Lecture de la Bible
Genèse 1, 1-4a.26-28.31a et 2,1-4a
Jean 15,1-9
Être branché sur la vie
Prédication de David Allisson
« Oui, je tiens beaucoup à toi, tu es précieux et je t’aime. » (Es 43,4)
Tout part de là. C’est la base.
Et pourtant ce n’est pas gagné.
Quand on regarde le monde avec lucidité, on peut se dire qu’il y a beaucoup de choses moches : violence, mépris, ignorance, infidélité, blessures, manques viennent assombrir cette humanité lumineuse et aimée.
Dans les premières lignes de la Bible, il y a ces mots que nous avons rappelés tout à l’heure : Dieu regarde tout ce qu’il a fait. Et il voit que c’est une très bonne chose. [Genèse 1,31]
En voyant ce qui ne va pas dans le monde aujourd’hui, on peut se demander si Dieu devrait plutôt se repentir comme il l’a déjà fait dans la Genèse et qu’il a décidé de détruire l’humanité par inondation. C’est le récit de Noé et de sa fameuse arche.
Alors, est-ce que Dieu va supprimer l’humanité du XXIe siècle, cette humanité violente, haineuse, qui a détruit la terre et abîmé le climat ?
Je crois que l’humanité est faite pour vivre.
Aujourd’hui, Sasha est baptisé et si ses parents ont choisi d’avoir des enfants, c’est qu’il savent que la Vie leur a lancé un appel et leur fait une promesse.
Vous êtes appelés, comme le sont les parents et toutes les personnes qui aiment, à promouvoir et encourager la vie.
Vous recevez aussi la force de la promesse qu’il y a un avenir et une vie que Dieu peut regarder comme une très bonne chose, selon les mots de la Genèse.
Nous sommes invités à voir un avenir ouvert et possible, un avenir dans un monde où il fait bon vivre, où l’humanité trouve un chemin de respect, de vie et de partage. En un mot, nous avons devant nous un monde où nous pouvons aimer et être aimés.
Il y a du boulot.
Comme je le disais au soir du jeudi saint : il va falloir beaucoup, beaucoup, beaucoup d’amour.
Et de l’amour, il y en a ici : il y a l’amour de Claire et Christophe Jeanneret l’un pour l’autre et pour leurs enfants Ella et Sasha. Il y a l’amour des parrain et marraine pour Sasha. Il y a l’amour qui vous permet de vous accueillir et de vous rencontrer les uns les autres avec amitié. Il y a l’amour qui vous incite au respect de l’autre et de la planète dans tous ces gestes que vous faites au quotidien et qu’on appelle éco-responsables.
Alors je reviens au départ et aux mots de Dieu dans la bouche du prophète Esaïe que j’ai déjà cités :
« Oui, je tiens beaucoup à toi, tu es précieux et je t’aime. » (Es 43,4)
Tout part de là. C’est la base. C’est la raison même de baptiser et d’avoir une vie de foi. Dieu s’offre à nous comme la vie. Il est le Créateur de la vie. Il est à la source de nos origines. Et il est la source de notre vie. Il est notre raison de vivre, c’est-à-dire qu’il s’offre à nous comme un sens à notre vie.
C’est ce que je vous souhaite de vivre.
C’est ce que Dieu propose aux baptisés.
Le baptême est une manière d’affirmer par la parole et par le geste que la baptisée, le baptisé, est branché sur la vie.
Être branché sur la vie, c’est être relié à Dieu, source de vie, comme les branches sont reliées à la vigne de laquelle elles tirent leur sève et l’énergie de pousser et de donner du fruit.
« Vous êtes des branches », nous dit Jésus. Vous êtes : c’est aussi simple que cela ! Il ne nous dit pas : devenez des branches ; il ne nous dit pas : accrochez-vous à moi. Il nous dit : vous êtes des branches, vous êtes reliés à moi, non pas par vos propres forces, par vos propres moyens, par votre propre quête spirituelle, par votre propre piété, par vos propres actions. Mais parce qu’il en est ainsi, parce que vous êtes des êtres humains, des créatures voulues par Dieu, vous êtes attachés à moi, le Christ. Vous êtes attachés à Dieu.
