Gagner la bataille de la vie – prédication du 17 juin à l’occasion du dimanche du réfugié

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Prédication du samedi 17 juin 2017 à Môtiers à l’occasion du dimanche du réfugié préparée sur la base de la proposition diffusée par l’EPER – David Allisson et Luc Genin –  Texte de la prédication à télécharger ici en format pdf

Lecture de la Bible

Exode 1,8-2,10
Luc 7,1-10

Prédication

David Allisson:

Qu’est-ce qu’a pu ressentir la maman de Moïse ?

Ça devait se bousculer dans son cœur et dans sa tête !

Comment en effet accoucher dans la joie quand on sait la situation politique défavorable?

Comment faire le pari de confier son enfant au fleuve ? Avec quel espoir ? Et est-ce que c’est l’espoir qui lui permet ce geste inimaginable, déchirant pour une mère ?

Et voici que l’enfant lui revient… Il lui revient pour quelques mois, pour quelques années! Mais une fois encore elle doit s’en déprendre et elle l’amène au palais !

Oui, quels sentiments prennent son cœur, à l’heure de ces choix ? Et aussi quelle stratégie ? Que cherche-t-elle ? Que veut-elle pour son enfant ?

Elle aimerait le « sauver des eaux » peut-être ? Le faire échapper au déluge de violence qu’un pharaon inquiet provoque par des décrets inhumains. Ce pharaon a oublié l’histoire récente. Il a peur de ces étrangers sur sa terre. Ces étrangers sont pourtant esclaves, asservis à des tâches pénibles…

Et on connaît la suite : les événements vont se retourner complètement ! L’enfant tout juste sauvé de ces eaux de mort va devenir le sauveur de son peuple ! Parce qu’une mère a osé la folie de se dessaisir de son fils. S’en dessaisir pour le sauver et, finalement – mais ça elle ne le sait pas ! –, sauver tout un peuple.

Luc Genin:

Je pense à ces mamans qui aujourd’hui encore, pour des raisons sans doute assez semblables, consentent comme la maman de Moïse à laisser leur enfant partir devant la violence de la situation, devant l’impossible avenir promis à ceux à qui elles ont pourtant donné la vie.

Les politiques et autres décideurs ont été surpris de les découvrir, si nombreux, frappant à notre porte. Parfois, on n’a même pas cru à leur histoire et à l’âge qu’ils disaient avoir. Pas cru ? Pas voulu croire ? Ce n’était pas possible et bien trop compliqué à gérer.

Et pourtant : nul doute que quand les éléments se déchaînent, une mère cherchera toujours et à tout prix la vie pour son enfant et elle le fera embarquer sur l’arche la plus appropriée à lui garantir un avenir, même si cela signifie un éloignement. Et qui sait, une fois, s’il est sain et sauf, pourra-t-il aider à améliorer le sort des siens ?

Ils sont donc là, ces MNA, ces « mineurs-non-accompagnés ». Aujourd’hui 3’000 en Suisse dont 30% sont âgés de moins de 16 ans. Ils sont protégés par la convention de l’ONU sur les droits de l’enfant. Hébergés au centre de la Ronde à La Chaux-de-Fonds, actuellement 8 familles à ma connaissance dans le canton de Neuchâtel, se sont lancée dans l’aventure, avec le soutien du Service de protection de la jeunesse.

On le comprend aisément, ces jeunes sont d’abord fortement traumatisés par ce qu’ils ont vécu dans leurs pays d’origine et au cours de leur fuite. En plus des difficultés liées à leur âge, ces adolescents doivent surmonter la difficulté de s’exprimer en français. Ils ont les mêmes goûts pour le sport ou les jeux électroniques que nos adolescents. Ils sont souvent bercés d’illusions sur la vie qu’on mène ici. Tout ce qu’ils sont appelés à vivre dans notre pays représente un véritable défi. Mais avec un soutien adapté, nous avons foi dans leur faculté d’adaptation et d’apprentissage.

Le responsable des parrainages nous a signalé que les  MNA d’origine chrétienne, surtout les érythréens et les éthiopiens ont de fortes attaches avec leur église d’origine qu’elle soit orthodoxe, catholique ou évangélique. Ils y passent de longues heures le dimanche. Leur foi les porte beaucoup. Ce responsable nous a dit qu’il devait même avertir les familles d’accueil ou les parrains-marraines qui souvent proposent des loisirs le week-end que ces jeunes étaient souvent occupés le dimanche!

C’est ainsi que quelques-uns tissent avec l’un ou l’autre des liens plus étroits, leur offre un bout d’abri chaleureux, peut-être comme ce fut le cas pour Moïse, chez la fille du pharaon.

David Allisson:

Devant la folie meurtrière xénophobe du Pharaon, la mère de Moïse résiste. Chifra et Poua, les accoucheuses égyptiennes, résistent elles-aussi. Elles aident au sauvetage. Voilà un nourrisson non accompagné qui a besoin d’un refuge !

Chifra et Poua résistent au mal parce qu’elles « craignent Dieu », comme le mentionne le texte. Réjouissons-nous de la liberté spirituelle de ces deux femmes : Elles sauvent des vies !

Elles nous secouent un peu aussi : quand le pouvoir en place transforme en cimetière liquide le fleuve pourtant garant de vie, n’y a-t-il pas à réagir ? A s’opposer ? A s’opposer à ce dérapage qui va bientôt empoisonner tout le pays ?

