Culte de minuit, le 24 décembre 2021, temple de Travers
Prière de louange
Enfant de la crèche,
merci d’être venu présenter le sourire de Dieu
à tous les habitants de la terre !
Enfant Jésus,
merci d’être venu offrir la joie de Dieu
à tous les affligés de notre planète.
Enfant Dieu,
merci d’être venu montrer le visage de Dieu
à tous ceux qui sont en attente sur notre terre.
Enfant Emmanuel,
merci de rester sur notre terre .
Enfant Dieu-avec-nous,
merci d’être la tendresse de Dieu, avec nous et avec tous
pour toujours sur notre terre ! Amen
Lectures bibliques : Isaïe 9, 1-6 et Luc 2, 1-14
Prédication
Dimanche passé, je suis allée voir un film qui s’intitule « Animal ».
Il parle de l’extinction des espèces au travers du regard de deux adolescents qui parcourent le monde pour trouver des réponses, des solutions, mais qui sont également confrontés à la dure réalité des souffrances endurées par la planète.
Il y avait des images très fortes dans ce film: violences faites aux animaux, déforestation, humains envahis par le plastic, accablés par la pauvreté, etc…
Mais il y avait également de très beaux paysages, des gens magnifiques rencontrés par les adolescents, des actions fortes pour prendre soin des uns et des autres… je vous avoue que ce film a remué pas mal d’émotions en moi : tristesse, colère, culpabilité, sérénité, reconnaissance.
Bref ! pour résumer, je dirais que ce film m’a touchée au plus profond de mon cœur !
Si je vous raconte cela, c’est parce que j’ai fait un lien avec ce qui nous réunis ce soir : Noël, les récits de la crèche, les bergers, les anges et les prédictions de Esaïe !
Pour tout vous dire, ce lien m’a été fourni par le Réformateur Martin Luther !
Dans son approche du texte de Luc, Luther voit 2 axes principaux:
- le récit de la naissance dans l’étable avec la révélation faite aux bergers
- l’annonce faite par les anges.
Le récit de la naissance parle de misère humaine, de pauvreté, d’exclusion. Dans cette naissance, rien n’a été épargné à Marie : ni la douleur et la peur, ni le sang et la fatigue.
Ce récit s’ancre dans la dure réalité de la terre, il est fait de glaise humaine. Il est incarné. Il préfigure la misère de la croix.
Il est comme le film que j’ai vu : rude, réaliste, douloureux. Bref, il touche le cœur.
D’après Luther, ce récit avait précisément pour but de toucher les cœurs. En faisant référence à l’âpreté du quotidien, ce récit ne pouvait qu’amener les gens à croire… non pas avec la conviction de l’intelligence, mais avec la foi du cœur.
Mais qu’en est-il alors du récit de l’annonce des anges ? Pour le Réformateur, ce passage se situe à un autre niveau : il est situé dans le ciel, il est une Parole, une interprétation. Il fait appel à l’intelligence.
La proclamation des anges est un sermon, une explication destinée aux bergers afin qu’ils croient et comprennent ce qu’ils ont d’abord vécu dans leur corps, dans leur cœur.
Pour Luther, les bergers, c’est nous. Nous sommes d’abord atteints par l’histoire émouvante de la crèche, avec les sensations de la pauvreté, de l’exclusion de la souffrance. C’est le langage du cœur qui nous attrape et nous interpelle.
Puis vient l’interprétation des anges, la foi qui en découle et qui va de pair avec la joie, la certitude, la confiance et la mise en route pour agir à son tour.
Le texte d’Esaïe va dans le même sens. Le prophète part de la situation historique qu’il vit en direct : l’Assyrie prend le pouvoir et va bientôt envahir Jérusalem. C’est une situation effrayante, insécurisante pour Israël.
Esaïe a alors l’intuition que, au milieu de ce chaos, Dieu reste maître de l’Histoire, même si parfois, la réalité de l’Histoire et la foi sont en décalage !
Esaïe proclame que la souveraineté de Dieu fait irruption sous des formes parfois étonnantes, détonantes et imprévisibles, comme la naissance d’un enfant.
Or, le récit de la Nativité est précisément détonnant et inattendu. Oh ! Bien sûr, depuis le temps que nous lisons ce texte et que nous l’avons coloré, embelli, dénaturé, il ne nous fait peut-être plus cet effet « coup de cœur ».
Pour être touché au cœur et se lancer dans l’action, nous devons peut-être élargir nos recherches, ouvrir nos regards… et pourquoi pas dans le film « Animal » ou dans ce poème de l’Eglise protestante libanaise que je partage avec vous ? :
J’aurais aimé…
Retourner dans le passé
Fouiller la vieille étable
Retrouver la mangeoire
sentir le foin, la paille,
L’odeur de la nuit
dans les rues blêmes de Bethléem
Un soir de lune, blanche et pleine.
J’aurais aimé
Dans la lumière étrange et belle
Entendre le chant des anges
Venus d’en haut
Et suivre les bergers
Sur les chemins de terre
Humer le parfum des bruyères
De la vigne et du figuier
Puis être saisi
Par les senteurs âcres et fortes
Des bêtes et du fumier
Dans l’écurie obscure.
J’aurais vu l’étoile
J’aurais marché avec les mages
L’or et l’encens entre mes mains
L’hommage à l’enfant
J’aurais vu le visage d’une maman
Qui n’en croit pas ses yeux
Et le cœur d’une maman
Qui hésite et qui doute
Qui se serre, qui se noue
Parce qu’elle pressent déjà,
Lisant en filigrane
Dans la trame du temps, la venue d’un drame.
J’aurais aimé
Contempler les rides,
Les fronts plissés,
Les joues creusées
Sculptés par les années
Sur les visage d’Anne et de Siméon
J’aurais aimé avec eux
Déchiffrer l’histoire
Vivre l’accomplissement de la longue attente
Écrite en silence.
J’aurais aimé goûter la joie
J’aurais aimé toucher
Sentir, palper,
Et tenir dans mes mains
L’enfant nouveau-né…
Mais il ne reste rien…
Il ne reste rien que le vent n’ait emporté
Ni stèle dressée tombée du ciel
Ni mot gravé dans la pierre
Pour saisir et fixer l’insaisissable.
Et lui-même
L’enfant de Bethléem
L’enfant de Nazareth
Le promeneur inlassable
Le marcheur de Dieu
N’a pas écrit mot
ailleurs que sur le sable,
Quelques mots vite effacés
Par la colère et la haine.
Lui-même n’a rien laissé d’autre
Que des paroles et des gestes dans nos fragiles mémoires.
Et pourtant c’est à eux
Hommes et femmes
Qu’il a confié son secret
Présence subtile et légère
Murmure et joie de Dieu.
Non ! Le granit et le marbre
Ne sont pas aptes
à conserver la vie,
La donner et la transmettre.
Ni l’or, ni l’argent
Pour parler du vivant.
J’aurais aimé…
Mais il ne reste rien.
Il a barré la route
À l’impossible retour
Vers la nostalgie et le passé.
C’est ici et maintenant
Que je dois le trouver
Dans le silence de mes nuits
Dans la brume de l’ennui
Dans la main d’un ami
Dans les rires et les pleurs
Dans les regards de tendresse
Dans le secret d’un amour
Dans le lumignon qui brille encore,
Dans la Parole vivante et partagée
Dans la foi toujours reçue, toujours demandée,
Dans l’espérance renouvelée en la promesse de Celui qui est, qui était, qui vient.
Une prière de Noël, tirée du site de l’Eglise protestant au Liban (https://www.epfb.net/jaurais-aime-une-priere-de-noel/)