est-ce pas un peu naïf de se laisser porter par cette vision d’unité et de rassemblement pour les chrétiens et le monde ?

Dans l’évangile de Jean, Jésus est désigné comme « l’agneau de Dieu qui ôté le péché du monde ». Cela signifie qu’il y a une lutte, que la réalité humaine est marquée par le mal et le péché. Les forces du mal sont à l’œuvre. Même nos élans les plus beaux manquent parfois leur but. Ce n’est pourtant pas là le plus important : Le Christ a remporté la victoire sur le mal et le péché. Pourtant, le pouvoir de Dieu s’exerce à la manière du Christ qui donne sa vie sur la croix. Le mal et le péché ne peuvent être vaincus de manière ultime que par l’amour donné et peut-être reçu par l’autre.

Ainsi, ces lectures bibliques pour le début du temps ordinaire nous offrent plusieurs cadeaux :

Elles nous disent que le monde n’est pas abandonné au mal et à la souffrance, que le projet de Dieu demeure de rassembler les humains dans sa grâce et sa paix. C’est l’espérance, 1er cadeau.

Elles nous disent aussi qu’une force est donnée aux personnes qui invoquent le nom de Jésus et se laissent rejoindre et porter par lui pour leur vie. C’est le cadeau de l’amour inconditionnel de Dieu qui peut changer notre regard et nous porter.

Ce cadeau est aussi à vivre. Quand on reçoit un cadeau, c’est pour le déballer et découvrir ce qu’il y a dedans. L’amour est une puissance de vie à partager, à oser chaque jour.

Il y a aussi le pardon, 3ème cadeau, pour aller de l’avant après les échecs.

En Jésus-Christ, Dieu nous offre une puissance de vie pour nourrir nos besoins dans ces temps difficiles. Nous pouvons puiser dans cette puissance de vie à disposition pour nos vies :

  • pour nourrir nos besoins de courage pour oser la solidarité
  • pour remplir nos besoins de pardon pour guérir ce qui est blessé dans nos vies et dans le monde
  • pour renforcer notre besoin de confiance pour aller de l’avant au-delà des difficultés
  • pour combler notre besoin d’amour afin de savoir ce qui est essentiel et renoncer à ce qui est superflu.

A nous qui sommes ici, ainsi qu’« à tous ceux et celles qui, en tout lieu, invoquent le nom de Jésus-Christ,

à vous la grâce et la paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ ».

Amen.