« Vous êtes les branches, je suis la vigne ». Croire c’est peut-être d’abord cela : cet instant extraordinaire où nous comprenons que nous sommes reliés à Dieu, après avoir longtemps cherché Dieu, après avoir peut-être cru qu’on ne le trouverait pas, après l’avoir peut-être perdu, après s’être dit qu’il est décidément trop loin, trop haut, trop compliqué, trop difficile à comprendre ou au contraire trop prévisible. Bref qu’il n’était pas à notre portée. Croire c’est simplement se découvrir relié à Dieu et cela depuis le commencement des temps.
« Restés attachés à moi. ». Voilà une autre petite phrase de cet enseignement du Christ. « Restez » ; nous pourrions comprendre ce verbe comme un encouragement à être statiques, immobiles, passifs dans nos habitudes de pensées et de vie, dans notre morale, dans notre manière de faire et de concevoir notre vie et notre vie avec Dieu. Mais ce n’est pas de cela dont il est question ici.
« Restez attachés à moi comme la branche est attachée à la vigne ». Ce qui permet à la branche de rester attachée au plant de vigne, c’est cet échange permanent de la sève qui relie la branche au plant et qui lui donne de grandir, d’avoir du feuillage et de produire du fruit en abondance. Ce « restez attachés à moi » ne nous invite pas à rester statique et un peu enfermés dans nos habitudes. Non, ce « restez attachés à moi » nous invite plutôt à entretenir une relation, une relation vivante d’échange avec le Christ. La vigne puise son énergie dans la terre, puis donne du fruit. Elle reçoit et elle donne.
Rester attacher au Christ, c’est cultiver la relation avec Dieu à travers le Christ, c’est se mettre en prière, se mettre à l’écoute de ce qu’il nous dit, c’est lui dire ce que nous sommes en profondeur. Rester comme des branches restent sur le plant de vigne, c’est nous nourrir de sa présence dans sa parole prêchée et partagée, c’est accepter d’échanger et de changer.
Croire c’est non seulement se découvrir relié au Père, mais croire c’est aussi cultiver cette relation, cultiver ce lien pour ne pas le laisser s’endormir. Cultiver ce lien au Père modestement et avec passion comme un viticulteur soigne sa vigne.
« Aimer. ». Encore un autre petit flash d’enseignement du Christ. Puisque nous sommes dans la relation, il est normal que l’image de l’amour vienne prendre ici sa place. Or aimer, ce n’est pas ce sentiment un peu fade que ressassent certaines histoires à l’eau de rose.
Aimer, ce n’est pas ces drames romantiques, ou disons, ce n’est pas seulement cela. Aimer, nous engage au quotidien. Aimer c’est une réalité qui modifie notre relation à nous-mêmes et notre relation aux autres. Aimer Dieu ce n’est pas d’abord une mystique, une intériorité secrète, mais c’est une éthique : c’est une manière de se comporter vis-à-vis des autres.
Aimer c’est une action. Croire c’est se découvrir relié. Croire c’est cultiver cette relation. Mais croire c’est aussi s’engager avec les autres et pour les autres, avec Dieu et pour Dieu.
Être branché sur la vie, vivre une relation avec Dieu, c’est pour la personne qui croit, c’est pour chaque baptisé. Mais c’est aussi une histoire de famille. Les autres chrétiens deviennent important. Croire suscite une envie de partager avec d’autres ses questions, ses expériences, ses convictions.
C’est pour cela, au moment du baptême, que l’Église s’engage à offrir des lieux de partage, de discussion et de questionnement. Elle veut rester disponible à ces échanges en tout temps.
Et nous, baptisés de longue date, apprenons à partager la vie que nous recevons de Dieu. Nous aussi, nous sommes branchés sur la vie. Laissons cette vie s’écouler de nous, de nos rencontres, de notre Église.
Comme le dit l’auteur biblique de la deuxième lettre à Timothée pour encourager son correspondant à témoigner de sa foi : « L’Esprit Saint que Dieu nous a donné ne nous rend pas timides. Au contraire, cet Esprit nous remplit de force, d’amour et de maîtrise de soi. » (2 Tm 1,7)
Que l’Esprit de Dieu nous accompagne toutes et tous et nous fasse partager sa vie avec celles et ceux que nous côtoyons.
Amen.