Joie de participer à réparer le monde

Prédication de David Allisson du 14 septembre 2013

Lecture biblique:

Luc 15,1-10

Prédication:

« Il y a de la joie parmi les anges de Dieu pour une seule personne qui commence une vie nouvelle ! » (Lc 15,10)

Il n’est jamais trop tard pour Dieu. Rien n’est jamais perdu pour Dieu.

Quand nous nous trouvons au bout de nos limites et que nous pensons que nous n’y arriverons plus, Dieu, lui, continue de chercher. Dieu continue de se réjouir pour celle ou celui qui retrouve le goût de la vie et le courage de continuer son chemin.

« Dieu ne renoncera jamais à son espérance à l’égard de ce monde où toute vie (…) l’intéresse. » H. Gollwitzer, La joie de Dieu, 1958, Delachaux et Niestlé, p.163

Chacun est important pour Dieu, peu importe son sentiment de petitesse, de faute ou d’inutilité.

Les spécialistes religieux, pharisiens et maîtres de la loi, trouvent Jésus trop patient et trop généreux. Jésus accepte de rencontrer tout le monde, même et surtout les gens de mauvaise réputation. C’est comme cela que tout commence ici : « Les collecteurs d’impôts et autres gens de mauvaise réputation s’approchaient tous de Jésus pour l’écouter. » (Lc 15,1) Les spécialistes religieux, pharisiens et maîtres de la loi, trouvent que c’est trop. Pour eux, quand Jésus fait cela, il montre que lui aussi est de mauvaise vie. Et cela ne correspond pas du tout à ce qu’on dit de lui, qu’il est en train de manifester la présence de Dieu dans le monde. Dieu est bon, mais Dieu est juste. Les perdus sont perdus. Tant pis pour eux. Et ces spécialistes de la religion, ces justes critiquent Jésus parce que d’après eux Jésus ne tient pas compte de la justice de Dieu.

Voilà pourquoi Jésus raconte ces histoires qui montrent comment c’est la joie qui prend le dessus quand on retrouve ce qui était perdu. Dans les retrouvailles, la joie de Dieu prend le dessus parce que ce qui est perdu n’est pas perdu pour toujours. Pour Dieu, c’est important de chercher tout de suite quand un mouton ou une pièce est perdu.

Et pour moi aussi, en fait.

Si je viens à perdre quelque chose, cet objet devient tout d’un coup important pour moi et je me mets à sa recherche. Pendant que l’objet est perdu, il devient le centre de ma préoccupation et je n’arrête de le chercher que quand je l’ai trouvé. Pour moi, cette situation se produit quand je cherche mes clés, mes lunettes ou mon téléphone portable. La recherche du téléphone, tiens.

Pourtant c’est bête, non ?

Il y a dans la maison, deux ordinateurs, une tablette électronique, un téléphone fixe et 3 téléphones portables.

Je ne risque à aucun moment de manquer de moyens de communication.

Pourtant, quand il disparaît de ma vue au moment où je pense en avoir besoin, cela devient la chose la plus importante du monde.

Je consacre une grande énergie à la recherche. J’ai l’impression qu’il n’y a plus rien d’autre qui compte. C’est comme si le monde se mettait à tourner autour de cette chose perdue.

Le poète Lamartine a dit : « un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». La perte d’un être, dans mon histoire : la perte d’un objet, touche à l’équilibre du monde. Avec un peu plus de modestie, je devrais dire que cette perte touche à l’équilibre de mon monde.

De la même manière, le monde est dans la joie quand le mouton est retrouvé. Le monde retrouve de son unité. Une partie de ce qui était en train de l’abîmer est réparé.

Il y a de la joie dans le ciel quand un seul pécheur commence une vie nouvelle, comme le dit l’évangile de Luc. Il y a de la joie en Dieu quand une seule personne reprend souffle dans la Vie avec un grand V. C’est la même chose avec l’exemple de la pièce de monnaie et celui du mouton perdu que son propriétaire recherche. Quand un seul commence une vie nouvelle parce qu’il peut dépasser ce qui avait détruit son espérance et son courage, alors le monde est un peu meilleur.