Les deux sages-femmes craignaient Dieu.

De quel Dieu s’agissait-il ? N’étaient-elles pas égyptiennes, elles aussi, et se pouvait-il alors qu’elles connaissent le Dieu des Hébreux ? Peut-être… mais pour elles, aussi divin soit-il, le pouvoir du pharaon n’était pas absolu et leur foi leur a permis cette prise de distance qui a sauvé ces bébés du meurtre.

***

L’Evangile nous donne aussi à connaître des « craignant-Dieu », comme les deux sages-femmes. Notamment, Jésus reconnaît comme unique, même parmi le peuple des croyants, la foi du centurion. Sa foi va le faire lutter pour la vie… la vie de l’un de ses esclaves.

C’est un étranger qui aime la nation juive. Un peu comme les deux accoucheuses. C’est aussi un militaire qui sait ce que sont ordre et hiérarchie ; il sait que le maître est là pour commander et les esclaves pour obéir. L’un deux, est malade, et le maître va s’engager pour qu’il recouvre la santé. On est bien loin du pharaon d’alors…

Il y a ici un mélange des peuples et des castes : c’est comme si la vie mise en danger l’exigeait. Et c’est cela, l’un des faits remarquables de ce récit : les barrières sociales et religieuses tombent du moment que la mort menace. Tout le monde se met en route, joue les intermédiaires, aide à la résolution… et tout ça pour un esclave !

La foi prête à provoquer ce remue-ménage est aussi remarquable… et si l’esclave guérit, ce n’est pas sur l’ordre de Jésus. Il ne fait que souligner cette foi, unique en Israël.

Et si cette foi était « unique » parce que, comme une donnée d’ordre d’un général charismatique, elle avait été convaincue, déterminée et motivante, ne se laissant arrêter par aucune frontière ? C’est toute une armée mise au service de la vie de ce jeune esclave, non ?

Luc Genin:

Je pense de nouveau à ces enfants qui arrivent en Suisse, exténués par un voyage interminable. Un voyage qui n’a pas été sans risque : certains racontent des scènes de prostitutions ou d’abus, d’autres des épisodes de guerre. Tous ont été confrontés au désert insupportable, à la mer angoissante, à la mort de proches, aux humains profiteurs. Quel avenir pour eux ? Comment se remet-on de toutes ces affres ? De tout ce malheur ? En guérit-on ?

Mais ces jeunes n’arrivent pas nulle part. Ils arrivent près de chez nous. Ils sont là, avec nos enfants ou petits-enfants à l’école. Ils sont là dans des foyers de l’autre côté de notre rue. A Couvet, nous les rencontrons chaque semaine. Des bénévoles sont présents les vendredi après-midi au Vestiaire où des habits, des chaussures, des couvertures et des jeux sont mis à disposition. D’autres sont présents le jeudi après-midi à la permanence d’accueil. Toute personne intéressée à connaître nos activités ou à rencontrer un requérant d’asile, est la bienvenue les jeudi après-midi entre 15h et 17 à la salle de paroisse de Couvet. Durant l’été, une sortie à la cascade de Môtier sera organisée notamment. En octobre, un atelier de poterie animé par un requérant d’asile et une potière professionnelle offrira la possibilité aux participants de créer les personnages d’une crèche géante qui sera exposée dans ce temple ou ailleurs dans le Val-de-Travers. Ces activités sont mises sur pied en collaboration avec le centre de Couvet, sans distinction de culture ou de religion, sans prosélytisme. L’aumônerie pour les requérants d’asile est active également à proximité des centre de Perreux, Fontainemelon, Tête de Ran, à St-Blaise et à Cernier. Chaque mois, c’est un repas aux saveurs d’Afrique ou d’Asie qui est préparé par les requérant avec l’aide des bénévoles alternativement dans les locaux des paroisses catholique et réformée de Cernier. Enfin à Neuchâtel va s’ouvrir prochainement un espace rencontre et internet aux Valangines.

David Allisson:

Des sages-femmes, des mères courageuses, une princesse accueillante : un réseau se met en place.

Un centurion, ses amis pour porter le message, les notables juifs comme intermédiaires, Jésus : un réseau se met en place.

Un réseau, des réseaux… et la vie retrouve ses chances.

A l’heure de Facebook, nous vivons dans plusieurs réseaux, virtuels ou non ! Nous avons nous aussi plusieurs réseaux… Nous ne sommes pas seuls !

***

Méditons à l’occasion du dimanche du réfugié :

On a le destin d’un garçon sauvé des eaux de la mort. Et quel destin !

On a deux sages-femmes, libres grâce à leur foi, qui accomplissent leur vocation d’accoucheuses de vie malgré les interdictions et la peur ambiantes.

On a un fleuve donné, généreux et garant de vie pour tout un pays mais que d’aucuns veulent transformer en cimetière !

On a un chef militaire assez convaincu pour lancer toute une armée au secours d’un jeune esclave…

Et on a encore ces réseaux d’amis et de connaissances qui se laissent convaincre de donner le coup de main nécessaire, chacun à son moment.

Alors qu’est-ce à dire ? Qu’est-ce à me dire ? Qu’est-ce à nous dire quand on pense notamment à ces jeunes, venus s’échouer dans notre pays, comme Moïse au pied de la fille du Pharaon ?

Oui, qu’est-ce à dire aux « craignant-Dieu » que nous sommes ?