Message de Ion Karakash pour les cultes du samedi 16 janvier à Couvet et du dimanche 17 janvier à Noiraigue

Lecture biblique:
« Tous les chemins mènent à Rome », disait-on du temps de l’Empire romain. Je ne sais pas si c’est toujours vrai, mais en ce qui concerne la foi, l’Evangile que nous venons de lire indique qu’il y a beaucoup de chemins différents qui peuvent mener à Jésus !
L’évangéliste mentionne en premier lieu deux disciples de Jean Baptiste.
Ils vont à Jésus sur le simple conseil et les indications de leur maître : Jean Baptiste leur dit
« Voici l’Agneau de Dieu », et aussitôt ils se mettent en marche sur les pas de Jésus.
On dirait vraiment les catéchumènes-modèles d’un pasteur idéal ! Mes collègues pourraient en rêver, … autant que moi à l’époque où je préparais des volées à de la confirmation !
L’Evangile suggère pourtant que ce n’est pas si simple. Il ne suffit pas que Jean Baptiste ait parlé à ses disciples exemplaires ; il a fallu encore que Jésus lui-même les interpelle, en leur demandant : « Que cherchez-vous ?», puis en les invitant : « Venez, et vous verrez !»
C’est dire que, lorsqu’il s’agit de la foi, il est certes nécessaire que nous soyons en recherche de quelque chose ou de quelqu’un, – un Dieu, une vérité, une espérance ou un sens à la vie -, non pas pour que nous finissions par le trouver, … mais pour que ce Quelqu’un nous trouve ! A ce propos, je relève d’ailleurs que, dans l’Evangile, si l’un des deux disciples est désigné, – il s’appelle André -, l’autre reste anonyme.
Ne serait-ce pas, peut-être, pour que chacun-e de nous puisse inscrire son propre nom et son propre parcours, sa propre réponse à la question de Jésus : « Que cherches-tu ? » ?…
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La deuxième voie qui mène à Jésus Christ jaillit d’un lien de parenté.
C’est André, l’un des deux qui viennent de découvrir Jésus, qui va trouver son frère Simon pour l’inviter, l’encourager à rencontrer à son tour le Seigneur.
Voilà qui souligne l’importance de la famille dans la transmission de la foi.
Bien plus qu’auprès de n’importe quel pasteur, diacre ou catéchiste, c’est au côté de ses plus proches que l’enfant reçoit souvent ce qui va orienter son propre cheminement vers Dieu,
– jusqu’à ce qu’il découvre un jour que ce Dieu l’a aimé et appelé depuis longtemps déjà !
Mais là encore, comme pour les deux disciples modèles de Jean Baptiste, il aura fallu que Jésus lui-même prenne l’initiative décisive, fixant Simon des yeux et lui déclarant :
« Tu es Simon, fils de Jean (ou de Jonas) ; désormais, tu seras appelé Pierre ! »
Jésus ne se contente pas de prolonger ou de confirmer le témoignage d’André : c’est une destination et une identité nouvelles qu’il assigne à Simon/Pierre, – bien au-delà de ce qu’André, son frère, pouvait imaginer ou espérer en lui parlant de Jésus.
Ce changement d’identité souligne également la limite de toute influence en matière de foi. L’enfant (ou l’adulte) que Jésus appelle est incité à devenir autre chose que la copie-conforme d’un modèle transmis dans sa famille ou sa communauté : sa propre foi et sa vie de chrétien ne seront pas le simple prolongement de celles de ses aînés, – même si ces derniers auront pu l’inspirer, l’encourager ou le guider.
Notre lecture du jour s’arrête là, mais la suite et fin du premier chapitre de Jean évoque encore deux autres types de rencontre possible avec Jésus. J’aimerais aussi les évoquer brièvement, espérant ne pas empiéter sur la prédication de dimanche prochain.
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Le troisième type de rencontre est celle de Jésus avec Philippe.
C’est la plus directe et la plus imprévue ; elle survient sans intermédiaire ni préparation : Jésus voit Philippe et lui dit simplement « Suis-moi ! »
C’est le cas rare, exceptionnel, de quelqu’un que Jésus appelle sans qu’il ou elle ait fait la moindre démarche ni reçu le moindre enseignement.
Toutefois, même pour Philippe qui a bénéficié d’une telle révélation, sa rencontre avec Jésus le conduit aussitôt à s’approcher de quelqu’un autre, – Nathanaël -, pour lui en faire part !
Si aucun relais humain n’est indispensable pour nous conduire à Jésus, le chemin pour suivre Jésus nous conduit nécessairement vers les autres, – car la foi a besoin d’être partagée.
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Et avec Nathanaël, c’est une quatrième forme de rencontre avec Jésus qu’évoque l’Evangile. Lorsque Philippe lui parle de Jésus en disant : « Nous avons trouvé Celui dont parlent la Loi et les Prophètes ! », Nathanaël se méfie, soucieux de rester fidèle à la foi de ses pères.
Il n’est pas homme à se laisser entraîner par la dernière nouveauté, la dernière vérité venue !
Mais pour lui aussi, il aura fallu que Jésus le voie sous le figuier, qu’il le reconnaisse et le désigne comme un authentique fils d’Israël, un croyant sans fraude ni faux-semblants.
Ce n’est pas Nathanaël qui reconnait et rejoint Jésus grâce à ses études et à ses convictions : c’est Jésus qui l’appelle, et qui va l’entraîner ailleurs qu’où sa propre recherche et sa fidélité l’avaient conduit. « Parce que je t’ai dit que je t’ai vu, Nathanaël, tu as cru ! Tu verras bien davantage encore : en vérité, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme… »
La foi n’est pas de l’ordre du déjà-vu ni du déjà-connu : elle est un cheminement continuel, ‘ouvert’, sur les traces de Celui qui est, qui était … et qui reste toujours à venir !
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Pour conclure, j’aimerais souligner une autre caractéristique encore, commune à tous les Evangiles : dès le début de son ministère, Jésus choisit d’être accompagné de disciples.
Au contraire de maîtres spirituels, de gourous qui se présentent comme des êtres d’exception, au-dessus du commun des mortels, seuls capables d’initier à la vérité ceux qui les écoutent, Jésus choisit de partager sa route et sa mission avec d’autres, – il leur promet même qu’ils pourront faire, eux aussi, tout ce qu’il accomplit lui-même, … voire davantage encore !
Et cela dans la diversité de leurs parcours personnels de foi, avec leurs forces et leurs limites, sans être toutes et tous pareils, issus d’un même moule unique et donc interchangeables.
Il est bon que nous nous rappelions cela en ce dimanche qui ouvre la Semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens : dans la pluralité de nos Eglises, de nos confessions de foi, de nos catéchismes et de nos manières de comprendre l’Evangile, nous sommes toutes et tous porteurs d’un même trésor destiné à l’ensemble de l’humanité, – même si, comme l’écrivait l’apôtre Paul, nous l’accueillons et le portons dans des ‘vases d’argile’ (2 Corinthiens 4/7)…
C’est dire qu’après André et Simon-Pierre, après Philippe et Nathanaël, après et au côté de milliers d’autres, il y a une place pour chacune et chacun de nous, ici, en l’an de grâce 2021, comme compagnons de Celui qui est, qui était … et qui ne cesse de venir !
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Ion Karakash