La vie s’ouvre de nouveau un peu plus avec l’espoir et les promesses qu’il y a en elle.

Et cela ne peut être rendu visible qu’en cherchant avec énergie. Jésus n’attend pas dans le temple assis avec les Pharisiens et les maîtres de la loi pour voir si le monde devient meilleur par lui-même. Jésus dérange. Il joue son rôle de révélateur de la présence de Dieu. Il accepte de rencontrer les gens de mauvaise réputation, ceux là justement qui sont considérés comme perdus.

Ce bon accueil et cette recherche-là sont les conditions pour que ces personnes commencent une vie nouvelle. Malheureusement, ce n’est pas toujours suffisant et c’est difficile de ne pas se révolter ni de savoir quoi dire ou faire quand cet encouragement à la vie ne fonctionne pas. Il y a eu un nouvel exemple cette semaine à Genève. Une femme a été tuée par un condamné à qui le système pénitencier commençait à accorder un peu plus de possibilité de se reconstruire autrement que comme criminel. Son geste horrible donne malheureusement un exemple supplémentaire à celles et ceux qui affirment qu’on ne peut pas retrouver une vie sociale à partir d’un certain degré de mal.

Pourtant, ils ne pourront jamais se réjouir de la vie nouvelle d’un pécheur, ceux qui comme les Pharisiens et les maîtres de la loi critiquent dès le départ le bon accueil fait aux gens de mauvaise réputation.

Je crois que dans ce genre de situations, il n’y a pas d’équilibre à trouver. Jésus montre dans sa manière d’être que cette joie n’est pas une question d’équilibre, mais de risque et d’effort. Le propriétaire des moutons se met en recherche et continue son effort jusqu’à ce qu’il ait trouvé le mouton perdu et qu’il puisse se réjouir de l’avoir retrouvé.

La femme allume une lampe, balaie sa maison et cherche avec soin jusqu’à ce qu’elle ait retrouvé la pièce manquante. Elle peut alors se réjouir et fêter la découverte de cette pièce perdue et retrouvée.

Quand un mouton est perdu, c’est tout le troupeau qui est blessé par ce manque.

Quand une pièce de monnaie est perdue, c’est la vie tout entière de sa propriétaire qui est touchée.

Quand un seul n’a plus d’espérance et voit sa vie comme inutile ou perdue, c’est toute l’humanité qui est blessée.

Quand nous nous mettons en recherche pour retrouver ce qui a été perdu. Quand une personne ne voit plus qu’un horizon fermé dans sa vie et que nous nous efforçons de lui offrir un soutien jusqu’à ce qu’une fenêtre de vie et d’espérance s’ouvre pour elle, nous sommes associés à la joie du ciel qui fête celui ou celle qui a été retrouvé après avoir été perdu.

Parfois, il nous semble que c’est peu de chose, ce que nous pouvons apporter. Peu importe, nous avons participé à la recherche, comme le propriétaire a cherché son mouton, comme la femme a cherché sa pièce de monnaie. Et dans les situations où nous n’avons pas cherché nous-mêmes, nous serons invités à la fête, à nous réjouir avec ceux qui ont cherché et trouvé.

Nous pouvons choisir la vie et être accueilli par Celui qui fait bon accueil aux gens de mauvaise réputation. Nous pouvons choisir la vie et nous réjouir de la vie retrouvée de celles et ceux qui reprennent courage.

Nous nous risquons un peu plus, mais c’est là qu’il y a la joie de la Vie.

Alors participons à la fête, comme nous nous réjouissons aujourd’hui, avec sa famille, de la vie et du dynamisme de Cristiano, baptisé tout à l’heure.

« Il y a de la joie parmi les anges de Dieu pour une seule personne qui commence une vie nouvelle ! » (Lc 15,10)

Amen.