Il aime les siens jusqu’à la fin

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Prédication de David Allisson, culte de Jeudi Saint à Travers – 24 mars 2016
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Lecture de la Bible: Jean 13,1-20

Message

Il va falloir beaucoup beaucoup beaucoup d’amour.

C’est une réaction que j’ai lue et relayée suite aux attentats à Bruxelles mardi.

Il va falloir beaucoup beaucoup beaucoup d’amour.

L’amour, c’est justement la posture de Jésus, soulignée particulièrement fort dans l’évangile de Jean : « Jésus avait toujours aimé les siens qui étaient dans le monde et il les aima jusqu’à la fin. » Jn 13,1

Jusqu’à la fin, ce n’est pas seulement jusqu’à ce que la vie les sépare. Il les aima jusqu’à la fin, c’est dire qu’il les aima à l’extrême, à fond. C’est le même mot que dit Jésus au moment de mourir : tout est accompli, tout est fini. (Jn 19,30) Jusque là, il les a aimés.

La fin, c’est là où l’histoire s’arrête, mais c’est aussi le but, ce vers quoi tout le récit est en mouvement.

C’est une manière de dire qu’il n’y a pas de plus grand amour que celui que Jésus manifeste pour les siens. Il n’y a pas de plus grand amour que celui que Jésus manifeste pour l’humanité.

Il n’y a pas d’autre force que celle de l’amour qui pourra venir au secours de l’humanité perdue dans sa violence, son isolement, ses trahisons ou ses reniements.

Ce ne sont pas les frappes aériennes en Syrie qui construiront une plus grande sécurité à Bruxelles, Paris ou New York.

Il va falloir beaucoup beaucoup beaucoup d’amour.

Ce ne sont pas les frontières fermées et des peines plus sévères prononcées par la justice qui assureront travail, bien-être et sécurité pour nous et nos enfants. Dans l’évangile de Jean, Jésus avance vers son élévation au travers de tout le récit. Quand Jésus marche vers Jérusalem, les lecteurs ont beau savoir qu’il va à sa mort, le texte continue de parler du lieu où Jésus doit être élevé. Il est écrit que c’est là qu’il sera glorifié.

Jésus répète plusieurs fois « je suis » : « je suis le pain de vie », « je suis la lumière du monde », « je suis la résurrection et la vie ». L’évangile de Jean montre un Jésus qui a une pleine conscience de qui il est et du lien unique qu’il a avec Dieu le Père. Il a en lui ce qui fait que Dieu est Dieu. Il est appelé Fils de Dieu et c’est une manière de dire qu’il est Dieu lui-même. Et c’est une des choses que les autorités religieuses vont lui reprocher : on ne prétend pas être Dieu sans risquer d’être puni de mort.

« Jésus savait que lui-même était venu de Dieu et retournait à Dieu, et que le Père avait tout mis en son pouvoir. » Jn 13,3

Jésus est à table avec les siens et il va se passer quelque chose. L’introduction est solennelle : attention, celui dont on parle ici est fait de la même matière que Dieu. C’est de là qu’il vient et c’est là qu’il retourne.

Jésus se lève de table. Il va prononcer un discours. Ce sera un long discours en fait, surnommé « discours d’adieu ». C’est son testament en somme, puisque le début du chapitre signale que Jésus savait que l’heure était venue pour lui de quitter ce monde pour aller auprès du Père.

Il va falloir beaucoup beaucoup beaucoup d’amour.

Et au lieu de commencer son discours, de dire ces mots importants, Jésus se lève de table, ôte son vêtement de dessus et prend un linge dont il s’entoure la taille.

Il est pleinement conscient d’être parfaitement uni au Père et c’est dans cette conscience qu’il se met au service des siens. En faisant cela, il ne s’abaisse pas, comme nous le pensons spontanément et comme Simon Pierre l’a pensé lui aussi : « Non, tu ne me laveras jamais les pieds ! ».

De la même manière, le lendemain en étant exécuté par crucifixion, Jésus reste jusqu’au bout celui qui peut dire « Je suis la vie ».

Cela paraît contradictoire ou abstrait de dire que celui est mis à mort est la vie ?

Cela paraît contradictoire ou abstrait de souligner que le service aux disciples manifeste la dimension divine de Jésus ?

Oui, c’est contradictoire, c’est sûr. Aussi sûr que la guerre en Syrie ne peut connaître d’autre issue que la mort et la destruction.

Oui, c’est contradictoire, exactement comme c’est insensé de demander d’arrêter de bombarder les villes de l’organisation de l’Etat Islamique, ce groupe qui a revendiqué les derniers attentats en Europe et bien d’autres chaque mois dans d’autres parties du monde.

Quand nous affirmons nous mettre au service du Seigneur, nous parlons de nous mettre au service de celui qui a ôté son vêtement de dessus pour attacher un linge à sa taille et laver les pieds de ses disciples. Il a fait cela même si c’était contre le bon sens : on ne fait pas cela au milieu du repas, quand tout le monde est en train de manger et que les discussions vont bon train. Laver les pieds des hôtes, c’est normal, mais on demande à un serviteur de le faire à l’arrivée des invités pour qu’ils soient à l’aise pour commencer le repas.

Ce n’est pas le maître de maison qui se met à cette tâche en pleine soirée !

Il va falloir beaucoup beaucoup beaucoup d’amour.

Chers amis, de nombreux reproches sont faits à la religion chez nous. La religion, c’est l’intolérance et le dogmatisme. C’est au nom de la religion qu’on tue et qu’on fait la guerre. Quand on s’attache à une religion, on se détache de son bon sens et de son intelligence. Si Dieu demande qu’on tue et qu’on se tue pour lui, autant devenir et rester athée.

Puisqu’on parle de religion chrétienne, nous sommes potentiellement considérés comme remplis de haine au même titre que ceux qui tuent pour leur Dieu ou leur religion.

Si Jésus a instauré une religion, vous allez démontrer le contraire là où vous vivez, partout où vous allez. Jésus, c’est l’amour qui va jusqu’au bout. Jésus, c’est une force de vie pour nos vies et pour la vie du monde. « Un serviteur n’est pas plus grand que son maître et un envoyé n’est pas plus grand que celui qui l’envoie. Maintenant vous savez cela ; vous serez heureux si vous le mettez en pratique » Jn 13,16-17

Vous êtes les envoyés de celui qui a aimé jusqu’à la fin.

Vous êtes les envoyés de celui qui a ôté son vêtement de dessus pour s’entourer la taille d’un linge.

Votre force, c’est d’être habité de la toute-puissance de Dieu, c’est-à-dire que vous êtes remplis de l’amour dont il vous a aimé.

Avec cette force-là, vous allez vivre et traverser vendredi saint pour rejoindre Pâques. Vous allez rayonner de cette vie et de cet amour dans ce monde qui est aujourd’hui si obscur, enfermé, apeuré et rempli de haine qu’il a du mal à sentir ce souffle qui vient du Père.

Il va falloir beaucoup beaucoup beaucoup d’amour.

Nous avons reçu cet amour. Partageons-le pour l’ouverture, la vie et la construction d’un monde fait pour la vie.

Amen.